Question de M. FISCHER Guy (Rhône - CRC) publiée le 17/11/2006

Question posée en séance publique le 16/11/2006

M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de poser ma question, je vous prie d'excuser ceux de nos collègues qui, en cet instant, assistent aux obsèques de l'épouse du secrétaire général du groupe communiste républicain et citoyen.

M. le président. Le Sénat y est représenté, mon cher collègue.

M. Guy Fischer. Je vous en remercie infiniment, monsieur le président.

Le 18 octobre dernier, faisant sienne une proposition du commissaire Charlie McCreevy, la Commission européenne a franchi une ultime étape dans la libéralisation du marché postal.

Le projet de directive adopté prévoit, en effet, une ouverture totale à la concurrence du secteur courrier au 1er janvier 2009. Le domaine réservé des plis de moins de cinquante grammes devrait être ouvert à tous les opérateurs du marché.

Ce processus de libéralisation des activités postales conduira à une dépréciation de la qualité du service rendu à la population et à une dégradation des conditions de travail des salariés. Si cette directive était adoptée, elle signerait la fin d'un véritable service postal universel.

Face à la gravité d'un tel projet, la mobilisation s'organise en France, ainsi qu'à l'échelon européen, confirmant la défiance des populations à l'égard de la libéralisation des services publics.

Pourtant hier, le Parlement européen a voté, en session plénière, la directive sur les services, dite Bolkestein.

Alors qu'il déclarait avant le référendum du 29 mai 2005 que cette directive était « inacceptable », le Gouvernement a tout simplement laissé la procédure législative se poursuivre. C'est la version proposée par les États membres en mai dernier qui a finalement été adoptée. Certes, elle abandonne le principe du pays d'origine, mais elle n'affirme pas la primauté du droit du pays d'accueil. Cette zone d'ombre laisse augurer un « dumping social » et de nombreux recours juridiques.

La directive « services », comme le projet de libéralisation totale des activités postales, s'inscrit dans la droite ligne de la dérégulation, donnant la priorité à l'intégration par le marché, fondée sur la rentabilité des activités au détriment des usagers et des salariés.

De plus, il semblerait qu'après l'avoir écarté de la directive « services », la Commission remette la libéralisation du secteur de la santé à l'ordre du jour.

En dépit de la condamnation claire par nos concitoyens du traité constitutionnel européen, le Gouvernement ne s'est pas réellement opposé à la libéralisation totale des services dans le marché intérieur. La négociation de la directive relative à la poste devrait être l'occasion pour vous, monsieur le ministre, de promouvoir une conception exigeante des services publics à l'échelle européenne.

M. Dominique Braye. La question !

M. Guy Fischer. Dès lors, avez-vous l'intention de vous opposer à la libéralisation totale des activités postales au 1er janvier 2009 et de demander à cette fin le retrait du projet de directive ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 17/11/2006

Réponse apportée en séance publique le 16/11/2006

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, d'abord je voudrais vous rassurer (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) au sujet du secteur de la santé ; là vous allez un peu loin !

M. Guy Fischer. J'anticipe !

M. Thierry Breton, ministre. Revenons-en à La Poste. La Commission européenne vient d'adopter un projet de nouvelle directive postale, qui doit être soumis au Parlement européen et, ensuite, au Conseil européen.

Je veux réaffirmer la volonté de la France de maintenir un service public postal de très grande qualité.

M. René-Pierre Signé. Ah bon ?

M. Thierry Breton, ministre. Du reste, ce projet de directive prend déjà largement en compte les propositions de la France.

M. Didier Boulaud. On n'y croit pas !

M. Thierry Breton, ministre. Premièrement, le champ et les obligations du service universel postal restent inchangés.

Deuxièmement, la péréquation tarifaire sur les plis individuels est maintenue. Il s'agit d'une exigence très forte de l'égalité d'accès au service public en France, à laquelle le Gouvernement est très attaché.

M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas possible !

M. Thierry Breton, ministre. Troisièmement, les droits des consommateurs sont renforcés.

Enfin, et surtout, le projet de directive ne restreint pas les missions de service public complémentaires, telles que l'aménagement du territoire ou le transport de la presse.

Oui, monsieur le sénateur, la France est et restera très attachée au maintien d'un service postal universel de haute qualité, à un prix abordable sur l'ensemble du territoire national.

M. René-Pierre Signé. Dans les zones rurales ?

M. Thierry Breton, ministre. Enfin, nous fixons comme condition à l'adoption de la directive que le futur système de service universel postal soit aussi efficace que le secteur réservé que nous connaissons actuellement pour les plis de moins de cinquante grammes.

Monsieur le sénateur, nous avons effectivement noté une mobilisation des postiers voilà quelques jours. Le Gouvernement tient d'ailleurs à rendre hommage à La Poste et à toutes celles et tous ceux qui font fonctionner ce grand organe au service des Français. Cette mobilisation a été mesurée, puisqu'elle n'a concerné que 15 % de grévistes...

M. Didier Boulaud. Selon la police !

M. René-Pierre Signé. Vous ne savez pas compter !

M. Thierry Breton, ministre. C'est pour nous le signe que, dans leur large majorité, les postiers ont compris que c'est en s'adaptant à un monde qui bouge que La Poste pourra continuer à être fidèle à sa vocation de service public. Telle est en tout cas l'ambition du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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