Question de M. MICHEL Jean-Pierre (Haute-Saône - SOC) publiée le 20/09/2007

M. Jean-Pierre Michel souhaite demander à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, si certains principes généraux de procédure pénale sont toujours applicables ; il lui demande notamment de lui préciser s'il existe des exceptions à la règle selon laquelle l'identification de l'auteur d'une infraction incombe à la partie poursuivante qui exerce l'action pénale, et lorsqu'il y a contestation sur cette identification, ou lorsqu'elle n'a pas été faite, quelle peut être la suite de la procédure.

- page 1640


Réponse du Ministère de la Justice publiée le 21/11/2007

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2007

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, auteur de la question n° 44, adressée à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Pierre Michel. Madame le garde des sceaux, je tiens tout d'abord à vous remercier de votre présence. Tous mes collègues n'ont pas, comme moi, l'honneur de recevoir une réponse du ministre à qui leur question est adressée !

Ma question, très simple, concerne un principe général de procédure pénale selon lequel il revient à la partie poursuivante, celle qui exerce l'action publique, d'identifier l'auteur d'une infraction, quelle que soit cette infraction. Ce principe souffre-t-il des exceptions ? Si tel est le cas, lorsque l'identification n'est pas possible ou qu'elle est contestée, quelle peut être la suite de la procédure ?

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous me demandez si certains principes généraux de procédure pénale sont toujours applicables, s'il existe des exceptions à la règle selon laquelle l'identification de l'auteur d'une infraction incombe à la partie poursuivante, et, lorsque cette identification est contestée, quelles suites il convient de donner à la procédure pénale.

Le code de procédure pénale ne prévoit pas de dispositions particulières régissant la charge de la preuve. Toutefois, celle-ci obéit à deux principes généraux.

En premier lieu, toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie.

En second lieu, la charge de la preuve incombe à la partie poursuivante ; le plus souvent, il s'agit du ministère public, mais ce peut être également la partie civile, lorsque celle-ci est à l'initiative des poursuites.

La loi prévoit toutefois un certain nombre de présomptions dispensant la partie poursuivante d'apporter la preuve de l'élément matériel ou intentionnel de l'infraction, en matière douanière, en matière routière et s'agissant du délit de non-justification de ressources.

Il n'existe pas en droit français de système de preuves légales, contrairement à ce qui prévaut en droit anglo-saxon, par exemple. L'article 427 du code de procédure pénale consacre au contraire le principe de la liberté de la preuve en vertu duquel, « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ».

Il appartient au procureur de la République, chargé d'exercer l'action publique, de déterminer si les éléments de preuve recueillis au cours de l'enquête sont suffisants pour engager des poursuites pénales contre un individu. Si ces éléments lui paraissent insuffisants, il peut, en vertu des articles 40 et 40-1 du code de procédure pénale, classer sans suite la procédure.

Dans le cas où un dossier d'instruction a été ouvert, et à l'issue des investigations, le magistrat instructeur, après avoir recueilli les observations des parties et les réquisitions motivées du procureur de la République, apprécie s'il existe des charges suffisantes permettant d'ordonner le renvoi d'une personne mise en examen devant la juridiction de jugement. À défaut, le juge d'instruction rend une ordonnance de non-lieu, conformément aux articles 175 et 177 du code de procédure pénale.

De même, conformément aux articles 470, 541 et 363 du code de procédure pénale, toute juridiction de jugement est également fondée, si elle estime que les éléments de preuve présentés contre la personne poursuivie ne sont pas suffisants, à renvoyer celle-ci des fins de la poursuite, en prononçant une décision de relaxe ou d'acquittement.

En d'autres termes, si le procureur de la République peut engager la poursuite quand les pièces apportées lui semblent assez probantes, le juge peut malgré tout en décider autrement à tout moment.

Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions que je suis en mesure de vous apporter sur cette question.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Madame le garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse très complète, d'autant plus qu'elle vient confirmer mon sentiment sur ce sujet.

Je vous ai interrogée sur ce problème - il faut tout de même que je m'en explique -, parce que, comme d'autres parlementaires, j'ai été alerté par un certain nombre de nos concitoyens qui sont las des méthodes du Centre national de traitement du contrôle automatisé, dont les services sont implantés à Rennes.

En effet, alors que les tribunaux, notamment les tribunaux administratifs, ont annulé des arrêtés de suspension de permis de conduire au motif que le respect du contradictoire n'était pas respecté - vous apprécierez la gravité de ce motif pour la suite -, le centre de Rennes continue à se montrer récalcitrant et tarde à produire le cliché, alors que ce dernier permettrait de contester l'infraction ou de savoir qui en est l'auteur - car ce n'est pas forcément le titulaire de la carte grise. Et, lorsque finalement on obtient ce cliché, même s'il se révèle inexploitable - soit la photographie est prise de dos, soit, quand elle est prise de face, le conducteur n'est pas identifiable - si le titulaire de la carte grise refuse d'avouer l'infraction ou d'en dénoncer l'auteur, l'aveu ou la dénonciation n'étant pas obligatoires, le centre de Rennes se permet de prononcer une amende pénale ; pour ma part, je conseille de ne pas la payer. Ensuite, on attend...

Des associations se sont créées, ce qui n'est pas un très bon signe. C'est pourquoi, madame le garde des sceaux, je souhaite que vos services ainsi que ceux du ministère de l'intérieur - puisque ce sujet concerne les deux ministères - revoient la procédure de contestation des infractions routières, lorsque celles-ci sont constatées de manière automatisée, donc hors la présence des intéressés.

- page 5015

Page mise à jour le