Question de M. BEL Jean-Pierre (Ariège - SOC) publiée le 28/03/2008

Question posée en séance publique le 27/03/2008

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, lors des élections de mars, les urnes ont parlé. Dans les communes, les départements, les Français ont choisi.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. À Toulon, par exemple !

M. Jean-Pierre Bel. Les résultats de ces élections, comme l'a confirmé notre collègue Henri de Raincourt, sont clairs et sans appel ; il ne sert à rien de les nier.

Aux élections municipales, la gauche a remporté le plus grand nombre de victoires : un peu moins de cent villes supplémentaires de plus de 9 000 habitants ; « Trois Français sur cinq vivent dans une ville administrée par la gauche », titrait un grand quotidien du soir.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Les pauvres ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Cointat. Ils vont le payer !

M. Jean-Pierre Bel. La gauche, fait sans précédent dans son histoire, est également majoritaire dans près de 60 % des départements.

Enfin, je rappelle que le succès était encore plus éclatant aux élections régionales, la gauche l'ayant emporté dans vingt régions sur vingt-deux.

Pour résumer, aujourd'hui, en France, la gauche est majoritaire dans les communes, dans les départements et dans les régions.

M. Alain Gournac. Mais pas au Sénat !

M. Jean-Pierre Bel. Nous sommes ici au Sénat, dans une assemblée qui est censée représenter ces collectivités territoriales. En tout cas, nous, sénateurs, sommes élus par les délégués de ces collectivités. L'équation devrait donc être simple et transparente : puisque la gauche est majoritaire partout, elle devrait l'être au Sénat. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. David Assouline. Il faut y croire !

M. Jean-Pierre Bel. Eh bien, non ! Toutes les projections, même les plus optimistes, à partir de résultats objectifs qui sont d'ores et déjà connus, montrent que, ni en 2008, pour un renouvellement du tiers de notre assemblée, ni en 2011, pour un renouvellement de la moitié de notre assemblée, la gauche n'a la moindre de chance de provoquer l'alternance. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Patrick Courtois. Voilà la bonne nouvelle !

M. Charles Revet. C'est bien de le reconnaître !

M. Jean-Luc Mélenchon. Ça vous fait rire ?

M. Jean-Pierre Bel. Pourquoi ? Si l'on connaît les résultats de ces élections, on connaît aussi le mode de scrutin qui favorise démesurément une catégorie de communes, celles de moins de 1 500 habitants,...

M. Charles Revet. Elles n'ont pas le droit d'exister ?

M. Jean-Pierre Bel. ...dont on sait que les trois quarts sont classés à droite par le ministère de l'intérieur, et qui, en représentant 20 % de la population, disposent à peu près de 40 % des délégués aux élections sénatoriales. (M. Jean-Pierre Michel applaudit.)

Il y a donc là un déni de démocratie. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.- Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Raymonde Le Texier. Une anomalie !

M. Jean-Pierre Bel. Nous sommes dans une situation où il pourrait être inscrit sur le fronton de notre assemblée : « Réservée à la droite ». Cela pourrait prêter à dérision si le décalage avec la réalité territoriale d'aujourd'hui ne remettait pas en cause la légitimité démocratique du Sénat.

Alors, monsieur le secrétaire d'État, comment parler d'une réforme des institutions, comment parler de revaloriser les droits du Parlement si vous ne commencez pas par réhabiliter le principe le plus élémentaire de démocratie ? Pouvez-vous nous indiquer dès aujourd'hui ce que vous comptez faire pour déverrouiller nos institutions et supprimer cette anomalie démocratique qui n'est pas digne de la France ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Secrétariat d'État aux Relations avec le Parlement publiée le 28/03/2008

Réponse apportée en séance publique le 27/03/2008

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, monsieur le président Bel...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas de langue de bois !

M. David Assouline. Ni de cynisme !

M. Yannick Bodin. Cela ne va pas être facile !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Si vous voulez que je réponde, il faut m'écouter !

J'entends bien ce que dit le président Bel. D'autant que ce n'est pas la première fois qu'il le dit : je l'ai entendu développer cette analyse tout le temps où j'ai siégé dans cette assemblée.

Je lui laisse la responsabilité de dire : « anomalie démocratique ».

M. Robert Bret. Oui, par rapport aux résultats électoraux !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Il fut un temps où le Premier ministre socialiste disait que tout le Sénat était une anomalie démocratique. Chacun jugera !

M. Jean-Claude Carle. Cela ne lui a pas porté chance !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. La première étape qui vous est proposée, c'est naturellement la revalorisation du rôle de l'ensemble du Parlement, Assemblée nationale et Sénat.

Un sénateur du groupe socialiste. Pas de marché de dupes !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Nous nous sommes très clairement exprimés et nous avons dissipé un certain nombre de rumeurs qui avaient circulé sur l'éventuelle réduction des pouvoirs du Sénat par rapport à ceux de l'Assemblée. La revalorisation du travail du Parlement est une revalorisation globale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Trompe-l'oeil !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je vous rappelle que la réforme de la Constitution ne comporte évidemment pas, puisque cela n'est pas constitutionnel, une révision des modes de scrutins.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est bien là que le bât blesse !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur Bel, vous le savez, le Président de la République et le Premier ministre l'ont dit, il y aura, après la révision de la Constitution, après la revalorisation du travail du Parlement, des débats sur les modes de scrutin. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Nous avons en effet notamment l'obligation de faire un redécoupage des circonscriptions.

M. Yannick Bodin. Sur le scrutin régional, sans doute ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Les élections régionales auront lieu dans deux ans, monsieur Bodin, vous aurez donc tout le loisir de participer à ce débat ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Charcutage !

Mme Nicole Bricq. La ficelle est grosse !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je suis très étonné, je vous le dis ! Je comprends que vous vouliez gagner, c'est votre droit le plus strict,...

Mme Raymonde Le Texier. On va gagner !

M. Jacques Mahéas. On a déjà gagné !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. ...mais ne mettez pas en cause cette assemblée, ses pouvoirs et l'augmentation des pouvoirs du Parlement,...

Mme Raymonde Le Texier. C'est du tripatouillage !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. ...ne déniez pas toute valeur à l'augmentation des pouvoirs du Parlement s'il n'y a pas un mode de scrutin qui vous permette de l'emporter ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

En conséquence, monsieur le président Bel, nous renforçons d'abord des pouvoirs du Parlement, nous parlerons ensuite des modes de scrutin ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Raymonde Le Texier. C'est scandaleux !

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