Question de M. RAINAUD Marcel (Aude - SOC) publiée le 08/07/2010

M. Marcel Rainaud interroge M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur l'avis technique du comité de méthodologie du secrétariat de la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques sur mécanisme de développement propre –MDP-.

Plusieurs organisations de défense de l'environnement ont dénoncé le caractère fictif d'une part importante des économies de gaz à effet de serre financées dans les pays du Sud sous l'égide des Nations Unies, grâce au MDP, et le comportement de l'industrie chimique, qui aurait engrangé d'importantes sommes sur ce dossier.

Ces organisations non gouvernementales estiment que la vente aux pays du Nord de crédits carbonne liés à l'élimination du HFC23 aurait créé un effet d'aubaine, le prix payé pour l'élimination de ce gaz serait selon elles, 70 fois supérieur au coût réel de l'opération.

Elles précisent qu'une bonne partie des gaz à effet de serre détruits grâce à l'argent des crédits carbone n'aurait pas dû être émis et estiment que ses abus ont permis à l'industrie de percevoir un milliard de dollars chaque année.

Il lui demande l'attitude qu'il entend adopter face aux interrogations ainsi soulevées.

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Réponse du Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat publiée le 28/10/2010

La majorité des investissements financés grâce aux crédits carbone dans le cadre du mécanisme pour un développement propre (MDP) concernent la destruction de gaz à fort pouvoir de réchauffement global, comme les gaz fluorés (HFC-23 en particulier) et le protoxyde d'azote (N2O). D'après les données publiées par la Caisse des dépôts et consignations Climat, l'objectif est d'atteindre 40 % des économies totales de gaz à effet de serre obtenues par ce mécanisme d'ici à fin 2012 (25 % pour les HFC, 16 % pour le N2O). La mise en oeuvre de ces projets a permis d'amorcer rapidement une dynamique dans la mobilisation de la finance contre le réchauffement climatique et a répondu à l'objectif d'efficacité économique du MDP, à savoir financer des réductions d'émissions au moindre coût. L'écart parfois important entre les coûts et les recettes de ces projets a cependant été invoqué par plusieurs organisations non gouvernementales à l'appui d'une demande de révision des règles de calcul des crédits carbone applicables à l'incinération de HFC-23 issu de la production de HCFC-22 (« méthodologie AM 0001 »), formulée auprès du conseil exécutif du MDP au printemps 2010. Selon les organisations non gouvernementales (ONG) concernées, la méthodologie actuelle, qui détermine les conditions dans lesquelles les entreprises industrielles peuvent bénéficier de crédits pour l'élimination du HFC-23, conduirait à rémunérer trop généreusement les opérateurs et comporterait une incitation perverse à poursuivre, voire augmenter la production de HCFC-22, uniquement dans le but de pouvoir détruire le HFC-23 dans des conditions financières avantageuses. Plusieurs améliorations avaient déjà été apportées à la méthodologie AM0001 pour limiter ces biais, à travers l'introduction d'un double plafonnement : d'une part, le volume maximum de HCFC-22 pris en compte pour la délivrance de crédits carbone est limité à la production moyenne de l'installation entre 2000 et 2004. Cette restriction a l'avantage de réduire les effetsd'aubaine, comme par exemple la construction de nouvelles usines de production de HCFC-22 ou des augmentations de capacités qui seraient uniquement motivées par la vente de crédits MDP ; d'autre part, l'imposition d'un ratio maximum de HFC généré par tonne de HCFC-22 produite permet de limiter le volume de HFC 23 détruit pouvant donner lieu à la délivrance de crédits, en empêchant que des usines moins efficaces que la moyenne, c'est-à-dire produisant plus de HFC 23 par unité de HCFC 22, n'obtiennent indûment des crédits. La nouvelle demande de révision proposée par les ONG au panel des méthodologies, qui transmet son avis au conseil exécutif du MDP, vise à durcir les critères d'éligibilité et le calcul des émissions évitées. L'objectif estd'obtenir ainsi davantage de garanties sur le fait que le mécanisme n'encourage pas, malgré lui, le maintien artificiel de surcapacités et de techniques peu efficaces dans la production de HCFC-22, dont le protocole de Montréal (protection de la couche d'ozone) a d'ailleurs programmé la diminution au niveau mondial. Lors de sa 44e session (21-25 juin 2010), le panel a souligné la nécessité de travaux complémentaires avant toute révision, notamment sur l'estimation du taux de progrès technique dans le secteur, l'évaluation de la durée de vie moyenne des installations, et les perspectives d'évolution du marché du HFCF-22. Lors de sa 55e session (26-30 juillet), le conseil exécutif du MDP a repris ces conclusions et chargé le panel des méthodologies de mener une analyse approfondie sur ces différents points. Ces sujets font donc actuellement l'objet d'une instruction technique par les institutions indépendantes créées dans le cadre de la convention-cadre des Nations unies pour la lutte contre le changement climatique et le protocole de Kyoto. Le conseil exécutif du MDP, qui enregistre les différentes méthodologies et statue sur les projets individuels, prend ses décisions sur le fondement des lignes directrices édictées par l'ensemble des parties à la convention et au protocole. Il a su, notamment à plusieurs reprises au cours des derniers mois, se porter garant de l'intégrité environnementale du MDP, en écartant certains projets ne démontrant pas suffisamment leur capacité à réduire les émissions au-delà de la situation qui aurait prévalu en l'absence de MDP (par exemple : le caractère « additionnel » du projet n'était pas acquis), en dépit des pressions exercées par les porteurs de projets. Si le conseil exécutif du MDP devait, au terme du processus engagé par les organisations de protection de l'environnement, solliciter un nouveau mandat de la conférence des parties au protocole de Kyoto, le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat (MEEDDM), serait attentif à ce que la France défende une approche standardisée et rigoureuse sur les conditions de délivrance des crédits carbone, qui protège autant que possible le dispositif contre tout effet d'aubaine ou toute incitation perverse. Il devrait aussi s'articuler harmonieusement avec les prescriptions du protocole de Montréal et les autres outils de politique publique mobilisables dans les pays en développement (comme la taxation et la réglementation).

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