Question de M. RAFFARIN Jean-Pierre (Vienne - UMP) publiée le 18/06/2010

Question posée en séance publique le 17/06/2010

M. Jean-Pierre Raffarin. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Elle est très simple : quelle appréciation portez-vous aujourd'hui sur la relation franco-allemande ? (M. le Premier ministre fait son entrée dans l'hémicycle.)

Ces derniers mois, nous avons eu le sentiment qu'elle était plutôt difficile. Certains commentaires donnaient l'impression qu'il existait des désaccords, notamment sur la solidarité, à l'intérieur de l'Union européenne, envers les pays les plus fragiles, des difficultés de gouvernance de la zone euro au regard du pilotage économique décidé à vingt-sept, ou encore des difficultés d'interprétation des politiques budgétaires dans chacun des pays.

À ces sensibilités différentes sur le plan politique se sont ajoutées un certain nombre de compétitions, en particulier sur le plan économique. Systématiquement, dans les pays émergents, les entreprises françaises et allemandes se font face, dans le cadre d'une concurrence assez vive.

Or peut-on regarder l'avenir sereinement si l'on ne travaille pas quotidiennement au renforcement de la coopération franco-allemande ?

Le 14 juin dernier, le Président de la République a fait un pas très important en s'accordant avec la Chancelière sur une position commune, relative, d'une part, à la gouvernance mondiale, notamment à la régulation bancaire, et, d'autre part, à la gouvernance économique dans la zone des Vingt-Sept.

Les positions se sont rapprochées ; c'est une bonne nouvelle.

Aujourd'hui, que peut-on attendre, lors des prochains conseils, de cette position commune ? Quelles sont les avancées que la position commune franco-allemande est susceptible de faire émerger dans le cadre de la construction européenne ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 18/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 17/06/2010

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser mon léger retard.

Avant de vous répondre, je tiens à transmettre les condoléances du Gouvernement à toutes les familles des victimes des intempéries du Var. Le ministre de l'intérieur s'est rendu hier sur place et tous les moyens de l'État sont mobilisés pour venir en aide aux sinistrés. J'aurai l'occasion de présider demain une réunion interministérielle en vue de prendre les décisions nécessaires. Le Président de la République se rendra sur place en début de semaine prochaine.

Monsieur Raffarin, la France et l'Allemagne, depuis le début de la crise économique et financière, ont agi en coordination étroite. Il en a été ainsi, d'abord, pour mettre en œuvre le plan de sauvetage des banques, que nous avons conçu et annoncé ensemble, ensuite, même si ce fut plus difficile, pour concevoir le plan de soutien à la Grèce, et, enfin, pour engager le plan permettant de mobiliser 750 milliards d'euros, que vous avez approuvé et qui peut, le cas échéant, servir de garantie pour des États de la zone euro connaissant des difficultés.

S'il est vrai que la France et l'Allemagne ne sont pas toujours spontanément du même avis, force est de constater que nos deux pays parviennent toujours, après négociations et compromis, à se mettre d'accord. Le temps qui est parfois nécessaire pour y aboutir n'est jamais perdu. En effet, lorsque, à l'issue de ce processus, la France et l'Allemagne réussissent à s'entendre, cela signifie, alors, que l'accord européen n'est plus très loin derrière.

Le Président de la République et la Chancelière allemande le savent bien, sans accord franco-allemand, le projet européen ne peut pas fonctionner et se poursuivre : c'est une condition, certes pas suffisante, mais absolument nécessaire.

À ce sujet, je tiens à rendre hommage à Mme Merkel, qui a su placer au-dessus des contingences politiques intérieures l'intérêt général de l'Union européenne et de l'euro, dans un contexte particulièrement difficile.

Lundi dernier, le Président de la République et la Chancelière allemande sont parvenus à des accords, à des compromis, sur plusieurs sujets très importants.

Tout d'abord, il y aura un Gouvernement économique européen.

Mme Nicole Bricq. Ah bon ?

M. François Fillon, Premier ministre. Il sera exercé par les chefs d'États et de gouvernements du Conseil des Vingt-Sept. Il pourra, en cas de besoin, être mobilisé au niveau de la zone euro.

Nous partions de positions très éloignées : l'Allemagne ne voulait pas entendre parler de gouvernement économique européen ; de notre côté, nous aurions souhaité qu'il soit d'abord un instrument de pilotage de l'euro, donc intégré à la zone euro, avec un secrétariat permanent.

Chacun des deux pays a fait un pas l'un vers l'autre. Il s'agit d'une avancée très importante : cela va permettre au Conseil européen, qui se tient en ce moment même, d'enclencher le processus pour mettre en œuvre ce gouvernement économique européen et définir son mode de fonctionnement.

Ensuite, le Président Sarkozy et Mme Merkel se sont également accordés sur d'autres points.

Ils sont ainsi convenus de la nécessité d'introduire, au-delà des critères de Maastricht, de nouveaux éléments en ce qui concerne la croissance et la compétitivité.

Ils ont affiché leur volonté d'assurer une meilleure coordination des politiques budgétaires dans la zone euro et de prévoir des sanctions plus crédibles pour les États qui ne les respecteraient pas.

Mme Nicole Bricq. Sur ce point, nous sommes d'accord !

M. François Fillon, Premier ministre. Ils ont défini des objectifs de régulation financière très ambitieux.

Dans cet esprit, le Président français et la Chancelière allemande ont écrit au Premier ministre canadien, dont le pays assure actuellement la présidence du G20, pour lui demander d'inscrire à l'ordre du jour, ce qui était loin d'être évident, des objectifs ambitieux en matière de régulation financière et la mise en place d'une taxation des banques, notamment de celles qui prennent des risques et fragilisent le système financier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette crise sonne en quelque sorte l'heure de vérité pour l'Union européenne et pour l'euro. Comme souvent en pareil cas, elle influe sur les comportements, pousse au repli sur soi et favorise forcément un certain égoïsme. Dans le cadre de la position franco-allemande, Mme Merkel et M. Sarkozy ont su, grâce à leur sagesse, éviter ces travers et préserver la cohésion et l'intégrité de l'euro. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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