Question de M. BILLOUT Michel (Seine-et-Marne - CRC) publiée le 06/12/2007

M. Michel Billout attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables sur les enjeux relatifs à l'avenir de la filière nucléaire.
En effet, le Président de la République a annoncé une réflexion stratégique sur la refonte du secteur nucléaire. Cette refonte pourrait aboutir à un rapprochement entre Alsthom, groupe privé, et Areva, aujourd'hui détenu à 85 % par l'État et le Commissariat à l'Énergie Atomique.
Cette nouvelle privatisation dans le secteur énergétique, après la fusion entre Suez et GDF, fait peser des risques très importants sur l'environnement, la garantie du droit d'accès de tous à un bien universel mais également sur la sûreté.
L'énergie n'est pas une marchandise comme les autres et son exploitation ne peut être abandonnée aux impératifs économiques de court terme de la loi de marché.
En effet, les groupes privés sont plus intéressés par le retour sur investissement que par l'accomplissement d'un service d'intérêt général.
De plus, si le choix de l'exploitation de l'énergie nucléaire et l'effort de recherche dans ce domaine apparaît judicieux, notamment au regard de ses atouts écologiques qui permettent à la France de respecter le protocole de Kyoto et de ses atouts géopolitiques liés à la crise énergétique due à l'épuisement des ressources pétrolières et gazières, son corollaire ne peut être qu'une maîtrise intégralement publique de l'ensemble de la filière ainsi qu'une transparence exemplaire. Les récentes loi sur la transparence et la sécurité nucléaire ainsi que celle relative à la gestion des déchets nucléaires semblaient prendre en compte ces exigences citoyennes.
Pour ces raisons, il souhaite qu'il lui précise les projets du Gouvernement en la matière et réaffirme l'engagement pris par M. Nicolas Sarkozy en 2004 de ne pas privatiser le nucléaire civil.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'écologie publiée le 16/01/2008

Réponse apportée en séance publique le 15/01/2008

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 119, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

M. Michel Billout. Madame la secrétaire d'État, j'ai souhaité vous interpeller sur l'avenir de la filière nucléaire civile, au regard des récents événements.

Le secteur énergétique est en pleine mutation.

Depuis maintenant de nombreuses années s'organisent le démantèlement des entreprises publiques et la libéralisation de ce secteur en parfaite cohérence avec les directives européennes.

Nous avons acquis l'expérience suffisante pour analyser les conséquences néfastes de cette politique en termes aussi bien de sécurité d'approvisionnement que d'envolée des tarifs.

L'ouverture du secteur est aujourd'hui en phase d'aboutissement, puisque la filière nucléaire, qui apparaissait comme un secteur réservé, est en passe d'être également privatisée et ouverte à la concurrence.

Si elle n'est pas assumée clairement par le Gouvernement, nous pouvons tout de même constater que tout se met en place pour atteindre cet objectif.

Alors que l'actuel Président de la République proclamait en 2004 « qu'une centrale nucléaire, ce n'est pas un central téléphonique, et qu'un gouvernement ne prendra jamais le risque de privatiser l'opérateur des centrales nucléaires », Mme la ministre Christine Lagarde annonce qu'elle est favorable au développement du parc nucléaire privé du futur groupe Suez- GDF.

Nous pouvons donc légitimement penser que le monopole français d'EDF concernant la production nucléaire risque de voler en éclats.

Il est aujourd'hui demandé à EDF de céder à prix bas son énergie nucléaire aux nouveaux opérateurs pour leur permettre de proposer des tarifs compétitifs. Il n'est donc pas exclu à terme de leur permettre directement de devenir exploitant nucléaire.

De plus, le Président de la République a annoncé sa volonté de rapprochement rapide entre Alstom, entreprise détenue à 30 % par Bouygues, et AREVA, dont le capital est actuellement détenu à 85 % par l'État et le Commissariat à l'énergie atomique, le CEA. Des partenariats avec VINCI sont également étudiés par Anne Lauvergeon.

Cette démarche est cohérente. Il s'agit une nouvelle fois de brader les outils industriels publics rentables aux capitaux privés, selon les principes libéraux.

Pourtant, les enjeux particuliers au secteur de l'énergie et particulièrement du nucléaire devraient nous inciter à plus de prudence.

La crise mondiale énergétique, avec un baril de pétrole avoisinant les 100 dollars, est source de conflits géopolitiques majeurs. Il est donc nécessaire de renforcer la maîtrise publique sur ce secteur pour garantir l'indépendance énergétique française et européenne, et de consacrer les ressources nécessaires à la recherche, notamment pour progresser sur la question des déchets nucléaires.

Par ailleurs, l'exploitation de cette énergie nécessite une vision prospective, puisque les investissements se font sur le long terme, notamment pour le renouvellement du parc nucléaire, et doivent donc être dégagés des aléas des marchés boursiers.

Se posent également des questions de sécurité, puisque nous savons que le recours accru à la sous-traitance dans l'objectif de diminuer les coûts de production est potentiellement source de risques pour les installations et les personnels.

En parfaite adéquation avec les conclusions de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver, les sénateurs communistes estiment donc qu'« EDF n'est pas une entreprise comme une autre, notamment parce qu'il s'agit de l'exploitant nucléaire, ce qui justifie pleinement le fait que l'État détienne une très large majorité de son capital social. »

Parallèlement, nous estimons que cette maîtrise publique est également la meilleure manière de respecter l'exigence citoyenne de transparence sur les conditions d'exploitation de cette énergie.

La loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, ainsi que la loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, adoptées récemment, semblaient pourtant prendre en compte ces impératifs.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, madame la secrétaire d'État, de bien vouloir préciser les objectifs du Gouvernement en ce qui concerne l'avenir de la maîtrise publique de la filière nucléaire et de nous dire si vous allez maintenir ou non le monopole de l'exploitation nucléaire confié aujourd'hui à EDF ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, le secteur nucléaire est un élément incontournable de notre politique énergétique ; nous sommes d'accord sur ce point. Il contribue à la fois à notre sécurité d'approvisionnement, à la compétitivité de nos entreprises et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit également d'un secteur industriel clef pour l'avenir de notre pays, qui détient deux leaders mondiaux, EDF et AREVA, et qui peut s'appuyer sur une recherche de premier plan, que l'on oublie trop souvent, avec le Commissariat à l'énergie atomique.

La raréfaction des ressources énergétiques, la prévention de l'effet de serre et les tensions sur le prix des énergies fossiles qu'elle entretient soulignent l'intérêt de conforter le développement de la filière nucléaire en France et à l'international.

Présent sur l'ensemble du cycle du combustible nucléaire ainsi que sur la fabrication et la maintenance des réacteurs, le groupe AREVA sera dans ce cadre conduit à réaliser des investissements très significatifs dans les années à venir, que ce soit pour la construction de nouvelles usines, la rénovation d'installations actuelles ou le développement de son activité minière. Je précise bien que je parle ici du groupe AREVA et non de la filière dans son ensemble, qui, elle, regroupe des entités différentes.

C'est donc dans cette optique que le Gouvernement a engagé une réflexion sur l'évolution du capital d'AREVA, qui prend, bien sûr, en compte les intérêts de la France, que ce soit en matière de sûreté nucléaire ou de gestion d'activités sensibles. Il est indispensable d'examiner avec attention l'ensemble des scénarios et de ne négliger aucune piste afin que la France puisse conforter et développer son industrie dans le respect des règles internationales pour éviter la prolifération, dans le respect des grands principes développés par la récente loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, et la loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Madame la secrétaire d'État, j'ai bien entendu votre réponse à propos des réflexions en cours sur une ouverture du capital d'AREVA.

Vous n'avez pas répondu à mon interrogation sur le groupe Suez-Gaz de France, qui pourrait constituer demain le principal concurrent d'EDF sur notre territoire, en sachant que Suez est déjà un opérateur nucléaire via sa filiale en Belgique.

Vous n'avez pas non plus répondu à la question de savoir si le Gouvernement souhaite maintenir comme opérateur unique sous maîtrise publique de l'énergie nucléaire la société EDF.

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