Question de M. MARINI Philippe (Oise - UMP) publiée le 30/03/2006

M. Philippe Marini appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'interprétation de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales (LPF), suite notamment à l'arrêt de section du Conseil d'Etat n° 232.832 en date du 20 juin 2003 « Sté Etablissements Lebreton – Comptoir général de peintures et annexes ».
Il s'interroge sur l'attribution de la preuve relative à la déduction de certaines charges, en cas d'intervention de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.
En application des dispositions de l'article L. 192 du LPF, « l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. « Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités (…)».
Selon le Conseil d'Etat dans son arrêt précité, « en adoptant le premier alinéa de l'article L. 192 précité, éclairé, au demeurant, par les travaux préparatoires auxquels celui-ci a donné lieu, le législateur a seulement entendu mettre fin (…) à l'état du droit antérieur sous l'empire duquel l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires avait pour effet, s'il était favorable à l'administration fiscale, d'attribuer au contribuable la charge d'une preuve que l'intéressé n'aurait pas supportée en l'absence de saisine de cette commission (…)».
Il lui demande si, compte tenu des évolutions de la jurisprudence du Conseil d'Etat, le droit actuel ne peut pas, dans certains cas, être paradoxalement moins favorable que le régime applicable sous l'empire de la loi n° 87-502 dite Aicardi du 8 juillet 1987, contrairement à la volonté alors exprimée par le législateur.
Ainsi, l'exposé des motifs de l'article 10 de ladite loi (article 5 du projet de loi) a précisé que « lorsque le contribuable remplit ses obligations déclaratives et comptables, la charge de la preuve incomberait toujours à l'administration, quel que soit l'avis rendu par la commission départementale » : cette référence au cadre général du respect des obligations déclaratives et comptables ne figure pas à l'article 192 du LPF définissant les différentes hypothèses d'attribution de la charge de la preuve. Les cas de figure concernés par les obligations déclaratives et comptables pourraient notamment être l'acte de gestion anormal se traduisant par une écriture de charge.
Il l'interroge enfin sur la possibilité que l'administration puisse saisir la commission départementale pour modifier l'attribution de la charge de la preuve en application des dispositions de l'article L. 192 du LPF, alors même que la contribuable a rempli ses obligations déclaratives et comptables. En effet, cette situation semblait exister avant 1987, selon le rapport de la commission Aicardi.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 20/07/2006

Il convient de distinguer le régime général d'attribution de la charge initiale de la preuve en matière fiscale et les modifications que peuvent lui apporter certaines règles tenant à la procédure d'imposition. Le régime général est gouverné par le principe selon lequel la charge de fournir les justifications nécessaires à la solution d'un litige incombe normalement à la partie qui est seule en mesure de le faire. S'agissant notamment de la déductibilité de charges, le contribuable est le mieux à même de fournir des explications sur l'inscription comptable d'une somme qui vient amputer le bénéfice imposable. Une jurisprudence bien établie du Conseil d'Etat en a déduit qu'il appartenait au contribuable de justifier, dans leur principe et leur montant, des écritures (charges, provisions, amortissements, créances de tiers) venant en déduction du bénéfice. S'agissant en revanche des écritures de produits et d'actif, la preuve de leur inexactitude incombe à l'administration. Avant l'entrée en vigueur de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987, l'intervention de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires pouvait avoir pour effet, en fonction du sens de l'avis rendu, d'inverser la charge initiale de la preuve. La commission Aicardi avait observé que des contribuables risquaient d'être dissuadés de demander la saisine de l'organisme de conciliation par la crainte d'un renversement à leur détriment de la charge de la preuve. Cette préoccupation a été prise en compte par le législateur et dans le régime issu de la loi du 8 juillet 1987 l'avis de la commission départementale ne conserve un effet sur la dévolution de la charge de la preuve que dans les cas où la comptabilité présente de graves irrégularités. Le Conseil d'Etat a déduit de l'abrogation de la disposition antérieure que, dans le cas ordinaire, l'incidence de la nature de la procédure se trouvait neutralisée, ce qui a pour effet de laisser inchangé le fardeau initial de la preuve, fondé sur la nature des écritures comptables. Il a considéré par ailleurs que les énonciations, citées par le parlementaire, de la nouvelle rédaction de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales se bornaient à illustrer les conséquences de cette abrogation dans le cas où la charge initiale de la preuve incombe à l'administration. Cela étant, le fardeau de la preuve ne prédétermine pas pour autant l'issue du litige et sa portée se trouve relativisée par le jeu de la dialectique de la preuve qui a pour effet d'en reporter la charge sur la partie qui plaide contre la vraisemblance, eu égard aux éléments fournis à chaque stade de l'échange. Dans le dispositif actuel, pour les motifs précédemment exposés, une saisine de la commission départementale à l'initiative de l'administration ne peut avoir pour effet, dans le cas ordinaire d'une comptabilité régulière, d'inverser la charge initiale de la preuve. L'intervention de l'organisme de conciliation, que ce soit à l'initiative du contribuable ou de l'administration, constitue une modalité essentielle de prévention et de résolution des différends.

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