Question de M. ALFONSI Nicolas (Corse-du-Sud - RDSE) publiée le 26/03/2009

M. Nicolas Alfonsi attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales au sujet de la modification du mode de scrutin de l'élection des membres de l'Assemblée de Corse.

Le comité Balladur, dans sa proposition n° 19, concernant notamment la prime majoritaire et les rehaussements de fusion et de maintien, adoptée à l'unanimité, a proposé de modifier certaines dispositions du mode de scrutin actuel de l'élection des membres de l'Assemblée de Corse.

Cette proposition est d'application immédiate. Elle s'inscrit dans le droit fil de la proposition de loi votée au Sénat le 17 février 2007.

Par délibération du 16 mars, l'Assemblée de Corse a donné un avis favorable à cette proposition.

Compte tenu de ces deux éléments, il est demandé au Gouvernement quelles sont les initiatives qu'il entend prendre dans ce domaine.

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Réponse du Secrétariat d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales publiée le 01/04/2009

Réponse apportée en séance publique le 31/03/2009

La parole est à M. Nicolas Alfonsi, auteur de la question n° 494, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le secrétaire d'État, ma question concerne le mode de scrutin de l'élection des membres de l'Assemblée de Corse.

Je ferai un bref rappel. En février 2007, le Sénat a adopté une proposition de loi tendant à modifier le mode de scrutin pour l'élection des membres de l'Assemblée de Corse par un rehaussement des seuils. En décembre 2008, Mme Alliot-Marie a indiqué qu'elle attendait bien entendu l'avis de l'Assemblée de Corse. En effet, la loi du 22 janvier 2002, dite « loi Jospin », a étendu aux propositions de loi la nécessité de consulter l'Assemblée de Corse, disposition qui s'appliquait auparavant aux seuls projets de loi.

Je rappelle que si nous connaissons les modalités de consultation pour les projets de loi, il n'en va pas de même s'agissant des propositions de loi, faute de jurisprudence.

Par ailleurs, la proposition n° 19 du rapport du comité Balladur préconise de rehausser les seuils valables pour l'élection à l'Assemblée de Corse, s'inspirant au demeurant de la proposition de loi votée par le Sénat.

Cette proposition, qui a été adoptée à l'unanimité, est d'application immédiate, puisque le rapport du comité Balladur précise que tant que le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse reste distinct des autres modes de scrutin, il faut passer immédiatement à l'action, c'est-à-dire le modifier. Il ajoute – c'est la phrase essentielle, et j'y insiste, monsieur le secrétaire d'État – qu'aucun motif d'intérêt général, selon la formule du Conseil constitutionnel, ne justifie que le mode de scrutin ne permette pas de donner une majorité à l'Assemblée de Corse comme dans toutes les autres régions françaises.

Voilà où nous en sommes aujourd'hui. S'inspirant de ces éléments, l'Assemblée de Corse a voté, voilà quinze jours, une proposition de résolution tendant à modifier le mode de scrutin.

Quel est maintenant le débat ?

Il s'agit de savoir si l'Assemblée de Corse a été saisie juridiquement, dans les conditions requises, puisqu'elle n'a pas été consultée ; c'est en quelque sorte proprio motu qu'elle s'est emparée de ce problème.

La loi du 22 janvier 2002 prévoit deux hypothèses : ou bien l'Assemblée de Corse donne un avis parce qu'elle est consultée – cela n'a pas été formellement le cas –, ou bien elle peut toujours, en vertu de ce même texte, donner un avis parce qu'elle a toujours la possibilité de formuler des propositions de modification de nature législative s'agissant de son mode d'organisation. Voilà où nous en sommes aujourd'hui !

Ma question est simple, monsieur le secrétaire d'État : que compte faire le Gouvernement ? Faudra-t-il attendre encore longtemps un minimum de lucidité de la part des services ministériels pour les décider à nous sortir enfin de la situation absurde dans laquelle nous nous trouvons depuis quinze ou vingt ans ? L'Assemblée de Corse ne va tout de même pas ressembler à la Knesset – un parti peut y obtenir un siège avec 2 % des suffrages exprimés ! –, avec les difficultés que cette situation entraîne ! Je le répète, l'Assemblée de Corse doit enfin avoir un mode de scrutin lui permettant de gouverner dans des conditions normales ; des modifications ont déjà eu lieu dans les années quatre-vingt-dix pour régler toute une série de problèmes liés à l'absence de majorité dans d'autres régions !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de Mme Alliot-Marie, auditionnée en ce moment même par la commission des lois du Sénat.

Vous avez interrogé le Gouvernement sur la modification du mode de scrutin de l'élection des membres de l'Assemblée de Corse. Comme Mme le ministre vous l'a déjà indiqué à l'occasion d'une question d'actualité au Gouvernement posée sur le même sujet le 11 décembre dernier, deux conditions nous semblaient nécessaires pour donner suite à votre proposition de loi visant à assurer une majorité stable à l'Assemblée de Corse, tout en garantissant la représentation des oppositions.

D'une part, il s'agit de connaître les conclusions du comité pour la réforme des collectivités locales. Ainsi que vous l'avez souligné, celles-ci rejoignent votre argumentaire sur ce point.

D'autre part, il s'agit de parvenir à un consensus au sein de l'Assemblée de Corse. Or une motion relative à cette proposition a été adoptée le 16 mars dernier par vingt-neuf voix contre deux, vingt élus n'ayant cependant pas pris part au vote puisqu'ils ont quitté l'assemblée pour manifester leur opposition.

Tout en notant l'existence d'une majorité, il me semble difficile, dans ces conditions, de conclure à un véritable consensus.

En tout état de cause, et conformément au code général des collectivités territoriales, cet avis doit désormais être transmis au président de l'Assemblée nationale, cette dernière ne s'étant pas encore prononcée sur votre proposition de loi.

Par ailleurs, il convient de signaler que toute modification du régime électoral de l'assemblée de Corse – la sixième depuis 1982 – ne peut intervenir moins d'un an avant le renouvellement de cette dernière, conformément à la tradition républicaine.

Il appartiendra donc au Parlement, en coordination avec le Gouvernement, d'estimer si cette réforme présente un caractère d'urgence ou si elle doit plutôt s'inscrire dans le cadre des évolutions plus profondes de l'organisation territoriale nationale qui sont aujourd'hui envisagées dans le cadre des conclusions du comité Balladur.

Je serai très clair, monsieur le sénateur. Compte tenu des difficultés récurrentes de fonctionnement que l'Assemblée de Corse a connues dans le passé, le Gouvernement estime qu'une modification des modalités de fonctionnement paraît urgente – et j'emploie cet adjectif à dessein. Il se mobilisera donc pour faire inscrire votre proposition de loi à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale selon les nouvelles règles en vigueur et sera très attentif à ce qu'il en adviendra.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.

M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le secrétaire d'État, je prends acte de vos propos.

Je reconnais que la gestion d'un tel dossier est difficile pour le Gouvernement. Toutefois, si ce n'est pas lui qui prend une initiative très forte, nous ne sortirons pas de cette situation.

Si le mode de scrutin de l'élection des membres de l'Assemblée de Corse ne devait pas être modifié, le désordre règnerait de nouveau. Au passage, j'oublie la déontologie républicaine, car on ne va pas tenir une comptabilité notariale pour savoir si l'on dépasse de quinze jours le délai d'un an !

Monsieur le secrétaire d'État, comme le sait très bien l'expert de ces questions que vous êtes, plus une assiette électorale est étroite, plus il faut relever les seuils. En effet, avec une assiette de 150 000 électeurs, il suffit de 2 000 voix pour obtenir 2 % des suffrages exprimées ! Il va de soi que la situation n'est pas comparable à celle des régions PACA, Aquitaine ou d'Île-de-France.

Je vous supplie donc de prendre cette affaire en mains, afin de faire disparaître les désordres actuels.

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