Question de M. MARC François (Finistère - SOC) publiée le 22/11/2007

M. François Marc attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les difficultés auxquelles se trouvent aujourd'hui confrontés les élus locaux pour assurer convenablement leur fonction sur le terrain.
Au manque d'appui technique (notamment dans les petites communes) s'ajoutent les effets des récents et multiples désengagements de l'État, DDE, perceptions, DDAF… qui fournissaient jusque là un conseil gratuit.
La complexité territoriale ainsi que les nouvelles responsabilités issues des derniers transferts de compétences ne leur facilitent pas la tache : la charge des maires s'étoffant en effet.
Si l'acte II de la décentralisation n'a pas conduit à proprement parler à d'importants transferts de compétences aux communes, de nombreux textes de lois votés au cours des cinq années passées ont touché à leurs domaines de compétences : c'est par exemple vrai pour la loi SRU, la loi sur le logement, les questions de sécurité et de lutte contre la délinquance ou encore pour la loi sur l'eau… Dans tous ces domaines, le rôle des maires a été précisé et élargi.
La formation des élus, la nécessaire disponibilité et la question des indemnités compensatrices doivent être au cœur d'un renforcement du statut de l'élu.
Il lui demande par conséquent dans quelle mesure elle entend mettre en œuvre une véritable modernisation du statut de l'élu favorisant l'accès aux mandats d'hommes et de femmes venant de tous horizons professionnels.

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Réponse du Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales publiée le 16/01/2008

Réponse apportée en séance publique le 15/01/2008

M. le président. La parole est à M. François Marc, auteur de la question n° 113, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. François Marc. Madame la ministre, le statut des élus et les conditions d'exercice des mandats locaux constituent des sujets de préoccupation largement débattus depuis de nombreuses années.

C'est avec la première vague de décentralisation - 1982-1983 - que, à la suite de la suppression de la tutelle administrative du préfet, s'est naturellement posée la question d'une amélioration du statut des élus locaux, désormais placés à la tête de collectivités véritablement autonomes et décentralisées.

Depuis, plusieurs lois ont contribué à faire progressivement émerger un statut de l'élu fondé sur un niveau minimal de reconnaissance. La loi récente la plus significative en la matière est la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, qui a permis l'amélioration du crédit d'heures, la création d'une allocation différentielle de fin de mandat, l'extension du droit à la formation et un certain nombre d'autres avancées fort utiles.

Pourtant, en ce début 2008, comme le faisait remarquer récemment l'Association des petites villes de France, l'APVF, « la France reste le mauvais élève de la classe européenne dans le domaine du statut de l'élu local ».

De fait, de simple médiateur, le maire est aujourd'hui devenu un manager dirigeant une vraie entreprise municipale. Sa responsabilité n'a cessé de s'accroître en raison de l'attribution de nouvelles compétences, mais aussi de la pression d'une société de plus en plus individualiste.

Interrogés en janvier 2007 par la revue Le Courrier des maires et des élus locaux, les maires de France répondaient à 89 % qu'il est plus difficile d'être maire aujourd'hui qu'il y a quelques années. Dans cette enquête, nombre d'entre eux se plaignent de la complexité croissante des réglementations et des normes françaises et européennes, ainsi que du caractère de plus en plus « chronophage » de leurs tâches.

Vous ne l'ignorez pas, madame la ministre, l'Observatoire de la décentralisation du Sénat a adopté ici même, le mercredi 7 novembre 2007, les conclusions du rapport de son président, Jean Puech, intitulé Une démocratie locale émancipée : des élus disponibles, légitimes et respectés. La proposition numéro six de ce rapport préconise d'« assurer aux exécutifs locaux un véritable régime statutaire adapté à leurs nouvelles responsabilités ».

Dans cette perspective, il importe, madame la ministre, que les questions essentielles portant sur la formation des élus, l'accession de toutes les professions aux mandats électifs - nous sommes loin, aujourd'hui, d'une égalité de traitement des citoyens en ce qui concerne l'accessibilité à la fonction de maire -, l'amélioration des passerelles entre vie politique et vie professionnelle, soient au coeur d'un renforcement du statut de l'élu.

Aussi, j'ai souhaité vous interroger sur les projets que vous nourrissez actuellement concernant les améliorations à apporter pour répondre aux très nombreuses attentes qui se font jour, et ce au moment où les maires et les conseils municipaux vont être renouvelés. En cette période, il est essentiel de donner des signes en faveur de la facilitation de l'exercice de ces mandats. C'est la raison pour laquelle il me paraissait opportun de vous poser aujourd'hui cette question.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je connais, comme vous, les exigences et les contraintes du métier de maire ainsi que l'engagement personnel qu'il exige. Cet engagement, vous avez raison de le souligner, s'avère de plus en plus intense, notamment du fait de la multiplication et de la complexité des réglementations, mais aussi des demandes des administrés.

Je ne dirai pas, comme vous, que certaines professions ne peuvent avoir accès à la fonction de maire. En effet, contrairement à ce qui se passe pour les fonctions électives nationales, la proximité du maire permet, souvent, pour des raisons de disponibilité, une plus grande ouverture, y compris d'ailleurs s'agissant de l'accès des femmes aux fonctions électives, sujet sur lequel on observe une certaine évolution.

Pour autant, il est évident que les fonctions électives ne doivent pas être dissuasives du fait de leur lourdeur, des risques qu'elles font naître ou du manque de reconnaissance qui y est attaché.

De gros efforts ont été accomplis depuis des années, en particulier de 2002 jusqu'à ces derniers mois, par exemple en ce qui concerne la formation et les autorisations d'absence, qui permettent de rendre compatible une activité professionnelle avec la fonction de maire, ou encore le régime indemnitaire des maires, qui a sérieusement progressé de 2000 à 2007, ou l'allocation différentielle de fin de mandat, qui a été créée. Toutes ces mesures constituent des améliorations réelles, nécessaires et parfaitement justifiées.

Monsieur Marc, je pense, comme vous, qu'il est nécessaire de prolonger la réflexion en prévoyant des mesures susceptibles de faciliter, au quotidien, l'exercice des fonctions d'élu et de supprimer la crainte des fins de mandat, liée au fait que certains abandonnent ou mettent de côté une partie de leur activité professionnelle.

De ce point de vue, j'ai déjà formulé, voilà plusieurs années, dans un rapport, un certain nombre de propositions visant notamment à mieux reconnaître, au sein de la fonction publique, les compétences qui peuvent avoir été acquises par des maires, en créant une sorte de nouvelle voie d'accès à des fonctions administratives. Après tout, il existe bien, pour entrer à l'ENA, une troisième voie destinée à ceux qui exercent des fonctions syndicales ! Nous pourrions imaginer un système parallèle pour les élus, qu'ils soient nationaux ou, dans une moindre mesure, locaux.

Naturellement, une réflexion, menée en concertation avec les associations d'élus, est nécessaire et je suis tout à fait prête à la lancer.

Je souhaite évoquer aussi la responsabilité pénale des élus, sujet qui intéresse, me semble-t-il, un certain nombre d'entre eux. J'ai d'ailleurs écrit, en 1998, un livre relatif au problème d'une responsabilité pénale qui devient totalement dissuasive, dans un contexte de judiciarisation croissante de notre vie courante, à l'instar de ce qui se passe aux États-Unis. J'y évoquais notamment la responsabilité des maires - je pense au panneau de basket qui tombe sur un enfant ! -, domaine dans lequel des progrès importants ont été réalisés.

Néanmoins, certains sujets méritent encore, selon moi, des avancées. J'ai donc souhaité engager, avec Mme le garde des sceaux que j'ai saisie de ce sujet, un chantier sur les risques pénaux encourus par les exécutifs locaux, notamment dans le cadre de législations et de réglementations extrêmement complexes. Je pense notamment à la commande publique, domaine dans lequel les chefs de favoritisme ou de prise illégale d'intérêts ne correspondent pas forcément aux véritables intentions.

Ma volonté est d'avancer dans ces domaines, en restreignant la responsabilité du maire, afin d'éviter une instrumentalisation du droit à des fins politiques. En effet, en se penchant sur la complexité de la législation et les risques liés à la fonction, certains, juste avant les élections locales, parviennent à mettre en cause des personnes, alors que ces attaques se révèlent, la plupart du temps, non fondées.

Dans ce domaine, nous pouvons donc aller plus loin. J'ai d'ores et déjà engagé, avec le garde des sceaux, une réflexion en la matière. Je souhaite agir également dans le cadre de mes relations avec les associations d'élus.

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Je tiens à vous remercier, madame la ministre, de votre réponse. Je me félicite de vous entendre dire que des chantiers ont été ouverts avec Mme la garde des sceaux, concernant notamment les questions pénales. Bien entendu, ces avancées seront fort utiles.

Je souhaitais tout de même attirer votre attention sur la préoccupation qui s'exprime ici et là s'agissant du faible nombre de femmes pouvant accéder à la fonction de maire. Elles sont parfois freinées dans leur élan par un certain nombre de considérations liées à la garde des enfants ou à leur profession.

En ce qui concerne les tranches d'âge, les questions de disponibilité constituant aujourd'hui un paramètre déterminant, le nombre de retraités à occuper ces fonctions est de plus en plus important. Bien sûr, je n'ai rien contre ces derniers, car ce sont souvent des gens d'expérience, fort utiles et fort efficaces dans leurs fonctions. Néanmoins, si nous voulons véritablement avoir une représentativité forte et équilibrée, il nous faut faire évoluer ce paramètre.

Je me félicite donc, madame la ministre, que vous vouliez faire avancer les choses, dans le prolongement de ce qui a été réalisé. Le Sénat sera à vos côtés pour mener cette réflexion, puisque certaines de ses instances, en particulier l'Observatoire de la décentralisation, ont des propositions à formuler.

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