Question de M. GERBAUD François (Indre - UMP) publiée le 11/10/2007

M. François Gerbaud demande à M. le secrétaire d'État chargé des transports quel bilan il dresse d'une décennie de coexistence entre Réseau ferré de France et la SNCF. La loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public "Réseau ferré de France" en vue du renouveau du transport ferroviaire, instituant un gestionnaire des infrastructures distinct de la SNCF a été un succès, mais des réalités nouvelles ont pesé sur les débuts de RFF : irruption de la concurrence privée dans le transport par rail, mise en place d'organismes traduisant l'implication de l'Union européenne dans ce secteur et émergence d'acteurs inédits, notamment privés, palliant par leur intervention la raréfaction des ressources publiques d'État. Publié fin 2005 par l'École polytechnique fédérale de Lausanne, l'audit sur l'état du réseau ferré national français a fourni une « photographie » alarmante et toujours d'actualité de la situation de nos infrastructures ferroviaires, qui pose la question cruciale des priorités à assigner à l'évolution du rail en France. A défaut d'un message gouvernemental clair sur cette question, le Parlement s'en saisira lui-même en créant une mission d'information. On ne poura pas éviter l'arbitrage entre les ambitions grisantes mais onéreuses du TGV et un entretien digne de ce nom du réseau existant, perspective moins spectaculaire mais plus sage. A cet égard, est-il opportun de persister à programmer, à l'horizon 2015, une liaison à grande vitesse entre Limoges et Poitiers dont l'utilité reste à démontrer depuis son irruption dans le débat public lors du CIADT de 2003, et dont la réalisation détournerait immédiatement les financements publics du renforcement du POLT ? Des gains de vitesse significatifs peuvent pourtant être obtenus sur cet axe historique et primordial, à travers la modernisation des voies et l'acquisition de matériels roulants plus adéquats, assorties de l'instauration de fréquences rentables qui accroîtront la rationalité économique et financière du POLT. Au final, le projet de TGV Limoges - Poitiers doit être reconsidéré voire abandonné. A la demande conjointe des trois régions traversées par le POLT, une étude a été réalisée en 2007 par un cabinet conseil. Ce document mériterait une publicité et une diffusion à la hauteur de ses préconisations, rendues plus pertinentes encore par la proximité d'un CIADT aux orientations sensiblement différentes de celles de 2003.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'écologie publiée le 07/11/2007

Réponse apportée en séance publique le 06/11/2007

Mme la présidente. La parole est à M. François Gerbaud, auteur de la question n° 58, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

M. François Gerbaud. Voilà dix ans, Hubert Haenel et moi-même avions l'honneur d'être les rapporteurs du texte sur la réforme qui allait scinder la SNCF en deux et créer Réseau ferré de France, RFF.

Dix ans, c'est un anniversaire symbolique qui exige que soit dressé un premier bilan. Cette loi instituant un gestionnaire des infrastructures distinct de l'opérateur ferroviaire historique a été un succès, même si un certain nombre de modifications pourraient être apportées.

Elle a résisté à cette « leucémie » du doute qui accompagne tous les grands projets. Elle a fait face à de nombreuses épreuves et elle est aujourd'hui confrontée à des réalités nouvelles : irruption de la concurrence privée dans le transport par rail, mise en place d'organismes traduisant l'implication de l'Union européenne dans ce secteur et émergence d'acteurs inédits, notamment privés, palliant par leur intervention la raréfaction des ressources publiques d'État.

Publié à la fin de 2005 à la demande de RFF par l'École polytechnique fédérale de Lausanne, l'audit sur l'état du réseau ferré national français a fourni une photographie alarmante et toujours d'actualité de la situation de nos infrastructures ferroviaires, qui pose la question cruciale des priorités à assigner à l'évolution du rail en France.

Il est naturel que le Parlement se saisisse de ce sujet, le cas échéant, par tous les mécanismes et procédures à sa disposition qui répondent à la légitimité de nos interrogations.

Tel est le sens, madame la secrétaire d'État, de la question que je pose aujourd'hui. Comment éviter l'arbitrage entre les ambitions grisantes mais onéreuses du TGV pour lequel on ne cesse de rêver de nouvelles lignes et la nécessité d'un entretien urgent, permanent et digne de ce nom du réseau existant, perspective moins spectaculaire mais plus sage et plus réaliste ?

Nous disposons à ce jour du réseau de lignes à grande vitesse le plus étoffé d'Europe. Or les projets en cours en doubleront l'étendue dans les vingt ans à venir. Ces projets devront être financés, et c'est là le premier problème : comment trouver les 40 milliards d'euros indispensables pour régler ce qu'il est convenu d'appeler le « prix de la grande vitesse » ?

C'est un lourd choix d'aménagement du territoire, à la vérité, qui met directement l'État et le Gouvernement face à leurs responsabilités.

De fait, un tel chantier a vocation à être au coeur des discussions du prochain comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, car il justifie par son ampleur la mise en oeuvre d'un schéma directeur national fournissant des projections à moyen terme.

Le CIADT de 2003 avait débouché sur une liste de projets épars, dénués de cohérence d'ensemble. À rebours de cette logique, nous devons aujourd'hui nous appuyer sur un calendrier clair et structuré des investissements envisagés, seule véritable parade aux polémiques, surenchères et amertumes de tous ordres, ce que je nomme pour ma part « le printemps des impatiences » !

Si elle est un motif de satisfaction, la récente annonce à l'horizon de 2025 d'une nouvelle ligne à grande vitesse reliant Paris à Lyon, par Vierzon, Bourges et Clermont-Ferrand, suscite aussi un certain nombre d'inquiétudes, car elle compromettrait gravement la viabilité de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dite POLT, entre Vierzon et Limoges.

C'est une perspective que nous pouvons envisager sereinement pour le sud du Berry et pour Châteauroux, sa capitale.

Dans le même ordre d'idée, est-il opportun de programmer à l'horizon de 2015 une liaison à grande vitesse entre Limoges et Poitiers dont l'utilité reste à démontrer depuis son irruption dans le débat lors du CIADT de 2003, et dont la réalisation détournerait immédiatement les financements publics du renforcement du POLT ?

Des gains de vitesse significatifs peuvent pourtant être obtenus sur cet axe historique et primordial grâce à la modernisation des voies et à l'acquisition de matériels roulants plus adéquats, assorties de l'instauration de fréquences rentables qui accroîtront la rationalité économique et financière du POLT.

Au final, le projet de TGV Limoges-Poitiers doit être reconsidéré, voire abandonné, car il est clair que, coincé entre le TGV à venir qui circulera dans vingt ans entre Vierzon, Bourges et Clermont-Ferrand, et la dérive des passagers du sud de Limoges vers Poitiers, la liaison Vierzon-Limoges risque d'être singulièrement affaiblie et de n'être plus qu'un pointillé sur la carte de notre réseau ferroviaire !

À la demande conjointe des trois régions traversées par le POLT, une étude a été réalisée en 2007 par un cabinet de conseil. Ce document mériterait une publicité et une diffusion à la hauteur de ses préconisations, rendues plus pertinentes encore par la proximité d'un CIADT aux orientations apparemment sensiblement différentes de celles de 2003.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, Dominique Bussereau, qui doit rencontrer son homologue au Japon, m'a demandé de répondre à votre question et de vous présenter ses excuses pour son absence.

Vous interrogez tout d'abord le secrétaire d'État chargé des transports sur le contexte institutionnel dans le domaine ferroviaire.

La réforme de 1997, qui a créé RFF, a permis de clarifier la gestion du système ferroviaire en séparant l'infrastructure et l'exploitation des services de transport. Cette organisation préfigure la répartition des rôles inscrite désormais dans les directives européennes.

Sur ce fondement, le financement de l'infrastructure a été mieux défini, que ce soit pour les projets de développement, avec la mise en oeuvre de « l'article 4 » ou, pour la gestion du réseau existant, avec la restructuration des subventions de l'État à RFF.

Elle a enfin permis de préparer l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, en prévenant les conflits d'intérêt. Même s'il reste évidemment de nouvelles étapes à parcourir, ces avancées sont importantes.

Face au constat, à la fin de 2005, de l'état dégradé du réseau après vingt années de sous-investissement, le plan 2006-2010 de rénovation du réseau adopté par le Gouvernement prévoit de mobiliser d'importants moyens supplémentaires. Ces moyens sont apportés, d'une part, par l'État et, d'autre part, par le système ferroviaire dans son ensemble : péages, cessions d'actifs, etc.

Ainsi, le programme de renouvellement annuel atteindra, en 2010, 600 millions d'euros de plus qu'en 2005 et 1 800 millions d'euros supplémentaires seront consacrés à la remise à neuf du réseau sur la période 2006-2010.

Cet effort considérable, que le Gouvernement tient à souligner, est prolongé par les opérations inscrites dans les contrats de projets 2007-2013, qui permettront de réaliser environ 750 millions d'euros de travaux de modernisation avec le concours des régions.

De plus, les engagements de la SNCF, contractualisés dans la nouvelle convention de gestion de l'infrastructure 2007-2010, concourront à améliorer la productivité des opérations d'entretien et d'exploitation.

Ainsi, l'effort engagé, qui devra être poursuivi pendant plusieurs années, permettra, comme dans les autres pays européens, de rétablir l'état du réseau et d'optimiser les dépenses de maintenance en rééquilibrant la part respective des dépenses d'entretien et des dépenses de renouvellement.

Vous avez ensuite évoqué les projets de développement du réseau ferré national. Vous connaissez l'ambition du Gouvernement dans ce domaine ; elle répond à l'orientation fixée par le Président de la République d'augmenter d'un quart la part du fret ferroviaire, objectif que j'ai évoqué tout à l'heure en réponse à l'un de vos collègues.

L'amélioration de l'axe Paris-Orléans-Limoges-Toulouse est en cours. Les travaux de régénération qui s'achèvent sur cette ligne, pour un montant de 233 millions d'euros financés par RFF, de même que le programme engagé pour la suppression des passages à niveau, vont permettre d'y relever la vitesse.

Parallèlement, l'offre de service de la SNCF progresse, avec la généralisation du matériel Téoz en 2008 et de nouvelles dessertes : dès décembre prochain, seront mis en service un aller et retour Corail Téoz supplémentaire et, avec le concours des régions Centre et Limousin, un service TGV Brive-Lille qui permettra notamment d'assurer la connexion avec les aéroports d'Orly et de Roissy et le réseau RER d'Île-de-France.

Ces éléments témoignent de notre ambition de développer le transport ferroviaire placé au coeur de notre politique de promotion du développement durable, conformément aux conclusions du Grenelle de l'environnement.

Pour ce qui concerne les lignes nouvelles, un comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires, CIACT, précisera prochainement les 2 000 kilomètres de projets à réaliser d'ici à 2020, qui ont, eux aussi, été annoncés lors du Grenelle de l'environnement.

Mme la présidente. La parole est à M. François Gerbaud.

M. François Gerbaud. Madame la secrétaire d'État, la qualité de votre réponse justifiait mon interrogation. Je vous remercie des précisions que vous avez apportées sur l'axe de rénovation, qui me paraît très important.

Si Saint-Exupéry vivait aujourd'hui, le petit prince demanderait peut-être qu'on lui dessine un TGV et non pas un mouton ! (Sourires.) Faites en sorte que la route du fer ne soit pas coupée entre Vierzon et Limoges, ce qui serait un risque considérable pour l'aménagement du territoire.

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