Question de M. FISCHER Guy (Rhône - CRC) publiée le 24/01/2008

M. Guy Fischer appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation faite aux enfants confrontés à la séparation ou au divorce conflictuels de leurs parents. Il n'est pas rare qu'ils fassent l'objet de manipulations de la part du parent qui détient la garde à l'encontre de l'autre parent, souvent le père. En effet, seuls 8,6 % des enfants des familles dissociées sont confiés au père. L'on constate également que plus d'un tiers des saisines du Défenseur des enfants portent sur des litiges entre parents séparés.
Cette forme de maltraitance psychologique que l'on appelle parfois "aliénation parentale", conduit à une destruction de l'image paternelle préjudiciable au développement harmonieux de l'enfant qui, ainsi pris en otage, exprime souvent son mal être par des comportements d'enfermement sur soi, des conduites à risque, un échec scolaire fréquent. Il va sans dire que le parent écarté vit également une grande souffrance.
Ces situations conflictuelles se concrétisent fréquemment par une non présentation de l'enfant et une violation ou un contournement du droit de visite, par exemple par le choix d'une résidence très éloignée du lieu de vie de l'autre parent. Il faut encore noter que le problème se répercute sur les grands-parents et les autres membres de la famille.
Or, les nombreuses plaintes déposées sont souvent classées ; quant aux décisions de justice, elles ne sont pas toujours appliquées ou dans des délais inadmissibles. L'on estime ainsi que plus de deux millions d'enfants ne voient plus le parent qui ne détient pas la garde.
Malgré les progrès accomplis avec notamment l'instauration des lieux neutres de rencontre, l'inscription dans la loi de la résidence alternée, une réponse juridique doit pouvoir être apportée qui permette le renforcement des droits familiaux des parents aliénés en même temps que la meilleure prise en compte du droit de l'enfant à entretenir des relations avec l'ensemble de sa famille.
Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître ses projets en la matière et notamment s'il est prévu une meilleure formation des juges aux affaires familiales, ainsi que le préconise Mme le Défenseur des enfants.

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Réponse du Ministère de la Justice publiée le 21/08/2008

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il partage son souci de voir les droits de chacun des parents reconnus après la séparation du couple. À cet égard, la loi du 4 mars 2002 a introduit de nombreuses dispositions en vue de favoriser la coparentalité. Ainsi, la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance ou au domicile de l'un des parents. Si environ 10 % des enfants résident en alternance au domicile de chacun des parents, la majorité des enfants réside au domicile de la mère, en raison de l'existence d'un consensus des père et mère. À cet égard, dans la mesure où le rapprochement des parents en cours de procédure apparaît souvent comme l'un des meilleurs moyens de résorber un conflit sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, la loi du 4 mars 2002 encourage le recours à la médiation familiale propre à restaurer la communication et à favoriser le respect mutuel des droits de chacun. Le juge peut notamment enjoindre aux parents de rencontrer un médiateur qui les informera sur l'objet et le déroulement de cette mesure (article 373-2-10 du code civil). Par ailleurs, en application de l'article 373-2-6 du code précité, le juge aux affaires familiales peut prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l'effectivité du maintien des liens de l'enfant avec chacun de ses parents. Surtout, l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre constitue l'un des critères essentiels sur lesquels se fonde le juge lorsqu'il statue sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Si le parent bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement démontre que l'autre parent refuse de lui remettre l'enfant selon les modalités judiciairement fixées ou adopte une attitude de dénigrement systématique à son égard de nature à l'empêcher d'exercer pleinement ses responsabilités parentales, il peut demander au juge aux affaires familiales de transférer la résidence habituelle de l'enfant à son domicile. Cette mesure, propre à inciter le parent réfractaire à mieux respecter le principe de coparentalité, peut être ordonnée, si elle apparaît conforme à l'intérêt de l'enfant, étant observé que le juge a toute faculté pour ordonner des mesures d'investigation préalables (enquête sociale, expertise médico-psychologique) ou entendre le mineur, afin d'avoir la meilleure compréhension possible du contexte familial. Le juge peut, également, avoir recours à des mesures financières coercitives pour assurer l'exécution de sa décision en ordonnant une astreinte. Les cas où l'enfant est placé dans un conflit de loyauté insurmontable menaçant son équilibre psychologique du fait de la volonté de l'un des titulaires de l'autorité parentale d'exclure l'autre parent de la vie du mineur demeurent exceptionnels. Toutefois, dans de telles hypothèses, le juge des enfants peut être saisi sur le fondement de l'article 375 du code civil, pour mettre en place des mesures d'assistance éducative destinées à mettre fin au danger moral encouru par l'enfant. Il y a lieu également d'observer que la violation de la décision judiciaire accordant un droit de visite et d'hébergement à un parent est un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (art. 227-5 du code pénal). Dans les situations les plus difficiles, le parent victime d'une non-représentation d'enfant a la possibilité de déposer plainte entre les mains du procureur de la République pour dénoncer ces faits. Le parquet peut alors, dans le cadre de ses pouvoirs et de ses attributions en matière de protection des personnes, prendre toutes dispositions en vue de faire cesser l'infraction. Dans un souci de pacification des relations entre les parties, le ministère public privilégie d'abord la recherche d'une solution non contentieuse, en recourant à des mesures alternatives aux poursuites, telles que le rappel à la loi, le classement sous condition de régularisation, la médiation pénale (art. 41-1 du code de procédure pénale). Mais lorsque les faits dénoncés persistent, dénotant la mauvaise foi et la volonté de ne pas se conformer aux décisions de justice, des poursuites sont diligentées devant les tribunaux correctionnels. En 2006, 1 385 condamnations sont intervenues de ce chef, contre 957 en 2003. Concernant la formation des juges aux affaires familiales, l'École nationale de la magistrature a toujours eu, dans sa pédagogie, le constant souci d'assurer un équilibre entre, d'une part, la nécessaire réponse aux demandes liées à la technicité du droit et, d'autre part, une formation plus large incluant des aspects éthiques, déontologiques, humains et de communication. Les auditeurs de justice effectuent un stage en juridiction dont une partie auprès de juges aux affaires familiales et se trouvent ainsi confrontés directement à la conduite d'entretiens et d'audiences, sous le contrôle de ces magistrats. Cette formation est encore approfondie pendant la période de spécialisation fonctionnelle, pour les auditeurs de justice ayant choisi, au titre de leur premier poste, des fonctions de juge du siège comportant une participation au service des affaires familiales. Par ailleurs, à compter de 2006, l'École nationale de la magistrature a mis en oeuvre un enseignement en psychologie, délivré et organisé sous forme de directions d'études, en groupes de taille restreinte, par une psychologue clinicienne. Enfin, le programme de formation continue nationale, devenue obligatoire, comprend des sessions traitant spécifiquement du contentieux familial. Au total, le dispositif législatif actuel garantit la continuité des liens de l'enfant avec chacun de ses parents au-delà des conflits et séparations, de sorte qu'il n'est pas envisagé de modifier les dispositions applicables en la matière.

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