Question de Mme BRICQ Nicole (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 17/04/2008

Mme Nicole Bricq attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité sur les inégalités de ressources entre travailleurs en établissements et services d'aide par le travail (ESAT - anciennement centres d'aide par le travail) selon qu'ils bénéficient ou non de l'allocation aux adultes handicapés.

La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a mis en place une rémunération garantie pour les travailleurs en ESAT. Celle-ci est comprise entre 55% et 110% du SMIC, compte tenu d'une aide au poste maximale fixée à 50% du SMIC, en application du décret n° 2006-703 du 16 juin 2006.

Cette rémunération garantie est cumulable avec l'AAH dans certaines limites. En effet, seules les personnes dont le taux d'incapacité permanente est évaluée à 80% peuvent prétendre au bénéfice de l'AAH. Par conséquent, une personne en situation de handicap dont le taux d'incapacité est inférieur à 80% dispose, à travail égal au sein d'un ESAT, de ressources inférieures à celles d'une personne bénéficiant de l'AAH. Cet écart peut atteindre 50%.

Dans le département de Seine-et-Marne, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées est fréquemment sollicitée pour accorder un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80% aux travailleurs en établissement et service d'aide par le travail, indépendamment de l'application stricte du guide barème.

La revalorisation récente de l'AAH risque toutefois d'accroître les disparités entre travailleurs en ESAT.

Face aux imperfections du dispositif légal et réglementaire national que les commissions locales n'ont pas vocation à corriger, elle lui demande quelles évolutions sont envisagées pour rendre le dispositif plus cohérent.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la solidarité publiée le 07/05/2008

Réponse apportée en séance publique le 06/05/2008

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, auteur de la question n° 221, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Mme Nicole Bricq. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie tout d'abord d'être présente pour me répondre. Je souhaite vous interroger sur les inégalités de ressources entre travailleurs en établissements et services d'aide par le travail, les ESAT, anciennement « centres d'aide par le travail », selon qu'ils bénéficient ou non de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH.

Aux termes de la loi du 11 février 2005 a en effet été mise en place une rémunération garantie pour les travailleurs en ESAT. Celle-ci est comprise entre 55 % et 110 % du SMIC, compte tenu d'une aide au poste maximale fixée à 50 % du SMIC, en application du décret du 16 juin 2006.

Cette rémunération garantie est cumulable avec l'AAH dans certaines limites. En effet, seules les personnes dont le taux d'incapacité permanente est évalué à 80 % peuvent prétendre au bénéfice de l'AAH. Par conséquent, une personne en situation de handicap dont le taux d'incapacité est inférieur à 80 % dispose, à travail égal au sein d'un ESAT, de ressources inférieures à celles d'une personne bénéficiant de l'AAH. Cet écart peut atteindre 50 %.

Comme moi, vous êtes certainement attachée au principe « à travail égal, salaire égal ». Or je constate que, dans mon département de Seine-et-Marne – cela doit être le cas dans d'autres départements – la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées est très fréquemment sollicitée pour accorder un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 % aux travailleurs en ESAT, quelle que soit l'application stricte du guide barème.

Je rappelle que l'AAH a été revalorisée très modestement, eu égard aux engagements présidentiels. Mais cette revalorisation, qui est la bienvenue pour ceux qui en bénéficient, pourra avoir un effet pervers dans la mesure où les disparités entre les travailleurs en ESAT s'en trouveront accrues.

Face à cette imperfection, voire cette incohérence, du dispositif, quelles sont les évolutions qui peuvent être envisagées pour le rendre plus homogène ? Les commissions locales n'ont pas vocation à corriger ces incohérences. Elles sont déjà en difficulté quand elles doivent appliquer le barème face à ces travailleurs, qui, je le rappelle, sont loin de pouvoir être classés dans la catégorie des salariés moyens ou riches : ils gagnent environ 600 euros.

Sur cette situation qui est source de problèmes, non pas techniques, mais politiques et humains, j'aimerais entendre votre réponse, madame la secrétaire d'État.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Madame la sénatrice, vous savez toute l'importance que le Gouvernement attache à la question des ressources des personnes handicapées. Depuis plusieurs mois déjà, nous avons engagé une véritable concertation, dans le cadre du Comité de suivi de la politique du handicap, afin de dégager des propositions pour améliorer le pouvoir d'achat des personnes handicapées, et ce en vue de la Conférence nationale du handicap, qui se tiendra le 10 juin prochain.

Pour réfléchir à tous ces aspects, y compris celui que vous venez d'évoquer, toute une série de commissions et de groupes de travail thématiques ont été mis en place, lesquels regroupent l'ensemble des opérateurs de terrain, notamment les associations et les maisons départementales des personnes handicapées.

Dans le cadre de cette réflexion, les personnes accueillies en ESAT ne sont donc pas oubliées. Il nous paraît en effet indispensable que celles-ci – lourdement handicapées puisque l'accès à de telles structures n'est possible que pour celles et ceux dont la capacité de travail est inférieure au tiers de la normale – soient encouragées à développer leurs capacités professionnelles grâce à une rémunération juste et équitable.

À cet égard, la loi du 11 février 2005 a considérablement amélioré les ressources des personnes accueillies en ESAT, et ce d'un triple point de vue.

Tout d'abord, vous l'avez rappelé, la rémunération garantie versée par l'établissement peut désormais atteindre 110 % du SMIC, contre 100 % auparavant, niveau qui permet alors à la personne de subvenir à ses besoins par ses seuls revenus d'activité sans recourir à l'allocation aux adultes handicapés.

Ensuite, le système de rémunération en ESAT est désormais conçu pour encourager la personne concernée à développer ses capacités : l'aide au poste versée par l'État ne diminue plus systématiquement chaque fois que l'ESAT fait un effort pour améliorer la rémunération directe de la personne.

Enfin, un mécanisme incitatif de cumul entre la rémunération en ESAT et l'allocation aux adultes handicapés a été créé, afin d'encourager les personnes accueillies à progresser dans leurs activités.

En réalité, madame la sénatrice, les disparités que vous avez relevées dans la rémunération des personnes accueillies en ESAT proviennent de la législation sur l'AAH elle-même : en effet, les personnes ayant un taux d'invalidité supérieur à 80 % bénéficient d'un abattement supplémentaire sur leurs ressources, et cela conduit à majorer l'allocation qui leur est versée.

L'objectif du travail de remise à plat engagé dans le cadre du comité de suivi précité est bien d'examiner la pertinence des différences de traitement dans l'accès à l'allocation aux adultes handicapés : si certaines d'entre elles sont sans doute légitimes, d'autres le sont nettement moins, à l'image de la condition d'inactivité d'un an exigée parfois pour l'obtention de l'AAH, dont la suppression a d'ailleurs été annoncée par le Président de la République.

Pour étayer mon propos, je prendrai l'exemple d'une personne percevant l'allocation aux adultes handicapés et titulaire d'un contrat à durée déterminée de trois mois : si ce dernier n'est pas renouvelé, cette personne devra attendre un an avant de pouvoir de nouveau bénéficier de l'AAH. C'est précisément l'une des difficultés que nous nous sommes engagés à étudier dans le cadre du comité de suivi mis en place pour réfléchir de manière globale à la question de l'articulation entre ressources du handicap, retour à l'emploi et travail en ESAT, quelles que soient les situations rencontrées.

Ce groupe de travail rendra ses conclusions définitives le 10 juin prochain, à l'occasion de la Conférence nationale présidée par le Président de la République. Conformément à ce que nous avions précisé lors de la présentation du comité de suivi, l'objectif est d'éliminer toutes les situations dans lesquelles l'accès ou le retour à l'emploi d'une personne handicapée est « désincité » par une mauvaise articulation entre des revenus du handicap et le mode de rémunération. Plus globalement, telle est aussi l'ambition du revenu de solidarité active.

Madame la sénatrice, sachez en tout cas que ce sujet est véritablement au cœur de nos préoccupations et que des mesures précises ne tarderont pas à être annoncées.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Madame la secrétaire d'État, nous attendrons donc le 10 juin prochain pour savoir ce qu'il en sera réellement.

Cela étant, je me suis interrogée sur l'opportunité de ma question après avoir lu attentivement, hier soir, le Livre vert que votre collègue Martin Hirsch a consacré au revenu de solidarité active, sujet sur lequel ce dernier sera auditionné tout à l'heure par la commission des finances. Si j'ai bien compris, son ambition, qui, d'ores et déjà, a été profondément réduite en termes de financement, était d'intégrer dans le calcul du RSA l'ensemble des prestations sociales, y compris, d'ailleurs, l'AAH, puisqu'il s'agit, là aussi, d'encourager le travail, conformément à la philosophie affichée du dispositif d'ensemble.

Si cela est confirmé, ma préoccupation serait tout de même quelque peu « décalée » par rapport à la réalité. Mais je continue à m'interroger, puisque l'on ne connaît toujours pas le périmètre exact du RSA. Du reste, ce n'est pas vous qui allez pouvoir m'éclairer sur ce point aujourd'hui !

J'étudierai donc avec beaucoup d'attention les propositions qui ressortiront de la Conférence nationale du 10 juin prochain. En tout état de cause, il ne faudrait tout de même pas, comme c'est malheureusement devenu une habitude, déshabiller l'un pour habiller – très mal ! – l'autre.

Madame la secrétaire d'État, je vous fais confiance, car je connais votre volonté tenace de régler le problème. Mais je ne suis pas totalement confiante à l'égard des arbitrages qui seront rendus.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Madame Bricq, lorsque nous avons mis en place ce groupe de travail, nous y avons associé les équipes de Martin Hirsch afin de disposer d'une vision cohérente pour tout ce qui touche à l'articulation entre des ressources liées soit à une inactivité, soit au handicap, et l'accès ou le retour à l'emploi.

Cela signifie, non pas que l'ensemble des prestations sociales seront intégrées dans le calcul du RSA, mais que notre démarche se veut logique et cohérente. À nos yeux, il ne doit pas y avoir de perdants parmi ceux qui souhaitent accéder à l'emploi.

Dans le cadre du handicap, vous le savez, il n'y a pas que l'AAH. Il nous faut également tenir compte de la compensation du handicap et de sa spécificité. Si la question du handicap est un volet particulier de notre action, nous souhaitons travailler sur ce sujet en cohérence avec les différentes politiques qui visent à la solidarité.

Mme Nicole Bricq. Je l'espère !

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