Question de M. ZOCCHETTO François (Mayenne - UC-UDF) publiée le 19/05/2006

Question posée en séance publique le 18/05/2006

M. François Zocchetto. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le garde des sceaux, alors que la France vient d'être frappée à nouveau par de terribles affaires de viol et de meurtre d'enfants, je souhaite vous interroger sur le sujet délicat du traitement des délinquants sexuels. En effet, notre pays doit se donner les moyens de lutter contre cette forme de délinquance aussi atroce qu'intolérable. Je veux, à cette occasion, exprimer notre soutien aux familles qui traversent de terribles épreuves.

La France a, depuis quelques années, enrichi considérablement son arsenal juridique pour renforcer la lutte contre la délinquance sexuelle. Lors de l'élaboration de la loi du 9 mars 2004, en tant que rapporteur de la commission des lois, j'avais d'ailleurs proposé la création d'un fichier judiciaire national des auteurs d'infractions sexuelles. Il nous avait paru nécessaire d'instituer ce fichier, afin d'assurer un suivi plus efficace des condamnés.

Plus récemment, dans le cadre de la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, la répression à l'encontre des personnes en état de récidive pour des délits d'agression sexuelle ou d'atteinte sexuelle a également été renforcée.

Tout au long de ces débats, le Sénat s'est investi pour que notre législation prenne en compte cette forme de délinquance.

Cependant, le Sénat s'est également montré soucieux du respect des principes fondamentaux de notre droit pénal. En particulier, nous avons rappelé l'exigence de non-rétroactivité de la loi pénale.

Nous sommes en effet attachés à ce que notre droit s'applique. Aujourd'hui, nous considérons que notre arsenal juridique permet de condamner et de réprimer ces crimes et ces délits atroces.

Cela étant, une question demeure : le suivi, en particulier médical, des délinquants sexuels. La France souffre d'un manque cruel de moyens en la matière. Nous constatons ainsi la vacance de 3 000 postes de psychiatre. N'est-ce pas symptomatique de l'abandon d'une partie de la chaîne pénale ?

Monsieur le garde des sceaux, quelles sont les mesures qu'il est envisagé de prendre pour que la France, dans le respect de nos principes fondamentaux, réponde aux inquiétudes de nos concitoyens s'agissant de cette douloureuse question des délinquants sexuels ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 19/05/2006

Réponse apportée en séance publique le 18/05/2006

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous connaissez bien mieux que beaucoup d'autres cette question, puisque vous étiez le rapporteur, au Sénat, de la loi du 9 mars 2004, qui a notamment créé le fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles. Celui-ci constitue aujourd'hui la réponse à la question fondamentale que vous posez, et que se pose l'opinion publique à la suite des meurtres atroces du petit Mathias et de la petite Madisson. À cet égard, je partage bien entendu l'indignation et la colère générales.

Ce fichier, qui a été créé voilà un peu plus d'un an, compte aujourd'hui près de 30 000 noms. À l'heure actuelle, 13 000 personnes ainsi recensées sont déjà tenues de se présenter une fois par an - tous les six mois pour les auteurs d'infractions graves - à la gendarmerie ou au commissariat de police de leur lieu de résidence, tout changement d'adresse devant être signalé sous quinze jours.

Ce fichier, je le rappelle, est durable : les noms des auteurs d'infractions passibles de plus de dix ans de prison y demeurent inscrits pendant trente ans, ce délai étant de vingt ans quand la peine de prison est inférieure à dix ans.

Les données conservées sont extrêmement utiles, comme on a encore pu le vérifier ces derniers jours, le fichier ayant permis d'identifier et d'arrêter en quelques heures les auteurs des crimes atroces que vous avez évoqués, monsieur le sénateur. Que l'on me permette, à cet instant, de rendre hommage à l'action des enquêteurs, conduite sous l'autorité des parquets de Nevers et de Tarascon.

En ce qui concerne maintenant le volet préventif, nous en avons longuement parlé ici même lors de l'élaboration de la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, qui fut le fruit du travail d'une mission d'information de l'Assemblée nationale.

En particulier, les membres de cette mission avaient constaté le manque criant de psychiatres du secteur public dans notre pays. Pour dire les choses simplement, les médecins spécialisés en psychiatrie exercent beaucoup plus volontiers dans le privé que dans les hôpitaux publics, d'où la pénurie actuelle.

Nous avons donc considéré qu'il fallait faire référence dans la loi à la fois aux psychiatres et aux psychologues, ce qui a été fait.

M. le président. Il faut terminer, monsieur le ministre !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. J'ai donc demandé à Xavier Bertrand de mettre à la disposition des hôpitaux publics un plus grand nombre de psychologues, afin qu'un suivi des délinquants sexuels puisse être assuré pendant et après la détention, le suivi socio-judiciaire intervenant soit au cours de l'exécution de la peine, soit, dans certains cas, après la sortie de prison.

M. le président. Vous avez dépassé le temps de parole qui vous était imparti, monsieur le ministre !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Tels sont les trop succincts éléments de réponse que je souhaitais vous apporter, monsieur Zocchetto. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

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