Question de M. GERBAUD François (Indre - UMP) publiée le 21/09/2006

M. François Gerbaud attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur la prolifération des éoliennes. L'actualité mondiale pose avec acuité la question des ressources énergétiques et de leur avenir, et nos engagements européens nous imposent d'explorer dans ce domaine l'ensemble des possibilités existantes, éolien compris.
Pour autant, une énergie renouvelable ne doit pas être parée par principe de toutes les vertus écologiques, qui justifieraient son développement indistinct et débridé. La question des nuisances environnementales que peuvent engendrer, le cas échéant, les énergies renouvelables, doit pouvoir être posée sans tabous, sauf à verser dans l'idéologie.
Or, telle est la tendance avec les éoliennes, objet des sollicitudes du marché comme des tentations faciles de collectivités territoriales souvent victimes d'un miroir aux alouettes. La multiplication des « fermes éoliennes » dans notre espace rural aboutit à une agression visuelle infligée au patrimoine paysager et au cadre de vie de toute une population.
Le dispositif élaboré par la loi d'orientation énergétique n° 2005-781 du 13 juillet 2005 et la circulaire de juin 2006 autour des « zones de développement de l'éolien » est louable, mais ne suffira pas à enrayer la frénésie d'implantation de ces mâts géants de 150 mètres de hauteur dont les alignements balafrent le paysage et causent des nuisances sonores souvent dénoncées par les riverains, sans parler de la durée de vie relativement inconnue des installations et des garanties insuffisantes quant à leur démantèlement et au financement de ce dernier.
Nous assistons à une dérive, l'ardent désir des communes et EPCI d'accueillir des éoliennes sur leur territoire procédant moins d'un quelconque zèle écologique que de l'attrait financier lié à ces installations.
Mais dès lors que ce souci de rentabilité financière à court terme prend le pas sur la démarche proprement dite de promotion des énergies nouvelles, il constitue un dévoiement qu'il faut corriger.
Aussi lui soumet-il l'idée d'instaurer un fonds départemental de soutien et d'assistance au développement des énergies renouvelables, alimenté pour l'essentiel par l'intégralité des recettes de taxe professionnelle issues de l'activité des éoliennes.
Ce fonds, géré par le conseil général, serait affecté à la promotion de toutes les énergies propres non fossiles, dans un souci réel et désintéressé de contribution à la diversification énergétique.
Un tel mécanisme couperait court à des motivations financières sans rapport avec le souci du développement durable et introduirait une rationalisation d'autant plus justifiée que le bénéfice réel de l'éolien n'est pas toujours évident. Ainsi, autant le rendement énergétique de batteries géantes d'éoliennes implantées en off-shore, dans des zones de grand vent, est intéressant, autant l'éparpillement de ces machines à l'intérieur des terres constitue au mieux une source d'énergie d'appoint.
Il se dit à cet égard très surpris qu'au moment où le prix du kW/h est au cœur du débat, le Gouvernement ait cru devoir, contre l'avis de la Commission de contrôle de l'énergie, pérenniser pour une période de quinze ans l'obligation faite à EDF de racheter l'électricité d'origine éolienne à un tarif fois supérieur à sa valeur réelle. La promotion des différents types d'énergies propres doit s'effectuer de façon équilibrée, sans omettre des ressources qui, telles la biomasse ou l'énergie tirée de le filière bois, n'agressent pas le paysage et recèlent elles aussi de grandes potentialités, comme l'ont montré les travaux des sénateurs dans le cadre de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie et du rapport sur la place des énergies renouvelables dans le développement local.

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Réponse du Ministère de l'écologie et du développement durable publiée le 26/10/2006

Réponse apportée en séance publique le 25/10/2006

M. le président. La parole est à M. François Gerbaud, auteur de la question n° 1119, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

M. François Gerbaud. Madame la ministre, l'avenir des ressources énergétiques nous impose d'explorer l'ensemble des possibilités existantes, en particulier l'éolien. Pour autant, une énergie renouvelable ne doit pas être parée par principe de toutes les vertus écologiques qui justifieraient son développement indistinct et débridé. La question des nuisances environnementales que peuvent engendrer les énergies renouvelables doit pouvoir être posée sans tabou.

Ainsi en est-il, à mon sens, des éoliennes, objet des sollicitudes du marché comme des tentations faciles des collectivités territoriales. La multiplication des « fermes éoliennes » dans notre espace rural, véritable agression visuelle, aboutit à la défiguration du patrimoine paysager et du cadre de vie de toute une population.

Le dispositif élaboré dans la loi d'orientation sur l'énergie ne suffira pas à enrayer la frénésie d'implantation de ces mâts géants de 150 mètres de hauteur dont les alignements balafrent le paysage et causent des nuisances sonores et lumineuses souvent dénoncées par les riverains, sans parler de la durée de vie relativement incertaine des installations ni des garanties insuffisantes quant à leur démantèlement et à son financement.

Nous assistons de ce fait à une sorte de dérive, l'ardent désir des communes et des établissements publics de coopération intercommunale d'accueillir des éoliennes sur leur territoire procédant moins d'un quelconque zèle écologique que de l'attrait financier lié à ces installations. Mais, dès lors que ce souci de rentabilité financière à court terme prend le pas sur la démarche de promotion des énergies nouvelles proprement dite, il constitue à mon sens un dévoiement qu'il est important de corriger.

Aussi, je lance ici l'idée d'instaurer un fonds départemental de soutien et d'assistance au développement des énergies renouvelables, alimenté pour l'essentiel par l'intégralité des recettes de taxe professionnelle issues de l'activité éolienne.

Ce fonds, géré par le conseil général, serait affecté à la promotion de toutes les énergies propres non fossiles, dans un souci réel et désintéressé de contribution à la diversification énergétique.

Un tel mécanisme couperait court, à mon sens, à des motivations financières sans rapport avec le souci du développement durable et introduirait une rationalisation d'autant plus justifiée que le bénéfice réel de l'éolien n'est pas toujours évident, c'est le moins que l'on peut dire.

Je suis pour ce qui me concerne très surpris que, au moment où le prix du kilowattheure est au coeur du débat, le Gouvernement ait cru devoir, contre l'avis de la Commission de contrôle de l'énergie, pérenniser pour une période de quinze ans l'obligation faite à EDF de racheter l'électricité d'origine éolienne à un tarif plusieurs fois supérieur à sa valeur réelle.

La promotion des différents types d'énergies propres doit s'effectuer de façon équilibrée, sans omettre des ressources qui, telles la biomasse ou l'énergie tirée de la filière bois, n'agressent pas le paysage et recèlent, elles aussi, de grandes potentialités, comme l'ont montré dans cette maison même les travaux de plusieurs de nos collègues.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question car l'éolien est au coeur de nombreux débats aujourd'hui.

Je vous rappellerai d'abord que la France s'est engagée, sur le plan européen, à atteindre 21 % d'électricité d'origine renouvelable d'ici à 2010. C'est un objectif que nous nous sommes assigné pour contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi pour diversifier notre bouquet énergétique et assurer notre indépendance.

Nous sommes encore, hélas ! bien loin de cet objectif avec aujourd'hui seulement 13 % de notre électricité d'origine renouvelable, essentiellement sous forme hydraulique ; et ce n'est pas à vous, monsieur le sénateur, qui êtes spécialiste dans ce domaine que je vais l'apprendre.

L'éolien est aujourd'hui, avec l'hydraulique, la forme d'électricité renouvelable électrique la moins chère, et donc celle que nous devons privilégier pour parvenir à notre objectif de 21 %.

La France avait pris, du fait des gouvernements précédents, du retard en matière d'éolien par rapport à ses voisins européens : avec plus de 900 mégawatts, nous sommes encore bien loin des 14 000 mégawatts de l'Allemagne ou des 7000 mégawatts de l'Espagne, mais nous sommes entrés dans une phase de rattrapage très rapide puisque le parc éolien a quintuplé depuis 2002.

Je suis, quant à moi, favorable à un développement volontaire mais aussi harmonieux de l'éolien en France et, surtout, à condition, bien sûr, d'assurer le respect de nos magnifiques paysages.

Je considère que l'éolien fait partie du bouquet énergétique global et qu'il faut le considérer à ce titre. Mais je suis évidemment soucieuse des autres externalités environnementales, notamment paysagères. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les associations de défense du patrimoine paysager que j'ai rencontrées et j'ai retenu plusieurs de leurs propositions.

La loi d'orientation sur l'énergie de 2005 a apporté, je crois, un progrès dans ce domaine : elle a mis en place un nouveau cadre réglementaire faisant disparaître le plafond de 12 mégawatts, qui entraînait, il est vrai, un mitage de l'éolien sur le territoire.

Elle stipule que les projets éoliens aidés devront être situés sur des zones de développement éolien, qui seront définies sur le plan local sur demande des communes après une large concertation avec toutes les communes avoisinantes.

Ce nouveau cadre réglementaire est positif. Il doit permettre une meilleure acceptation locale et un développement de l'éolien dans notre pays dans des conditions plus sereines. Je rappelle également que tous les projets sont soumis désormais à la commission des sites, ce qui n'était pas le cas au préalable.

J'ai donc signé avec mon collègue François Loos, au mois de juin dernier, une circulaire, qui a été adressée aux préfets, afin de définir les conditions d'acceptation des zones de développement éolien, en demandant aussi une étude paysagère.

Vous avez raison de dire, monsieur le sénateur, qu'il faut tenir compte de toutes les externalités environnementales et qu'il faut également favoriser toutes les formes d'énergies renouvelables, notamment celles qui sont utilisées pour les transports et pour la production de chaleur.

Les nouvelles mesures annoncées par le Premier ministre pour les biocarburants, le nouveau tarif de rachat de l'électricité solaire, mais aussi les 30 millions d'euros par an qui seront désormais consacrés par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, au développement de la filière bois-énergie en France, permettent d'encourager ce développement du bouquet des énergies renouvelables dans notre pays. Ces énergies renouvelables sont indispensables à la lutte contre le changement climatique.

Le « Plan climat », dont une actualisation sera approuvée par le Gouvernement lors du prochain comité interministériel du développement durable, a pour objectif de développer de manière volontariste ces nouvelles formes d'énergie.

Je rappelle enfin qu'elles constituent pour notre pays une formidable opportunité en termes de créations d'emplois qualifiés et que nous avons là aussi intérêt à promouvoir les entreprises françaises qui se développent dans ce secteur.

M. le président. La parole est à M. François Gerbaud.

M. François Gerbaud. Je vous remercie, madame la ministre, des précisions que vous m'avez apportées. Je suis convaincu qu'on ne pourra pas arrêter cette prolifération des éoliennes, et je le regrette infiniment.

Lorsque le débat est venu devant la commission des affaires économiques, j'avais dit un peu méchamment que les éoliennes étaient un aspirateur à illusion et après, à terme, un ventilateur à colère. Je maintiens ce point de vue.

Les préfets - et je vous remercie de leur avoir donné des instructions - doivent être très prudents, car on va assister incontestablement à un saccage des paysages, quelle que soit la précaution que vous prenez, et dont je vous remercie. Il ne faudrait pas que la tentation d'Éole conduise la France à un autre épisode de la France défigurée.

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