Question de Mme BLONDIN Maryvonne (Finistère - SOC) publiée le 10/03/2011

Mme Maryvonne Blondin attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur les conditions de délivrance de visas destinés aux artistes étrangers amateurs, invités par des festivals de folklore et d'art traditionnels.

Les organisateurs de manifestations culturelles, souhaitant promouvoir la diversité artistique et l'échange interculturel, rencontrent un obstacle majeur dans l'obtention de visas pour les artistes étrangers non-professionnels qu'ils invitent dans le cadre de leurs éditions 2011. En effet, l'obligation de salariat des artistes étrangers amateurs est devenue une condition nécessaire à l'obtention du visa. Ce cadre juridique contraignant semble inadapté à la réalité économique et sociale de ces événements locaux et menace la pérennité des festivals de folklore et d'art traditionnels dans son département.

C'est pourquoi elle lui demande quelles sont les réponses que le Gouvernement entend apporter à cette question ayant autant trait à la coopération culturelle qu'au droit du travail, en créant, par exemple des visas artistiques spécifiques pour les artistes amateurs.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 11/05/2011

Réponse apportée en séance publique le 10/05/2011

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la veille de nos festivals d'été de folklore et d'arts traditionnels, je voudrais souligner la situation très précaire dans laquelle se trouvent, aujourd'hui, les organisateurs bénévoles de ces manifestations qui mettent au cœur de leurs événements la participation d'artistes étrangers amateurs.

L'obligation de salariat des artistes étrangers, hors Union européenne, est, en effet, devenue une condition nécessaire à l'obtention du visa. Or les artistes et les troupes présentés dans ces festivals ont pour caractéristique principale d'être des amateurs.

Effectivement, ces associations fondent leur action, conformément à l'esprit du bénévolat, sur les valeurs de solidarité, de partage et de découverte des cultures du monde. Ce faisant, elles s'inscrivent dans le cadre de la convention de l'UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, à laquelle la France a adhéré par la loi du 5 juillet 2006.

Il semblerait toutefois que cette nouvelle restriction ne soit pas seulement liée à une volonté de rémunération du travail artistique, mais, bien plus, à une problématique migratoire, celle de la circulation des artistes étrangers.

Comment nous prévaloir encore de la Convention de l'UNESCO alors que des mesures de plus en plus drastiques s'abattent sur les étrangers dans notre pays ?

Ce durcissement progressif affecte particulièrement l'économie des musiques du monde et a pour conséquence de réduire l'offre à une diversité culturelle de façade, comme s'en est ému le Conseil international des organisateurs de festivals de folklore et d'arts traditionnels, le CIOFF.

Depuis près de trente ans, ces festivals font participer des groupes folkloriques venus du monde entier sans aucune difficulté, les organisateurs se chargeant de tous les frais liés au transport, à l'hébergement et à la restauration.

Aujourd'hui, la nécessité de signer un contrat de travail avec les artistes invités met en péril la vitalité culturelle même de nos territoires, surtout parce que ces festivals, fondés sur le principe du bénévolat, ne sont pas en mesure de rémunérer les artistes qu'ils présentent sur scène.

Ces manifestations permettent pourtant de tisser un maillage culturel fort dans le territoire concerné et offrent aux petites villes l'opportunité d'organiser des événements off inédits.

L'obligation de salariat, qui restreint l'entrée des artistes étrangers sur le territoire, menace aujourd'hui une trentaine de festivals de folklore et d'arts traditionnels, comme le Mondial'Folk de Plozévet, dans mon département du Finistère.

Monsieur le ministre, quelles réponses le Gouvernement entend-il apporter à cette question, qui a trait autant à la coopération culturelle qu'au droit du travail ? Envisage-t-il, par exemple, de créer des visas artistiques spécifiques pour les artistes amateurs ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je vous remercie d'avoir posé cette question, madame Blondin. À l'heure où se profile la saison des festivals d'été, votre préoccupation me semble parfaitement légitime, et je peux vous confier que ce sujet me taraude tout autant que vous.

Nous avons en effet la chance de compter dans notre pays un réseau particulièrement dense de manifestations estivales qui enrichissent profondément la vie de nos concitoyens durant cette période traditionnelle de congés. Toutes sont dignes d'intérêt, les plus importantes comme les plus modestes, qui sont souvent de qualité, et j'essaye moi-même, chaque été, d'équilibrer entre les festivals les plus en vue et les événements plus confidentiels, qui sont toujours l'occasion de remarquables découvertes.

Comme vous le savez, madame Blondin, je suis très attaché à la circulation internationale des artistes, car elle est indispensable à la vitalité de la création et à l'enrichissement des cultures. J'y porte une attention particulière et permanente.

Je suis par ailleurs – mais c'est une autre question – très attentif à ce que les amateurs puissent exposer leur pratique devant un public, et je sais tout ce qu'apportent à ces pratiques les échanges, les rencontres, notamment entre jeunes de différents pays : la découverte d'autres cultures, une ouverture à d'autres langages… À cet égard, je pense que nous sommes tous redevables du travail effectué par les innombrables bénévoles qui se dépensent sans compter pour organiser ces festivals.

La question que vous posez, qui se situe au croisement de ces deux sujets, est complexe. Dans le spectacle, s'applique en France la présomption de salariat des artistes, à laquelle les organisations représentatives sont très attachées. C'est l'un de nos principes fondateurs, un principe juridiquement fort, comme l'a rappelé très clairement l'arrêt Hartung rendu par la Cour de cassation en octobre dernier. Cette présomption s'applique indépendamment de la nationalité de l'artiste, du type de spectacle, vivant ou enregistré, et de la qualification juridique donnée par les parties à la situation.

Lorsque des « amateurs » se produisent dans un cadre lucratif, ils doivent être rémunérés au même titre que les artistes professionnels. On se retrouve alors dans des situations de blocage qui, non seulement sont délicates sur le plan humain, mais sont également préjudiciables à la vie artistique et à la création en général.

En effet, dans ces cas, le visa n'est délivré qu'après examen de l'autorisation provisoire de travail et de séjour des artistes. Lorsqu'il s'agit de faire venir, par exemple, des artistes du Burkina Faso, souvent remarquables, il faut avouer que cette réglementation n'est pas vraiment adaptée. Comment les faire entrer dans un canevas administratif qui ne correspond pas à leur situation ?

Lorsque des amateurs se produisent dans le cadre d'échanges culturels internationaux, dans un cadre non lucratif, on se situe dans un autre contexte, celui de l'exposition de la pratique amateur.

À la suite des difficultés que vous avez signalées, et auxquelles je suis très sensible, madame la sénatrice, des travaux ont été menés rapidement avec les ministères concernés, à savoir le ministère du travail, de l'emploi et de la santé et le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration pour trouver les moyens de répondre concrètement aux problèmes qui se posent.

La question des conditions de délivrance de visas aux artistes étrangers amateurs invités par des festivals est, de fait, en cours de règlement. Une nouvelle procédure simplifiée et adaptée sera très prochainement mise en place, permettant, sous certaines conditions bien précises, à ces artistes de participer à ces manifestations sans avoir à justifier d'une autorisation provisoire de travail. Je puis vous assurer que nous avons beaucoup travaillé sur cette question, madame la sénatrice.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Je ne peux que féliciter et remercier chaleureusement M. le ministre de son intérêt pour la libre circulation de la culture. Sa volonté de permettre aux bénévoles d'organiser sur le territoire national des festivals de toute nature est clairement affichée dans sa réponse, comme dans le travail qu'il a réalisé.

J'avais préparé quelques éléments de réponse, mais ils n'ont, bien entendu, plus d'objet après l'annonce qu'il a faite. J'espère que cette politique pourra se mettre en place avant l'été 2011, saison qui va voir fleurir sur notre territoire français de nombreux festivals. En tout cas, j'attends avec impatience les résultats.

M. le président. Voilà une sénatrice comblée !

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