Question de M. BEL Jean-Pierre (Ariège - SOC) publiée le 09/01/2009

Question posée en séance publique le 08/01/2009

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le Premier ministre, de nombreuses questions se posent aujourd'hui concernant l'évolution de notre démocratie. Celles-ci sont légitimes : d'abord, les libertés publiques sont l'essence même des principes fondamentaux de notre République ; ensuite, notre rôle, notre responsabilité de parlementaires est de veiller à ce que ces libertés soient respectées et - qui pourrait s'en offusquer ? – de demander des comptes à ceux qui détiennent tous les leviers du pouvoir.

Je veux exprimer fortement aujourd'hui ces inquiétudes en m'appuyant sur trois principes pour nous essentiels en ce qui concerne la garantie des droits des citoyens : premièrement, la liberté d'expression, qui passe par celle de l'audiovisuel, donc des médias : deuxièmement, l'indépendance de la justice ; troisièmement, le respect des droits du Parlement.

Pour ce qui est des médias, vous décidez que le Président de la République imposera celui ou celle qui dirigera France Télévisions et Radio France. Plus encore, en le privant de ressources propres, vous placez le secteur public de l'audiovisuel en situation de dépendance face au pouvoir.

En ce qui concerne la justice, le chef de l'État décide, sans autre forme de procès, au mépris de toutes les instances d'expertise et de concertation, la suppression des juges d'instruction, avant même tout débat parlementaire.

S'agissant, justement, du Parlement, alors même que vous présentiez la réforme des institutions comme une avancée de ses droits, on a le sentiment que votre seule obsession, aujourd'hui, est de chercher à limiter le temps d'expression des parlementaires.

Comment pouvez-vous parler d'encadrer le droit d'amendement sans auparavant supprimer les procédures de passage en force du Gouvernement comme l'article 49-3, dont le recours n'est que limité, et le vote bloqué, ainsi que nous le proposions ? Pour nous, il y a des acquis qui sont précieux. Le temps de la discussion, c'est aussi celui de la démocratie.

Si vous brandissez le rapport que j'avais rédigé en 2007, ayez au moins l'honnêteté de le citer dans tous ses aspects, notamment sur ces deux derniers éléments.

Oui, monsieur le Premier ministre, la presse, la justice, le Parlement, y compris la confrontation avec l'opposition parlementaire, dans une démocratie digne de ce nom, c'est ce qui permet d'équilibrer les pouvoirs, donc de garantir les droits des citoyens.

Monsieur le Premier ministre, je veux être mesuré dans mes propos, mais je voudrais savoir si vous entendez ces inquiétudes et comment vous comptez agir pour garantir les libertés publiques dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)


Réponse du Premier ministre publiée le 09/01/2009

Réponse apportée en séance publique le 08/01/2009

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président du groupe socialiste, oui j'entends ces inquiétudes et j'y répondrai avec la plus grande franchise.

Comment peut-on un seul instant accuser le Gouvernement et la majorité d'attenter aux libertés s'agissant de la réforme de l'audiovisuel public ?

On peut formuler telle ou telle critique sur cette réforme, mais, monsieur Bel, la nomination du président de France Télévisions fera désormais l'objet d'auditions publiques dans votre assemblée, ce qui n'a jamais été le cas ! Personne ne peut dire qu'il s'agit d'un système moins démocratique que celui qui consistait à faire nommer par le Président de la République le président du CSA, lequel, ensuite, désignait avec son collège le président de France Télévisions ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. David Assouline. Il est incroyable d'entendre cela !

M. François Fillon, Premier ministre. Par ailleurs, vous qui êtes des femmes et des hommes de gauche, comment pouvez-vous affirmer que l'audiovisuel public sera plus soumis avec le financement public qu'avec le financement de la publicité, c'est-à-dire le financement des entreprises privées ? (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. David Assouline. C'est une caricature !

M. François Fillon, Premier ministre. Nul ne pensera un seul instant que les libertés publiques sont menacées ! D'ailleurs, je suis prêt à en faire le pari : personne ne remettra jamais en cause la suppression de la publicité sur France Télévisions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On gagnera le pari !

M. François Fillon, Premier ministre. Pour ce qui est de l'atteinte aux libertés publiques, la réforme proposée par le Président de la République, et dont nous allons naturellement débattre longuement, vise à mieux protéger les droits individuels dans notre pays. Voilà quelques semaines, plusieurs d'entre vous se sont émus, à juste titre, lorsqu'un journaliste a été placé en garde à vue dans des conditions inacceptables.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n'a rien à voir !

M. François Fillon, Premier ministre. Il y a quelques jours encore, nombre d'entre vous se sont inquiétés parce qu'une infirmière a été placée, sans raison, en garde à vue.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et tous les jeunes qui sont en garde à vue, vous ne vous en souciez pas !

M. François Fillon, Premier ministre. Notre système n'est pas satisfaisant ; il est d'ailleurs en contradiction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

C'est pourquoi le Président de la République a annoncé l'ouverture d'un débat afin, premièrement, de séparer la fonction de juge d'instruction de celle de juge chargé de l'enquête, sans toucher à l'indépendance des juges chargés de cette enquête et, deuxièmement, de mettre en place un habeas corpus pour interdire, à l'avenir, les situations que vous avez dénoncées avec raison, et pour lesquelles il faut bien prendre des décisions.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est comme le droit de grâce !

M. François Fillon, Premier ministre. Enfin, j'en viens au Parlement. Il se trouve que j'ai une longue expérience parlementaire, plus ancienne que nombre d'entre vous, s'agissant de l'Assemblée nationale. Je me suis opposé à un gouvernement de gauche et j'ai déposé des amendements pour essayer de faire durer les débats.

Plusieurs sénateurs socialistes. Ah !

M. François Fillon, Premier ministre. Jamais, avant la dernière législature, on n'a autorisé les parlementaires à déposer des amendements strictement identiques, avec simplement des signataires différents, comme c'est le cas à l'Assemblée nationale !

M. Jean-Pierre Michel. C'est faux ! Rappelez-vous les nationalisations, les lois Auroux, en 1982 !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez la mémoire courte, monsieur Fillon !

M. François Fillon, Premier ministre. Permettez-moi de vous rappeler une époque où des parlementaires de l'opposition s'étaient vu supprimer leur indemnité par le pouvoir parce qu'ils avaient osé mal parler du Président de la République. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Tout à fait !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous n'en sommes pas là aujourd'hui ! Ce que nous proposons, c'est une organisation des débats qui permette à chacun de s'exprimer dans le respect de la Constitution…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons-en !

M. Jean-Pierre Michel. Vous mentez et vous le savez !

M. François Fillon, Premier ministre. … et qui garantisse, évidemment, le droit d'amendement des parlementaires. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Jean-Pierre Michel. Vous êtes un menteur !

M. David Assouline. C'était lapidaire et peu convaincant !

M. Alain Gournac. Il n'y a que la vérité qui blesse !

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