Question de M. RAINAUD Marcel (Aude - SOC) publiée le 28/04/2011

M. Marcel Rainaud interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur la récente publication de la carte scolaire pour 2011-2012. La carte scolaire de la rentrée prochaine présente une suppression massive de postes et soulève bon nombre d'interrogations et d'inquiétudes.

Depuis plusieurs semaines maintenant, il est, comme son collègue Roland Courteau, alerté par les associations de parent d'élèves et d'enseignants quant à l'avenir de certains établissements scolaires de l'Aude et à leur capacité de fonctionnement. École par école, les chiffres des suppressions de postes tombent. Dans l'Aude, ce sont au total 23 postes supprimés. Ce plan départemental est un nivellement par le bas qui n'est pas acceptable.

Cette réduction du nombre de postes d'enseignants est en contradiction avec la réalité du département. Ces territoires connaissent un développement démographique avéré. Les nouvelles demandes de scolarisation affluent, la logique voudrait le renforcement du nombre d'enseignants. Or la politique inverse est menée et ces décisions auront de lourdes conséquences. La suppression des postes d'enseignants annoncée a un impact négatif. C'est moins de suivi, moins d'accompagnement pour tous. Les enfants défavorisés ont besoin pour réussir d'un plus grand nombre d'enseignants et d'un accompagnement sérieux.

Il rappelle que les années en école pré-élémentaire et élémentaire sont des moments cruciaux où se jouent l'acquisition du socle de connaissances garantissant l'avenir scolaire. Il souligne que le manque de moyens, les conditions de travail dans une classe en surnombre creuseront les inégalités scolaires, sociales et territoriales.

Ce plan contredit donc tous les objectifs de lutte contre l'échec scolaire, il est la suite logique du processus enclenché depuis 2002 : la priorité du chiffre et non la qualité de l'enseignement.

Il ne peut se résigner à voir appliquer un tel projet.

Il ne peut se résigner à voir ruinées les démarches accomplies ces dernières années par les élus locaux pour défendre et maintenir des zones d'éducation prioritaire, pour faire vivre leurs écoles, pour palier les désengagements de l'État.

Il ne peut également pas se résigner aussi à voir disparaître l'école en milieu rural. De quels enseignements pourront bénéficier nos enfants au regard des perspectives annoncées ? Ce projet affiche le souci de rentabilité sans se préoccuper de l'avenir d'une génération sacrifiée.

Il le remercie de bien vouloir lui donner sa vision de l'éducation. Comment justifier ces fermetures massives, et comment, demain pourra-t-on offrir des perspectives d'avenir aux jeunes dans l'Aude et en France en général dans cette situation.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la jeunesse et de la vie associative publiée le 15/06/2011

Réponse apportée en séance publique le 14/06/2011

M. Marcel Rainaud. Madame la secrétaire d'État, le projet de carte scolaire pour 2011-2012 présente une suppression massive de postes et soulève non seulement bon nombre d'interrogations, mais aussi de l'inquiétude.

Depuis maintenant plusieurs semaines, les associations de parents d'élèves et les enseignants nous alertent, mon collègue Roland Courteau et moi-même, sur l'avenir de certains établissements scolaires de l'Aude et sur la capacité de fonctionnement de ces derniers. Pas une seule semaine ne passe sans une mobilisation de parents d'élèves, une manifestation, une occupation d'école.

Notre département enregistre la fermeture de 23 postes d'enseignant, la suppression de 174 emplois de vie scolaire affectés à l'aide administrative ; les postes affectés à l'aide aux directeurs passent de 161 à 61. À terme, certains cours seront abandonnés : ainsi, à la prochaine rentrée scolaire, le lycée Jacques-Ruffié à Limoux perdra quatre heures de cours d'occitan sur six.

Le collège Joseph-Anglade de Lézignan-Corbières, le plus grand de la région Languedoc-Roussillon avec 1 100 élèves, devra, quant à lui, faire face à cet effectif en ayant, comme moyens humains, un poste en contrat unique d'insertion au lieu de sept précédemment, un surveillant pour 150 élèves, une seule infirmière scolaire, qui a en charge au total vingt-neuf communes, et, bien sûr, un seul médecin scolaire. Enfin, le poste d'aide laborantin est supprimé. Alors, quid des travaux pratiques de physique et de chimie ?

À Montredon, hameau de Carcassonne, les parents se mobilisent pour obtenir l'ouverture d'une classe maternelle supplémentaire, une vingtaine d'enfants ne pouvant actuellement être inscrits, faute de places.

Ce plan départemental est un nivellement par le bas inacceptable.

Les décisions du Gouvernement auront de lourdes conséquences, non seulement sur la sécurité de nos enfants – les effectifs augmentent alors que les moyens humains d'accompagnement pédagogique se réduisent comme peau de chagrin –, mais aussi sur la qualité de l'offre de formation.

Madame la secrétaire d'État, en raison du manque de moyens, les conditions de travail dans une classe en surnombre creuseront les inégalités scolaires, sociales et territoriales.

Comme moi, vous savez que l'enseignement dispensé à l'école tant préélémentaire qu'élémentaire est crucial pour l'acquisition du socle de connaissances garantissant l'avenir scolaire.

Or le plan en question contredit tous les objectifs de lutte contre l'échec scolaire. Il est la suite logique du processus enclenché depuis 2002 : la priorité du chiffre et non la qualité de l'enseignement.

Je ne peux me résigner à voir appliquer un tel projet. Je ne peux me résigner à voir ruiner les démarches accomplies par les élus locaux ces dernières années pour défendre et pour maintenir des zones d'éducation prioritaires, pour faire vivre les écoles, pour pallier les désengagements de l'État. Je ne peux me résigner, enfin, à voir disparaître petit à petit l'école en milieu rural.

Ce projet affiche un souci de rentabilité et aucune préoccupation de l'avenir d'une génération sacrifiée.

Quelle vision le Gouvernement a-t-il de l'avenir de nos enfants ? Quelle ambition nourrit-il pour ces derniers ? Dans de telles conditions, quelles perspectives pouvons-nous offrir aux jeunes Audois ?

Je vous remercie de bien vouloir m'indiquer si le Gouvernement est prêt à revenir sur cette politique et à s'engager concrètement pour le futur.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Luc Chatel, qui ne peut être présent aujourd'hui pour répondre à votre question relative à la carte scolaire dans votre département et, plus généralement, à l'avenir de l'éducation.

Alors que, comme vous le savez, la France va emprunter cette année 180 milliards d'euros sur les marchés, soit trois fois le budget de l'éducation nationale, le bon sens et la bonne gestion imposent de poursuivre l'œuvre d'assainissement des finances publiques.

Cette politique est néanmoins conduite avec discernement puisque, malgré la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, en 2011, le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative emploie 35 000 enseignants de plus qu'au début des années quatre-vingt-dix, alors que l'effectif des élèves enregistre une baisse de 540 000. Je le rappelle, l'éducation nationale recrutera cette année 17 000 personnes.

Rejoignant les préconisations du rapport de la Cour des comptes rendu au mois de mai 2010 et intitulé L'éducation nationale face à l'objectif de la réussite de tous les élèves, le ministère de l'éducation nationale a procédé, avec l'ensemble des recteurs d'académie, acteurs de terrain, à un large examen de l'utilisation des moyens d'enseignement mis à la disposition de ces derniers avec un double objectif : améliorer l'efficacité de ces moyens et la qualité de l'enseignement tout en prenant en compte la spécificité de chaque académie.

S'agissant plus particulièrement de la préparation de la rentrée 2011 dans votre académie, les éléments de politique générale qui ont prévalu lors de l'élaboration de la carte scolaire sont les suivants : la préservation de l'éducation prioritaire ; la préservation des zones rurales ; le rééquilibrage entre l'est et l'ouest du département, le taux d'encadrement sur Narbonne étant beaucoup plus faible que sur Carcassonne.

Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le sénateur, les effectifs sont stables dans votre département, voire en légère baisse. Selon les prévisions, 30 337 élèves seront scolarisés à la rentrée 2011, contre 30 355 élèves à la rentrée précédente.

Dans ce contexte, si l'inspection académique de l'Aude prévoit en effet vingt-trois mesures de retrait de poste, elle a également programmé l'ouverture de treize nouveaux postes.

Cette optimisation des moyens ne remettra pas en cause le nombre moyen d'élèves par classe. Se situant actuellement à 23,65 élèves, cette moyenne devrait atteindre à la prochaine rentrée 23,83 élèves.

M. Roland Courteau. Nous ne devons pas avoir les mêmes chiffres, madame la secrétaire d'État !

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. Quant au taux d'encadrement, il demeure relativement stable, puisque de 5,35 enseignants pour 100 élèves cette année, il passera à 5,32 à la rentrée 2011.

Pour ce qui concerne enfin les zones d'éducation prioritaires et les écoles en milieu rural, dans les deux cas, les services académiques souhaitent préserver, dans la mesure du possible, les classes rurales et d'éducation prioritaire.

M. Roland Courteau. Ce n'est plus la priorité du Gouvernement !

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. Dans les zones d'éducation prioritaires de votre académie, les suppressions de poste devraient se limiter à deux.

Monsieur le sénateur, il convient désormais de mettre en place une gestion responsable et moderne des moyens importants que consacre l'État à l'éducation – plus de 60 milliards d'euros –, afin de les concentrer là où ils sont le plus nécessaires.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rainaud.

M. Marcel Rainaud. Force est de le constater, madame la secrétaire d'État, la politique menée par le Gouvernement s'est éloignée des promesses faites.

Nous pouvons confirmer, comme le précise l'adage bien connu, que les promesses n'engagent que ceux qui y croient et pas ceux qui les font !

Le temps de la réduction des inégalités est révolu. L'égalité des chances est bien éloignée de vos préoccupations. La mise à mal de notre système éducatif par la réduction drastique des effectifs est la preuve de la fin des promesses d'égalité des chances. Nous sommes loin de la « révolution copernicienne » que vous vouliez : non seulement elle n'a pas eu lieu, mais, de surcroît, cela continue de ne pas tourner rond !

M. Roland Courteau. Très bien !

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