Question de M. COLLOMB Gérard (Rhône - SOC) publiée le 09/02/2006

M. Gérard Collomb attire l'attention de M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement sur les dispositions de la loi SRU n° 2000-1208 du 13 décembre 2000. En effet, l'article 55 de cette loi est un formidable outil au service du rééquilibrage des logements sociaux, dès lors que son application s'appuie sur une volonté politique forte. Ainsi, dans la communauté urbaine de Lyon, les résultats de la période 2000-2004 dans les seules communes soumises aux obligations de production de logements sociaux ont atteint 6 178 logements, alors que les objectifs étaient de 2 074. Depuis 2002, les logements sociaux financés dans l'Ouest résidentiel sont plus nombreux que dans l'Est populaire (respectivement 369 contre 313), alors que c'était l'inverse auparavant (respectivement 125 et 281 de 1996 à 2001). Les trois quarts des demandeurs de logements sociaux ont des ressources inférieures au plafond d'accès au PLAI. Il lui demande s'il ne craint pas que l'introduction des logements en accession sociale dans le calcul des objectifs de la loi SRU se fasse au détriment du logement accessible aux ménages à faibles ressources, qui sont présents dans les communes.

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Réponse du Ministère délégué aux relations avec le Parlement publiée le 22/02/2006

Réponse apportée en séance publique le 21/02/2006

M. Gérard Collomb. Monsieur le ministre, on pouvait croire, après la crise des banlieues de novembre dernier, que notre pays avait pris conscience du danger mortel qu'il y avait à laisser s'installer une coupure toujours plus grande au sein de nos villes, entre, d'une part, une partie riche et prospère, et, d'autre part, des quartiers ou des communes « ghettoïsés ».

On pouvait donc penser que la politique de la ville et du logement menée par Jean-Louis Borloo, qui affiche ouvertement sa volonté de rééquilibrage social, allait se trouver confortée. En effet, dans les communes et les agglomérations où elle rencontre un partenariat actif, cette politique permet un certain nombre de changements sensibles. Par exemple, dans la communauté urbaine de Lyon, nous avons plus que doublé la construction annuelle de logements sociaux depuis 2002, qui est passée de 1 000 à 2 500.

Surtout, nous avons réorienté la construction de ces logements dans les zones où ils faisaient défaut. Cela nous permet de répondre à une double exigence : d'une part, prendre en compte des demandes de logements sociaux insatisfaites, et on sait qu'elles sont aujourd'hui extrêmement nombreuses ; d'autre part, amorcer un rééquilibrage social de l'agglomération par des politiques de renouvellement urbain fortes. À ce jour, par exemple, le Grand Lyon a contracté avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, pour un montant de 830 millions d'euros.

Cette politique de rééquilibrage, impérieuse au niveau national si nous ne voulons pas connaître demain une situation bien plus grave que celle que nous avons vécue en novembre dernier, repose largement sur l'obligation qu'impose à certaines communes l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi dite « SRU », de compter à terme 20 % de logements sociaux.

On aurait pu penser, notamment à la suite des prises de position du Président de la République, que cet article était désormais accepté par tous. Aussi, sa remise en cause par l'Assemblée nationale au cours de l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement a créé un vif émoi tant parmi les associations s'occupant du logement des plus démunis que parmi les élus qui considèrent que la mixité sociale dans nos villes est devenue aujourd'hui un enjeu majeur pour notre pays.

En particulier, l'amendement présenté par M. Ollier et adopté par l'Assemblée nationale visant à inclure dans la comptabilisation du nombre de logements sociaux les opérations d'accession sociale à la propriété tend à dénaturer la portée de l'article 55 de la loi SRU.

Monsieur le président, je vous prends à témoin : vous connaissez les difficultés qui peuvent être celles de quartiers entièrement « ghettoïsés ».

Vous savez aussi que, à défaut d'une très forte réaction au cours des prochaines années, nous serons confrontés à des problèmes à côté desquels ceux que nous avons connus en novembre dernier n'auront été que peu de chose.

Aussi, je souhaiterais savoir où en est la réflexion du Gouvernement sur cette question et si, lors de la deuxième lecture du projet de loi au Sénat, qui aura lieu prochainement, il entend prendre une position ferme et revenir au texte initial de l'article 55 de la loi SRU.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué le problème soulevé par l'article 55 de la loi SRU.

À cet égard, je voudrais vous dire qu'il importe de ne plus opposer l'accession sociale et les logements locatifs sociaux.

La prise en compte, voulue par les députés, de l'accession sociale dans le décompte des logements sociaux d'une commune est strictement encadrée. D'une part, il s'agit uniquement de l'accession aidée, qui concerne les ménages bénéficiaires des prêts à taux zéro, les PTZ, des prêts d'accession sociale, les PAS, et des prêts sociaux de location-accession, les PSLA. En outre, un plafond de ressources est prévu pour que les opérations concernées puissent être réellement qualifiées de sociales. Enfin, ne sont concernés que des logements neufs, et uniquement pour une durée de cinq ans.

La réalisation d'un certain nombre d'opérations d'accession sociale dans le neuf n'est donc pas une alternative pérenne au développement du parc locatif social qui, pour sa part, est comptabilisé pendant toute sa durée d'existence. Cela est d'autant plus vrai dans les communes déjà denses où le potentiel de construction est plus limité.

S'agissant plus particulièrement de l'agglomération lyonnaise, monsieur le sénateur, vous venez de signer avec l'État une convention de délégation de compétence qui prévoit la réalisation d'environ 2000 logements locatifs sociaux par an, dont la répartition géographique vise à une meilleure mixité sociale. La part des logements sociaux sera plus importante à l'ouest de l'agglomération qu'à l'est. Ces dispositions de la convention de délégation ne sont nullement remises en cause par l'évolution envisagée de l'assiette définie à l'article 55 de la loi SRU. Au-delà de cette convention de délégation, votre programme local de l'habitat en cours d'élaboration prévoira une territorialisation des objectifs de construction qui pourra aller dans le même sens.

En conclusion, je peux vous assurer, monsieur le sénateur, que cette prise en compte ciblée de l'accession sociale ne portera nullement atteint aux objectifs de mixité sociale et de développement du parc de logements locatifs accessibles aux ménages à faibles ressources, notamment dans votre agglomération, puisque c'était en partie le sens de votre question.

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Précisément, monsieur le ministre délégué, il semble que, dans l'agglomération lyonnaise, l'article 55 de la loi SRU, qui avait fait débat dans le passé, a été finalement bien appliqué par l'ensemble des maires. Voilà pourquoi ma question dépassait le cadre de la seule agglomération lyonnaise.

Ce matin, on peut lire dans les grands titres d'un quotidien que, quelques mois après les événements de novembre dernier, on a « remis le couvercle sur la marmite » et que rien n'a changé. Je crains que, si tel devait être le cas, nous ne soyons confrontés à des situations bien plus difficiles encore que celles que nous avons eu à regretter.

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