Question de M. FISCHER Guy (Rhône - CRC) publiée le 08/05/2008

M. Guy Fischer attire l'attention de M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires et notamment sur les pathologies dont souffrent les personnels civils et militaires ayant participé aux essais de la France au Sahara et en Polynésie entre 1966 et 1996.
Ces pathologies, au premier rang desquelles figurent maladies cardio-vasculaires et cancers, affectent désormais fréquemment les enfants, voire les petits-enfants des personnes exposées, d'après les recensements qui ont été effectués par les associations regroupant les vétérans. Il est également à noter que certaines de ces personnes ont été donneurs de sang bénévoles, dans la plus totale ignorance des conséquences de leur générosité.
Il est donc plus que jamais urgent de mettre un terme à une situation qui perdure depuis plus de quarante ans, notre pays ne pouvant ignorer les preuves irréfutables apportées notamment par les Etats-Unis, l'Australie et le Royaume-Uni de la nocivité des essais sur les contaminés et les irradiés.
Pour ce faire, le préalable semble bien être la levée du secret défense qui prive les victimes de leur droit à l'information en refusant l'accès aux dossiers militaires des personnels ayant participé aux essais.
Ceci permettrait une évaluation sérieuse du lien entre l'état de santé des vétérans et leur exposition, en évitant de contraindre les personnels à de longues, coûteuses, humiliantes et aléatoires procédures en justice, à l'encontre desquelles, il est regrettable que le Gouvernement fasse systématiquement appel.

Les résultats de cette analyse pourraient conduire à fonder la présomption d'imputabilité pour les pathologies radio-induites et à envisager la création d'un fonds d'indemnisation dont les modalités pourraient être proposées par une table ronde, une mission parlementaire, bref, tout moyen permettant de faire travailler ensemble des représentants du Gouvernement, des personnalités qualifiées, des représentants des associations.

Compte tenu de l'importance et de l'urgence qu'il y a à protéger le droit à la santé des personnes ayant servi notre pays durant ces campagnes d'essais, ainsi que des victimes civiles, il lui demande instamment de prendre toutes mesures de nature à mettre en oeuvre un tel processus.






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Réponse du M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants publiée le 03/07/2008

Le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants tient à préciser à l'honorable parlementaire que de manière plus générale, la protection des informations dans le domaine de la défense nationale repose non seulement sur l'aptitude à en connaître, mais également et surtout sur le principe du « besoin d'en connaître ». Or, la déclassification de l'ensemble documentaire relatif aux résultats des analyses concernant les essais atmosphériques serait contraire à ce principe fort, et permettrait, de surcroît, par rapprochement de certains résultats, d'acquérir des connaissances sur l'objet expérimenté. Une telle déclassification créerait donc un risque de prolifération. Il ne peut donc être envisagé de lever le secret-défense sur les documents émanant notamment du service mixte de sécurité radiologique (SMSR) et du Service mixte de contrôle biologique (SMCB). Cependant, le ministre de la défense n'exclut pas que des scientifiques, dûment habilités, et travaillant dans le cadre d'études épidémiologiques, puissent consulter les archives du SMSR et du SMCB. Par ailleurs, la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a inséré de nouvelles dispositions dans le code de la santé publique, en particulier les articles L. 1110-4, L. 1111-2 et L. 1111-7 qui précisent les modalités de communication des informations individuelles à caractère médical. Ces dispositions sont strictement appliquées par le ministère de la défense pour toute personne ou ayant droit qui lui en adresse la demande. Ainsi, les copies des documents médicaux individuels comme le livret médical, les relevés dosimétriques ou bien encore les dossiers médicoradiobiologiques, sont, lorsqu'ils existent, communiqués aux intéressés par les services détenteurs. Le ministère de la défense, conformément à la loi relative aux droits des malades, instruit et examine toutes les demandes de communication de dossier médical individuel avec toute l'attention légitime et nécessaire, dans la plus totale transparence. Pour ce qui concerne la création d'un fonds d'indemnisation, son utilité ne se pose pas actuellement si l'on considère que les victimes ont droit à une pension qui peut leur être versée par le régime dont elles relèvent. Il y a lieu de rappeler ici que le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre permet d'ores et déjà d'indemniser tout militaire qui, s'il ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité, a la possibilité d'utiliser la démarche d'imputabilité par preuve. Celle-ci peut être admise par tout moyen et à tout moment, sans condition de délai, sachant que la jurisprudence du Conseil d'État admet que la preuve puisse être apportée par un faisceau de présomptions. Ce dispositif permet, dans le cas d'une exposition prolongée à certaines substances, d'admettre l'imputabilité au service des affections en cause dans le cadre des pathologies énumérées sur les listes de maladies professionnelles. Dans certains cas où des faits ou des circonstances particulières de service ont été rapportés et une relation de l'affection avec ceux-ci établie, un droit à pension militaire d'invalidité a ainsi été accordé. La législation actuelle autorise donc, même longtemps après les faits, une indemnisation équitable des dommages physiques subis, sans qu'il soit nécessaire de mettre en oeuvre un régime de présomption de causalité pour le seul risque nucléaire. Cela étant précisé, il apparaît que dans les décisions dont il a été interjeté appel, le seul fait retenu découlait de la seule présence des intéressés sur un site d'expérimentations nucléaires sans qu'il soit relevé aucun fait ou circonstance particulière d'une contamination ou d'un incident à l'origine de l'affection. Dans une affaire passée, le tribunal départemental des pensions, pour asseoir sa décision, s'est fondé sur un principe impliquant, de fait, une présomption automatique de causalité, et d'autres juridictions ont même renversé la charge de la preuve affirmant sans aucun élément de fait que l'affection était imputable au service, laissant la charge à l'État d'apporter la preuve contraire. Il n'a donc pu qu'être interjeté appel de jugements insuffisamment motivés et ne reposant sur aucun fait. Cependant, le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants souhaite préciser que, dans le cadre des instances engagées par des vétérans du CEP ou du Sahara, le ministère de la défense a une ligne de conduite constante qui consiste à examiner au cas par cas chacune des situations, chaque demande constituant un cas d'espèce.

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