Question de M. MARC François (Finistère - SOC) publiée le 23/06/2010

Question posée en séance publique le 22/06/2010

Concerne le thème : La crise financière européenne

M. François Marc. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur l'inquiétude que l'on peut légitimement nourrir quant à la lenteur des réactions des autorités publiques en matière de régulations financière et bancaire.

Depuis l'été 2008, de nombreux sommets ont eu lieu : trois G 20 – Washington, Londres et Pittsburg – et cinq Conseils européens spécialement consacrés au sujet de la régulation financière. Il en résulte une prise de conscience, dont on se réjouit, et la prise d'engagements, mais il faut bien constater que la concrétisation de ces engagements a été extrêmement limitée.

Certes, quand bien même on peut se demander ce que vaut la classification des pays en liste blanche, grise ou noire, une liste des paradis fiscaux a été dressée. En revanche, le bilan est très maigre en ce qui concerne les normes comptables, l'information sur le risque et les rémunérations des acteurs bancaires.

Par ailleurs, qu'en est-il de la position de la France au sujet de la supervision financière, chère à M. Barnier ?

Quant à la régulation bancaire, que Mme Bricq vient d'évoquer, aujourd'hui, on attend que M. Obama donne le « la », mais l'on ne peut qu'être inquiet puisque la presse titrait hier : « Le G20 va officiellement enterrer l'idée d'une taxe bancaire ».

Le quiproquo est donc complet : d'un côté, l'on nous dit que l'on plaide pour une taxe et que les États-Unis veulent mettre en place un dispositif ; de l'autre, on nous annonce par avance que l'idée va sans doute être enterrée par le G20.

En définitive, et je suis certain que vous en êtes consciente, madame la secrétaire d'État, il y a un décalage manifeste entre les déclarations visant à une moralisation du capitalisme et les engagements a minima, voire les réactions apeurées du gouvernement français face à la volonté exprimée par l'Allemagne, par exemple, d'interdire les ventes à découvert à nu de certains produits spéculatifs.

Dans ces conditions, pourriez-vous nous indiquer comment la France va s'organiser pour mettre le pied sur l'accélérateur de la régulation ?

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on sait bien que si rien n'est plus rapidement entrepris, on court le risque d'assister très bientôt à d'autres phénomènes très inquiétants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)


Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce extérieur publiée le 23/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 22/06/2010

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, il n'est évidemment pas facile d'instaurer une régulation financière mondiale alors qu'il y a eu tant de dérives depuis des décennies et qu'une telle régulation passe par des modalités techniques très complexes.

Les difficultés et, oui, les résistances existent, mais elles ne doivent pas nous empêcher d'être particulièrement volontaristes et imaginatifs dans les propositions que nous mettons sur la table, avec conviction, lors des discussions avec nos partenaires.

Je rappelle que, en matière de régulation, la France prend l'initiative à trois échelons.

Je commence par le niveau de l'Union européenne, au cœur des dispositifs, comme en témoignent les initiatives prises et les accords passés en matière de supervision, de hedge funds, de paradis fiscaux, ou encore de produits dérivés.

Bien entendu, la régulation intervient aussi à l'échelle internationale.

Vous avez dit, monsieur Marc, que les résultats du G20 étaient déjà connus. Pour ma part, je ne préjugerai pas les résultats, surtout négatifs : nous avons eu de bonnes surprises.

Personne ne croyait, lorsque le Président Sarkozy a pris, le premier, l'initiative de réunir le G20, non plus simplement au niveau des ministres des finances, mais à celui des chefs d'État et de gouvernement, qu'il serait possible d'adopter des décisions et des mesures en matière de régulation.

Nous avons aujourd'hui bon espoir de convaincre un nombre de partenaires de plus en plus élevé et, comme je le faisais remarquer tout à l'heure, la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne sont unies sur ce point.

Enfin, pour ce qui concerne l'étage national, c'est-à-dire celui de la loi française, vous ont été proposées au fil des mois et encore tout récemment, mesdames, messieurs les sénateurs, des dispositions qui mettent la France au meilleur rang et même à l'avant-garde sur tous les sujets relatifs à la régulation.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour la réplique.

M. François Marc. Pour ma part, j'ai lu, comme chacun de nous, les dépêches annonçant que les ministres des finances du G20, qui se sont encore récemment réunis en Corée du Sud, avaient décidé de « renoncer à une taxe commune » et que les chefs d'État et de gouvernement se contenteraient « sans doute d'entériner le principe du financement par le secteur financier lui-même de ses futures faillites »…

Il s'agit donc bien d'une forme de résignation anticipée,…

M. Guy Fischer. De renoncement !

M. François Marc. … que nous ne pouvons que déplorer face aux réalités que je dénonçais tout à l'heure.

S'agissant ensuite de la position du gouvernement français, vous n'apportez pas, madame la secrétaire d'État, tous les éléments rassurants que nous pouvions espérer.

Ainsi, nous restons sur l'impression que la France était « à la remorque » lorsque l'Allemagne a annoncé qu'elle allait interdire les ventes à découvert à nu, plusieurs de nos ministres ayant alors déclaré qu'une telle mesure était prématurée, inefficace et donc pas nécessairement utile…

Il semble bien que la France tarde, en somme, à agir, ce qui est inquiétant pour l'avenir. Nous souhaitons donc ardemment qu'une action plus vigoureuse soit entreprise, sujet dont nous aurons, à n'en pas douter, d'autres occasions de débattre.

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