Question de M. MARC François (Finistère - SOC) publiée le 30/06/2006

Question posée en séance publique le 29/06/2006

M. le président. La parole est à M. François Marc. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. François Marc. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le SMIC mensuel s'élève aujourd'hui à 984, 61 euros. Ce revenu reste - convenons-en ! - bien modeste. Pourtant, le MEDEF, par la voix de sa présidente, juge « le niveau élevé de hausse du SMIC enregistré ces dernières années très dangereux ».

M. Guy Fischer. C'est honteux !

M. François Marc. Ainsi donc, aux yeux de certains, le SMIC à 984 euros mettrait la République en danger.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !

M. Bernard Piras. C'est honteux !

M. François Marc. Que dire, alors, de l'explosion sans précédent des rémunérations des grands patrons au cours de ces dernières années ?

Qu'il s'agisse de salaires fixes, de « bonus », de stock-options, de primes de départ, de parachutes dorés, les exemples de traitements de faveur scandaleux abondent ces derniers mois : 38 millions d'euros au PDG de Carrefour pour son départ à la retraite, plusieurs dizaines de millions d'euros de primes et stock-options au PDG de Vinci, un salaire de 3000 fois le SMIC, des plus-values suspectes sur stock-options pour le PDG d'EADS, une augmentation de salaire de 81 %, en 2005, pour le patron d'AGF !

Ainsi donc, les salaires des dirigeants explosent dans un environnement marqué par une perte d'éthique de la gouvernance d'entreprise, ainsi que par une dérive accélérée du capitalisme financier, avec, à la clé, des processus d'OPA dévastateurs.

La dégradation constatée est à ce point inquiétante qu'une grande autorité morale de ce pays déclarait hier, dans le journal Le Monde : « La démocratie est en danger, l'argent rend fou ! »

Dans ce contexte perverti, l'action de régulation de l'État est malheureusement défaillante, car la doctrine libérale du « laisser-faire » inspire très largement les politiques mises en oeuvre depuis quatre ans. On l'a vu une nouvelle fois avec l'affaire Arcelor-Mittal. Le « patriotisme économique », porté comme un étendard, a fait long feu. Monsieur le Premier ministre, ne peut-on parler de capitulation en rase campagne, face aux appétits des spéculateurs ?

Cette incapacité à agir se manifeste aussi par une large résignation en matière de régulation financière.

Ainsi, lors de l'examen au Sénat des textes portant sur la sécurité financière ou sur les OPA, vous avez rejeté les propositions socialistes sur trois sujets essentiels : l'encadrement des rémunérations des dirigeants ; plus de transparence et des sanctions renforcées contre les abus de marché ; une place avec voix délibérative des salariés au sein des conseils d'administration des entreprises.

Ma question est la suivante, monsieur le Premier ministre. Au cours d'une déclaration à Agen, le 22 juin dernier, votre ministre d'État a reconnu que ce Gouvernement avait trop complaisamment laissé la bride sur le cou à ceux qu'il a appelés les « patrons voyous ». Le président de l'UMP reconnaît sans nul doute là sa propre responsabilité, lui qui a été ministre de l'économie et des finances au cours de cette législature !

Monsieur le Premier ministre, ce constat de carence et d'échec est-il celui de votre Gouvernement tout entier ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Oui !

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 30/06/2006

Réponse apportée en séance publique le 29/06/2006

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, à votre question, la réponse est « non ».

M. Guy Fischer. Ah bon ?

M. Bernard Piras. Les stock-options, il connaît !

M. Thierry Breton, ministre. On peut dire ce que l'on veut et faire tous les amalgames imaginables, il n'en reste pas moins, monsieur Marc, que, depuis le début de cette mandature, le SMIC a augmenté, conférant ainsi à ceux qui en sont aujourd'hui les bénéficiaires un treizième mois.

M. Bernard Piras. Ce n'est pas la question !

M. Thierry Breton, ministre. Certes, ce n'est pas assez, mais, avec Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin, c'est notre fierté !

À entendre vos remarques sur la gouvernance d'entreprise, monsieur Marc, les bras m'en tombent ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aïe ! Rattrapez-les !

M. Didier Boulaud. Il se prend pour la Venus de Milo ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Thierry Breton, ministre. Lorsque votre majorité était au pouvoir, nous avons pu constater ce que la gouvernance a donné dans les entreprises publiques. Je suis bien placé pour le savoir : certains présidents qui avaient été nommés, et qui ont été maintenus dans leurs fonctions, ont décidé de faire un certain nombre d'acquisitions sans en référer à leur organe de direction, c'est-à-dire à l'État.

M. Bernard Piras. Des noms !

M. Thierry Breton, ministre. On a vu où cela les a conduits et où cela a mené l'État, mesdames, messieurs les sénateurs !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel niveau ! Élevez le débat !

M. David Assouline. On n'a rien compris !

M. Thierry Breton, ministre. Alors, de grâce, épargnez-nous les leçons de morale et les bons principes en matière de gouvernance !

En ce qui nous concerne, comment appréhendons-nous cette question ? Je prendrai l'exemple d'AREVA. Comme vous le savez, le conseil de surveillance de cette entreprise s'est réuni ce matin pour décider de la nomination d'un nouveau directoire pour cinq ans. L'État actionnaire et le conseil de surveillance ont établi une feuille de route très précise...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore une ! Les feuilles de route se superposent !

M. Thierry Breton, ministre. ...en indiquant les orientations que le directoire devrait adopter et suivre pendant les cinq ans à venir. Cela se traduit par la focalisation sur l'excellence industrielle, la sécurité, la technologie.

Un cadre très précis a, par ailleurs, été fixé : dans les cinq ans à venir, la présence de l'État ne pourra pas être diluée par opérations de marché sur le capital d'AREVA.

M. Bernard Piras. C'est du pipeau !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Après, vous privatiserez !

M. Thierry Breton, ministre. Le conseil de surveillance a donc décidé une nouvelle feuille de route,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore !

M. Thierry Breton, ministre. ...tout en respectant le principe de la gouvernance des entreprises.

Continuez à mettre dos à dos les uns et les autres, comme vous ne cessez de le faire. Pour notre part, nous respectons ce principe de gouvernance - nous différons sur ce point -, même si, tout comme vous, nous sommes attentifs aux excès. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Boulaud. Forgeard, démission !

M. David Assouline. On n'a rien compris ! Vous n'avez pas répondu à la question !

M. Paul Raoult. Ils n'osent pas applaudir leur ministre !

M. Bernard Piras. Il faut dire qu'il n'était pas bon !

M. Bernard Frimat. C'était faiblard !

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