Question de M. MARC François (Finistère - SOC) publiée le 21/01/2011

Question posée en séance publique le 20/01/2011

M. François Marc. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, de jour en jour, le scandale du Mediator a pris de l'ampleur. Le rapport de l'IGAS, vient de raviver les inquiétudes en pointant « les défaillances du système sanitaire français ». Ce rapport a été jugé « accablant », voire « explosif ».

La justice est saisie et il lui appartiendra de dire pourquoi ce produit, interdit à la vente ailleurs, a continué d'être commercialisé en France jusqu'en novembre 2009. Il lui appartiendra aussi de dire pourquoi les 98 instances scientifiques de l'AFSSAPS et les 1 749 experts de la Haute Autorité de santé ont été à ce point défaillants.

Des signaux d'alerte ont pourtant été émis ; ils n'ont pas été entendus. J'aurais d'ailleurs aimé vous entendre, monsieur le ministre, rendre un hommage plus appuyé au docteur Irène Frachon et à son équipe du CHU de Brest, qui ont, malgré des vents contraires, contribué à faire éclater la vérité sur le Mediator.

Face à la catastrophe sanitaire, notre première préoccupation doit être la prise en charge des patients et leur juste indemnisation. Le Gouvernement s'est engagé en ce sens et il importe qu'il agisse avec diligence.

La seconde préoccupation doit être de tirer au plus vite les enseignements en matière de gouvernance publique, car une accusation accablante est portée par l'IGAS, selon laquelle on a fait passer l'industrie avant les patients, les profits avant la santé des malades !

M. René-Pierre Signé. Eh oui !

M. François Marc. Comment s'affranchir du poids des lobbies et des appétits financiers ? Telle est la question essentielle à laquelle il faut répondre d'urgence.

Vous seriez bien inspiré, monsieur le ministre, de mettre en œuvre les préconisations formulées à ce sujet dès 2006, ici même, au Sénat – je pense, en particulier, aux propositions de notre collègue François Autain –, mais il n'y aura pas, à nos yeux, de bonne solution tant que le Gouvernement n'aura pas renoncé à sa doctrine libérale du « laisser-faire ».

Ainsi, s'agissant du financement de l'AFSSAPS, aucune subvention publique n'est inscrite au budget pour 2011, et aucune n'est prévue non plus pour 2012 et 2013 ! Avec votre politique de désengagement budgétaire, l'AFSSAPS sera donc désormais financée à 100 % par l'argent des firmes du médicament. Cela n'est pas acceptable !

Monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il enfin l'intention d'entendre nos arguments en faveur du rétablissement d'une réelle indépendance des autorités sanitaires ? Comment allez-vous vous donner les moyens de privilégier l'intérêt des patients par rapport à l'intérêt des firmes ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Christiane Kammermann applaudit également.)

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi et de la santé publiée le 21/01/2011

Réponse apportée en séance publique le 20/01/2011

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur François Marc, votre question a certainement été rédigée à l'avance, car j'ai eu l'occasion de répondre tout à l'heure à votre collègue Mme Laborde concernant le financement de l'AFSSAPS.

Sur le point précis du fonctionnement des commissions de l'AFFSAPS, je voudrais vous indiquer ma vision des choses.

Aujourd'hui, l'AFFSAPS comprend trop de commissions qui comptent trop de membres…

M. François Autain. C'est vrai !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il faut réduire à la fois le nombre et la composition de ces commissions ; sinon les responsabilités se trouvent complètement diluées.

Il faut aussi que des associations de patients soient représentées en leur sein, ainsi que des personnalités qualifiées qui puissent leur apporter le regard du grand public.

Nous devons en outre réfléchir au statut à réserver aux lanceurs d'alerte.

Je pense avoir parlé du docteur Frachon – François Autain peut en porter témoignage. (M. François Autain acquiesce.) Il est vrai que, si elle n'était pas intervenue à la suite du docteur Chiche qui, en 1999, à Marseille, a démontré le premier cas de valvulopathie lié au Mediator, bien évidemment, notre système de santé aurait certainement pris encore plus lentement la mesure de la situation.

Cela signifie qu'il faut savoir assouplir les procédures si nécessaire, et permettre l'expression des avis divergents, comme celui du docteur Frachon, afin de remettre en cause les décisions prises et de réagir beaucoup plus rapidement.

Je me résume : moins de commissions, moins de monde.

Par ailleurs, si jamais il est avéré qu'une seule personne concernée par un conflit d'intérêts a participé aux délibérations, la décision prise ce jour-là par la commission sera nulle et non avenue.

Je propose également que toutes les délibérations soient maintenant enregistrées, que les enregistrements soient tenus à disposition du public et les comptes rendus publiés sur Internet au plus tard sous quinzaine. Je souhaiterais que la pratique des auditions publiques se développe, comme aux États-Unis – nous pourrions être les premiers à le faire en Europe –, car la transparence l'exige.

Je tiens également à vous dire, monsieur le sénateur, que j'ai pris connaissance de tous les avis et de tous les rapports, notamment de celui de François Autain, mais aussi de ceux qu'a publiés l'Assemblée nationale. Je sais pertinemment que François Autain, Marie-Thérèse Hermange ou d'autres sénateurs veulent s'impliquer dans ce domaine.

Monsieur le sénateur, vous avez cité le rapport de l'IGAS, mais j'attends également beaucoup des travaux des missions parlementaires, qui vont pouvoir auditionner l'ensemble des ministres. Je demande d'ailleurs au Sénat, comme je l'ai demandé à l'Assemblée nationale, à être entendu rapidement – mais c'est vous qui fixez le calendrier ! – afin d'exposer ma conception du nouveau système de sécurité sanitaire, qu'il faut complètement reconstruire.

Par ailleurs, l'action de la justice, forcément complémentaire, nous permettra de faire toute la lumière sur les responsabilités.

Enfin, pour tirer tous les enseignements de ces événements, il faut bien voir que des changements sont intervenus après l'affaire du sang contaminé. Auparavant, tout remontait au ministère. Dans les années 1990, le choix a été fait de s'en remettre à l'évaluation des experts, qui évaluaient, contrôlaient et décidaient.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la droite qui a mis ce système en place !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je pense que nous devons renforcer l'information de l'échelon politique pour qu'il ne puisse pas se justifier en invoquant le manque d'informations et qu'il assume complètement ses responsabilités. Telle est ma conception de la politique ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'Union centriste.)

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