Question de M. MASSERET Jean-Pierre (Moselle - SOC) publiée le 20/04/2006

M. Jean-Pierre Masseret souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'avenir de la profession d'avocat en France. Le groupe de travail qu'il a institué à la fin de l'année 2004 lui a remis en janvier 2005 un rapport visant à opérer un possible rapprochement entre la profession d'avocat et celle de juriste d'entreprise. Cette possibilité de rapprochement suscite beaucoup d'inquiétudes et d'incompréhensions chez les avocats. En effet, ils sont considérés comme des auxiliaires de la justice et participent à ce titre au bon fonctionnement de ce service public, notamment en assurant dans des conditions difficiles l'aide juridictionnelle aux populations les plus défavorisées. Ce projet laisse entrevoir l'éventualité de l'apparition d'une profession à « double vitesse ». A terme, seuls les avocats pourraient en effet avoir l'obligation d'assurer les missions traditionnelles d'assistance comme les commissions d'office. Par conséquent, il lui demande quelle suite il entend donner aux propositions de ce rapport.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 01/06/2006

Le garde des sceaux, ministre de la justice, confirme à l'honorable parlementaire que le groupe de travail qui s'est réuni à la chancellerie au cours de l'année 2005 a examiné l'hypothèse d'une réforme au terme de laquelle les avocats pourraient, à l'avenir, choisir d'exercer leur profession en qualité de salarié d'une entreprise, tout en conservant leur titre, leur statut et leur déontologie. Dans le même temps, un certain nombre de juristes d'entreprise, répondant à des critères objectifs et transparents, fixés par la loi, pourraient choisir d'intégrer la profession d'avocat, tout en conservant leur emploi et leur fonction au sein de leurs entreprises. Le groupe de travail a organisé sa réflexion autour de plusieurs thèmes. Ainsi, s'agissant de son champ d'activité professionnelle, l'avocat en entreprise exercerait les mêmes fonctions de consultation et de rédaction d'actes, au profit de l'entreprise, que l'actuel juriste d'entreprise. En revanche, il ne devrait en aucune manière concurrencer les avocats sur le terrain judiciaire, en représentant ses employeurs et en plaidant devant les tribunaux. Pour que cela soit sans ambiguïté, la loi lui interdirait de plaider et de représenter son employeur devant les juridictions lorsque la représentation est obligatoire, notamment devant le tribunal de grande instance, mais aussi d'assister son employeur en matière pénale. Par définition, l'avocat exerçant en entreprise n'aurait qu'une activité judiciaire très résiduelle. En conséquence, le groupe de travail a estimé que l'obligation déontologique de déférer aux désignations et commissions d'office serait pour lui sans objet. Il n'y serait donc pas soumis. Les propositions du groupe de travail permettent aujourd'hui d'envisager ce que pourrait être un statut de l'avocat français, salarié d'entreprise, proche de celui de ses homologues européens. Le rapport remis le 27 janvier dernier suscite des réactions nombreuses et diverses, qui montrent l'intérêt et l'actualité du sujet. La publication de ce document a ouvert une nouvelle phase de dialogue et de concertation qui doit se dérouler, au cours de l'année 2006, sous l'égide de la chancellerie, et qui porte notamment sur les critères d'intégration ou encore sur le statut social et le régime de retraite de l'avocat exerçant en entreprise. Pour aboutir, le rapprochement doit être perçu comme avantageux pour les deux communautés professionnelles. Encore une fois, il n'y aura pas de réforme et de rapprochement sans adhésion des professionnels du droit de ce pays à un projet clair et consensuel.

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