Question de M. de MONTESQUIOU Aymeri (Gers - RDSE) publiée le 17/02/2011

M. Aymeri de Montesquiou attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur les pesanteurs administratives européennes unanimement dénoncées par les agriculteurs et le ministère, culminant avec l'interdiction d'épandre les engrais sur une période strictement définie au niveau européen qui rejoint ainsi le lot des absurdités technocratiques.

La date la plus propice à l'épandage ne peut être décidée que par les agriculteurs eux-mêmes en fonction de la date des semis, de la pluviométrie, de la somme des températures et surtout du développement de la céréale et en aucun cas par la Commission européenne. En cas de semis précoce, comme cela fut le cas à l'automne 2010 en raison de conditions climatiques idéales, il faut demander une dérogation à la préfecture pour épandre plus tôt les engrais azotés.

La date d'interdiction d'épandage jusqu'au 15 janvier ne tient aucun compte des paramètres naturels fluctuant d'une année sur l'autre, ni du conditionnement des produits (engrais solides ou liquides). Cette planification au 15 janvier peut même provoquer des pics de pollution.

L'agriculture est sans doute la profession qui a le plus évolué ces dernières années et qui s'est le mieux adaptée à une révolution technologique et de gestion. Un document sur la meilleure utilisation de tous les intrants pourrait être utile aux agriculteurs mais en aucun cas une réglementation communautaire stricte.

Il lui demande donc de bien vouloir lui faire connaître sa position sur les dates d'interdiction d'épandage des intrants.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du logement publiée le 09/03/2011

Réponse apportée en séance publique le 08/03/2011

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le secrétaire d'État, l'interdiction européenne d'épandre les engrais sur une période strictement définie est absolument contraire au bon sens !

La Commission européenne connaît-elle la date des semis, la pluviométrie, la somme des températures, le développement de la céréale, le stade de nutrition et de traitement ? Dès lors, comment peut-elle décider d'interdire les épandages jusqu'à la date du 15 janvier en ne tenant compte ni du caractère fluctuant de ces paramètres d'une année sur l'autre ni du conditionnement des produits ?

L'azote, par exemple, est présenté soit en granules, soit sous forme liquide. Son épandage varie en fonction de la météorologie : s'il pleut, on ne peut utiliser l'azote liquide ; si le sol est trop sec, on ne peut employer les granules.

Cette stricte planification à objectif écologique est d'autant plus absurde qu'elle peut même provoquer des pics de pollution, car tous les agriculteurs sont ainsi amenés à épandre leurs engrais au même moment.

Si, en cas de récolte précoce et en fonction des régions, les dates d'épandage des engrais azotés peuvent être avancées par dérogation de la préfecture, la procédure est lourde et les délais sont longs, ce qui compromet toute réactivité, pourtant indispensable.

Courteline n'est pas mort : les agriculteurs doivent remplir des fiches techniques et y indiquer la dose et le type d'engrais utilisé, parcelle par parcelle ! De plus, ils devront suivre des stages de formation pour être habilités à épandre les pesticides.

Ne peut-on pas leur faire confiance et les considérer comme responsables ? Mieux que quiconque, ils savent à quel moment et de quelle façon utiliser les intrants, qui sont de plus en plus onéreux.

Monsieur le secrétaire d'État, l'agriculture est sans doute la profession qui a le plus évolué ces dernières années et qui s'est le mieux adaptée à la révolution technologique. N'infligez donc pas aux agriculteurs de nouvelles contraintes, qu'ils perçoivent comme du harcèlement administratif et qui viennent s'ajouter à toutes les difficultés qu'ils rencontrent.

M. le ministre de l'agriculture est-il prêt à traiter les agriculteurs en entrepreneurs responsables et à demander à la Commission de les laisser libres de gérer leur exploitation, avec bon sens et en respectant l'environnement, hors de ce carcan administratif, qui est source de dépenses inutiles et qui produit des effets contraires, au final, à l'objectif écologique recherché ? Les agriculteurs partagent les préoccupations écologiques. En outre, le coût des intrants est un facteur de modération supplémentaire.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur le sénateur, je vous prie une nouvelle fois de bien vouloir excuser Bruno Le Maire, qui est actuellement en déplacement avec le Président de la République.

Vous l'avez interrogé sur les dates d'interdiction d'épandage des intrants et sur la position du Gouvernement concernant celles-ci.

Les États membres de l'Union européenne se sont engagés, dans le cadre de la directive « nitrates », à établir des programmes d'actions afin de « réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles » et de « prévenir toute nouvelle pollution de ce type ». Les zones où s'appliquent ces programmes d'actions sont appelées « zones vulnérables ».

La directive fixe très précisément, dans ses annexes 2 et 3, les mesures qui doivent être incluses dans les programmes d'actions. L'une de ces mesures concerne les périodes durant lesquelles l'épandage des fertilisants azotés est interdit. Ces calendriers d'interdiction d'épandage sont établis non par la Commission européenne, mais par les États membres eux-mêmes.

En France, les programmes d'actions sont aujourd'hui définis par les préfets de département sur le fondement d'instructions nationales fixées par arrêté des ministres en charge de l'agriculture, d'une part, et de l'écologie, d'autre part.

Les interdictions d'épandage sont différenciées selon le type de fertilisant, la nature des cultures et leur date d'implantation. Les périodes d'interdiction d'épandage ne sont donc pas les mêmes pour le lisier, le fumier ou les engrais minéraux, ou encore selon que le fertilisant est appliqué sur une prairie de plus de six mois, sur une culture implantée à l'automne ou au printemps, par exemple. Les réalités locales sont donc bien évidemment prises en compte.

Aujourd'hui, de façon générale, il est ainsi interdit d'épandre du lisier ou des fertilisants minéraux jusqu'au 15 janvier sur une culture implantée à l'automne. En effet, l'activité de la culture est très réduite pendant l'hiver et les fournitures d'azote par le sol et les résidus de culture suffisent très largement à couvrir les besoins très limités de la plante à cette époque de l'année.

La date du 15 janvier peut en outre être retardée par le préfet de département selon le contexte propre à chaque territoire. À l'inverse, le préfet peut déroger temporairement à certaines obligations des programmes d'actions en cas de circonstances climatiques exceptionnelles et selon certaines conditions de procédure. Une souplesse est donc prévue.

Ainsi, la subsidiarité laissée à chaque État membre dans la mise en œuvre de la directive « nitrates » permet d'en adapter les dispositions en fonction des enjeux et des contextes propres à chaque territoire, d'un point de vue tant agronomique que pédoclimatique ou environnemental.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le secrétaire d'État, je me réjouis que vous insistiez sur la subsidiarité renforcée des pays en matière agricole.

Je pense vous avoir démontré que chaque culture a sa spécificité. Outre la question de la date des semis, une parcelle ne présente pas les mêmes caractéristiques selon que l'on y cultivait précédemment du maïs, du tournesol ou du soja.

Par conséquent, même si l'agriculteur est tenu de respecter certaines normes environnementales, ce qui est évidemment nécessaire, laissons-lui la responsabilité de décider de la bonne date pour répandre ses intrants !

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