Question de M. FOURCADE Jean-Pierre (Hauts-de-Seine - UMP) publiée le 31/10/2008

Question posée en séance publique le 30/10/2008

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La loi de finances rectificative pour le financement de l'économie adoptée au début de ce mois permet à l'État, d'une part, de garantir les emprunts dont les banques ont besoin pour se refinancer, dans la limite de 320 milliards d'euros, et, d'autre part, de fournir aux établissements financiers et aux banques les fonds propres que requiert le développement de leur activité, jusqu'à hauteur de 40 milliards d'euros.

Cette loi a créé deux sociétés nouvelles, la Société de refinancement de l'économie et la Société de prises de participation de l'État. Monsieur le Premier ministre, vous nous avez informé du démarrage effectif de ces structures et des premières décisions qui ont été prises, tant pour Dexia que pour les six plus grandes banques françaises. Nous avons également entendu parler de demandes d'emprunts de refinancement.

Cela étant, l'opinion publique est aujourd'hui quelque peu désorientée…

Mme Nicole Bricq. Un peu seulement !

M. Jean-Pierre Fourcade. … par les premiers chiffres annoncés et surtout par les polémiques engagées par des gens qui confondent garanties d'emprunts et crédits budgétaires, prêts et obligations. Ces polémiques concernent également les contreparties…

M. René-Pierre Signé. Il n'y a pas de contreparties !

M. Jean-Pierre Fourcade. … que les bénéficiaires de ces garanties ou de ces prêts doivent apporter.

Enfin, se posent un problème financier global, ainsi que la question du contrôle des nouvelles entités créées pour appliquer la loi.

M. Robert Hue. Absolument !

M. Jean-Pierre Fourcade. Ma question comporte deux volets, monsieur le Premier ministre.

Pouvez-vous faire le point sur les engagements pris à ce jour à l'égard des banques et des établissements financiers français, ainsi que sur ceux qui pourraient l'être prochainement ?

Quelles seront les conséquences de ces engagements sur l'endettement de l'État et le budget de la nation ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.


Réponse du Premier ministre publiée le 31/10/2008

Réponse apportée en séance publique le 30/10/2008

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le sénateur, comme je l'ai dit voilà un instant, presque tous les pays européens ont mis en place la même riposte pour empêcher l'effondrement du système financier du fait de la crise née aux États-Unis.

Notre intervention repose sur trois types de dispositifs.

Le premier dispositif consiste en des prises de participation au capital par l'État, avec intervention directe dans la conduite des établissements financiers en difficulté : c'est ce que nous avons fait avec Dexia.

J'observe que lorsque les Britanniques se sont engagés dans la même voie, ils sont intervenus pour soutenir des établissements bancaires qui étaient sur le point de s'effondrer et avaient besoin de la participation de l'État pour continuer à fonctionner. Chaque fois qu'un établissement bancaire voudra être recapitalisé, l'État entrera dans son conseil d'administration et contrôlera la politique et la gestion de cet établissement jusqu'à ce qu'il soit redressé.

Cela me permet de relever, au passage, que toutes les critiques tendant à reprocher à l'État de participer au capital des banques sans en prendre le contrôle, comme le font les Britanniques, sont nulles et non avenues. Pour le moment, la seule banque qui ait sollicité ce type d'intervention est Dexia.

Le deuxième dispositif vise à améliorer les fonds propres des banques en leur prêtant de l'argent à long terme – c'est ce que l'on appelle des « quasi-fonds propres » –, ce qui n'implique naturellement pas l'entrée de l'État au conseil d'administration de ces établissements. Il s'agit simplement de consolider des établissements financiers en bonne santé mais qui, dans la crise actuelle, peinent à trouver les refinancements nécessaires pour prêter aux acteurs de l'économie.

Dans ce cadre, nous avons apporté 10,5 milliards d'euros aux établissements bancaires qui en ont fait la demande, par l'intermédiaire de la société de recapitalisation.

Les contreparties que nous avons exigées portent tout d'abord sur des volumes de crédits : les banques se sont engagées à une augmentation de 3 % à 4 % de leurs encours de crédits pour l'année qui vient…

M. René-Pierre Signé. À vérifier !

M. François Fillon, Premier ministre. Naturellement, si ces conditions n'étaient pas respectées, le concours de l'État serait remis en cause.

Ensuite, ces banques se sont engagées à publier mensuellement les chiffres de leurs engagements à l'égard de l'économie.

Enfin, elles se sont engagées à respecter un certain nombre de règles éthiques que nous leur avons imposées.

Le troisième dispositif sera mis en œuvre par la Société de refinancement de l'économie, qui apportera des liquidités aux établissements financiers pour permettre de réamorcer les échanges interbancaires, grâce aux 320 milliards d'euros de garanties que vous avez évoqués, monsieur le sénateur. Il s'agit de prêts accordés par l'État.

La différence entre un prêt et une subvention est facile à comprendre par tout le monde – bien que l'on puisse parfois en douter, à entendre certains commentaires. J'indique d'ailleurs à ceux qui reçoivent beaucoup de subventions de l'État que l'on peut les transformer en prêts remboursables au taux d'intérêt de 4 % : ils comprendront tout de suite la différence entre un prêt et une subvention ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Bernard Vera. Est-ce une menace ?

M. François Fillon, Premier ministre. Ces prêts seront naturellement accordés à un taux proche de celui du marché, puisqu'il s'agit d'aider les banques à refinancer l'économie. L'État empruntera à un taux inférieur à celui du marché, s'assurera une marge pour couvrir ses coûts et prêtera à un taux qui n'est pas encore fixé, mais qui s'établira entre 4 % et 5 %, ce qui permettra de réalimenter rapidement les flux financiers entre les banques.

Telles sont, monsieur le sénateur, les dispositions que nous avons prises. Des contrôles seront naturellement mis en place : les contrôles habituels de l'État, ainsi que celui du Parlement, en particulier des commissions des finances.

Pour conclure, je souhaiterais faire remarquer que le même dispositif a été mis en place dans tous les grands pays.

Mme Nicole Bricq. Pas avec les mêmes garanties !

M. François Fillon, Premier ministre. Je m'interroge donc sur la cohérence de comportements consistant à refuser ou à critiquer ce dispositif – comme je l'entends faire tous les jours –, alors même qu'il n'y avait pas d'autre voie, sauf à accepter l'effondrement du système financier, autrement dit la perte des avoirs des déposants. Tous les grands pays européens, je le redis, en particulier ceux qui sont dirigés par des socialistes, ont mis en place exactement les mêmes dispositifs ! Je vous demande donc de faire montre d'un peu de cohérence, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche,…

M. Charles Gautier. Et vous, d'un peu de modestie !

M. François Fillon, Premier ministre. … pour soutenir l'économie française et garantir la sécurité des dépôts des Français ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

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