Question de Mme HERMANGE Marie-Thérèse (Paris - UMP) publiée le 11/06/2009

Mme Marie-Thérèse Hermange attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur une action permettant de prévenir le recours à la violence dès le plus jeune âge : les jeux de rôle à l'école maternelle.
A l'heure où des faits divers tragiques nous rappellent que la violence sévit dans nos écoles, la recherche menée par le psychiatre Serge Tisseron et son équipe (Université paris X) en 2007 et 2008 sur 3 écoles situées à Argenteuil, Gonesse et Paris, et 142 enfants, a montré que le jeu de rôle pratiqué à l'école maternelle par les enseignants, selon un protocole particulier qui part des images qui les ont impressionnés, peut participer à la prévention précoce de la violence. Non seulement il invite les enfants à transformer les gestes d'agression en activité ludique tout en s'appropriant le langage, mais encore il permet à ceux qui ont tendance à s'enfermer dans des postures d'agresseur ou de victime à se penser autrement. Il enrichit également l'éventail de leurs réponses possibles dans le sens d'une meilleure socialisation.
Tous les enfants ont été testés par des psychologues extérieurs aux établissements en début et en fin d'année et comparés à une population témoin. Les changements qualitatifs remarqués par les enseignants ont ainsi été confirmés par des résultats quantitatifs.
Ainsi, dans les classes avec jeu de rôle, 90% des enfants ont changé de posture de référence en juin, alors que ce n'est le cas que pour 77% des enfants des classes témoin. Ce changement concerne essentiellement les enfants identifiés en septembre aux agresseurs et aux victimes : dans les classes avec jeu de rôle, 92% des enfants qui adoptaient cette posture en septembre en ont changé en juin, alors qu'ils sont 62% dans les classes témoin. De surcroît, le jeu de rôle augmente la proportion d'enfants adoptant une posture d'évitement de l'affrontement et d'appel à l'adulte : le pourcentage d'enfants qui s'identifient à cette posture est le même dans toutes les classes en septembre 2007 (aux alentours de 20%), mais il passe à 35% en juin 2008 dans les classes avec jeu de rôle alors qu'il reste le même dans les classes témoin.
En conséquence, cette recherche montre qu'il est possible de lutter contre la tendance de certains enfants à s'identifier précocement et en toutes circonstances à un agresseur ou à une victime sans en stigmatiser aucun. Elle souhaite savoir s'il envisage de promouvoir cette action, notamment en proposant une formation optionnelle aux enseignants intéressés (sous la forme de trois journées sur une année) et de mettre en place une étude longitudinale afin de voir comment évoluent, en primaire puis collège, les enfants qui ont bénéficié de jeu de rôle en maternelle.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 11/11/2010

Aussi intéressantes qu'elles puissent être, les données concernant la recherche menée par Serge Tisseron et son équipe dans trois écoles ne permettent pas, en l'état actuel, d'évaluer les conditions optimales d'un éventuel élargissement à d'autres écoles. Cette proposition pourrait être soumise, pour expertise, au conseil scientifique présidé par Éric Debarbieux, mis en place suite aux États généraux de la sécurité à l'école organisés les 7 et 8 avril 2010. Ces états généraux ont rassemblé les principaux acteurs de la communauté éducative et du monde associatif ainsi que les partenaires de l'école. Leur objectif était de comprendre le phénomène de violence en milieu scolaire, d'identifier les leviers de prévention et de définir les modes d'action les mieux à même d'assurer la sécurité à l'école. À la suite de ces deux journées d'échange, le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, a annoncé une série de mesures pour prévenir et faire reculer la violence. L'une vise à mieux mesurer la violence et le climat dans les établissements scolaires et à mener une enquête nationale de victimation, consistant à interroger un échantillon représentatif de personnes sur les faits dont elles ont été victimes en milieu scolaire, en partenariat avec l'Observatoire national de la délinquance. Une autre a pour objectif de construire une nouvelle politique de formation des professeurs et de l'ensemble des personnels de l'éducation nationale. La formation initiale, la formation pendant l'année de stage des professeurs en voie de recrutement et la formation continue intégreront des modules spécifiques consacrés à la gestion des conflits, à la prévention de la violence et à la tenue de classe. Ainsi, la circulaire n° 2010-38 du 16 mars 2010 relative à la préparation de la rentrée 2010 prévoit la diffusion prochaine d'un DVD sur la tenue de classe. En effet, l'autorité du professeur, premier pilier d'une vie scolaire réussie, suppose l'implication de tous les adultes de l'établissement. Par ailleurs, le plan de formation aux problématiques de sécurité et à la gestion de crise, élaboré conjointement par l'Institut des hautes études de sécurité (INHES) et l'École supérieure de l'éducation nationale (ESEN), permet de proposer des modules spécifiques de formation aux personnels d'encadrement de l'éducation nationale, depuis janvier 2010, afin de leur donner les moyens d'élaborer et de mettre en oeuvre des stratégies de gestion des situations conflictuelles et de tension. Une expérimentation, enfin, le programme baptisé CLAIR (collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite), permettra d'engager des actions ciblées dans les établissements les plus exposés à la violence. Trois types d'innovations le caractérisent dans le champ de la pédagogie avec un large recours aux expérimentations ; dans le champ de la vie scolaire grâce à un projet pédagogique et éducatif porté par tous les personnels, avec notamment la désignation d'un préfet des études par niveau ; dans le champ des ressources humaines afin de stabiliser les équipes d'établissement, en développant les postes à profil et en favorisant l'évolution des carrières. Un premier bilan de ces orientations sera présenté dans le courant du mois d'octobre 2010.

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