Question de M. de MONTESQUIOU Aymeri (Gers - RDSE) publiée le 04/05/2011

Question posée en séance publique le 03/05/2011

Concerne le thème : La France et l'évolution de la situation politique dans le monde arabe

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, tous ceux qui affirmaient leurs certitudes ont été totalement pris au dépourvu par le printemps arabe. Les contours du monde arabe sont connus, mais on perçoit mal son hétérogénéité sous son unité religieuse.

On ne peut comprendre cette réalité qu'à travers notre prisme laïc, sous peine d'une erreur certaine. Certains, parmi les Arabes, aspirent à un gouvernement laïc mais, dans le socle de leurs sociétés, la religion tient une place majeure.

Ayons à l'esprit que la force de la tradition est supérieure à celle de la loi, ce qui est contraire à l'esprit démocratique. Cependant, gardons-nous de toute arrogance en supposant que ces pays ne sont pas encore mûrs pour la démocratie. Leur concept est certes encore très éloigné de nos critères, mais, soyons-en sûrs, il évoluera.

Des élections vont se dérouler dans de nombreux pays arabes. Si les fondamentalistes musulmans l'emportent, reconnaîtrons-nous les résultats ?

Pour atteindre l'objectif que nous recherchons, l'Union pour la Méditerranée, avec sa rive arabe, concrétise une tentative intéressante et audacieuse, mais elle est encore plus un espoir qu'une réalité.

Monsieur le ministre d'État, quel est votre calendrier pour mener à bien cette entreprise ? La Ligue arabe peut-elle devenir un partenaire privilégié ?

Une des difficultés majeures réside dans les tensions entre Israël et ses voisins, en particulier la Syrie. Toléré par certains gouvernements, Israël n'a pas été accepté par leurs peuples, dans leur quasi-unanimité.

Pourquoi ? Sans doute pour des motifs historiques et religieux, mais aussi à cause de la violence terrible exercée par les Israéliens à l'encontre des Palestiniens depuis la genèse de leur pays. L'existence d'Israël est un fait et elle doit être protégée. Le pays doit voir sa sécurité garantie, mais on ne peut tolérer de sa part ce que la communauté internationale interdit aux autres.

Les résolutions des Nations unies doivent être appliquées. Le monde arabe ressent comme profondément révoltante cette justice internationale à géométrie variable.

La France est-elle prête à soumettre au vote des Nations unies la reconnaissance d'un État palestinien dans ses frontières de 1967, étape indispensable vers la paix ? Si Israël ne cédait pas à cette décision de la communauté internationale, envisagerions-nous des sanctions ?

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Réponse du Ministère des affaires étrangères et européennes publiée le 04/05/2011

Réponse apportée en séance publique le 03/05/2011

M. Alain Juppé, ministre d'État. Monsieur le sénateur, je ne suis pas persuadé de pouvoir, en deux minutes, répondre à autant de questions pertinentes.

Les événements qui se déroulent au sud de la méditerranée, ce qu'il est convenu d'appeler le « printemps arabe » – que nous n'avions peut-être pas pressenti – est une chance formidable. Il ne faut pas avoir peur lorsqu'on voit des peuples se lever pour la liberté, pour la démocratie, pour les droits de l'homme, pour les droits de la femme. Face à de tels mouvements, nous devons nous engager sans hésitation parce que c'est une façon de retrouver, avec tous ces peuples, une communauté de valeurs.

Ce principe étant posé, nous nous efforçons d'être cohérents, d'éviter qu'il y ait deux poids et deux mesures. D'aucuns prétendent que nous serions indulgents avec la Syrie : ce n'est pas exact !

Nous avons pris une position très claire et très ferme en condamnant, sans hésitation d'aucune sorte, l'utilisation de la violence par le régime syrien contre sa population. Mais force est de constater, et c'est une différence majeure avec la situation qui prévalait en Libye, qu'il n'y a pas aujourd'hui de consensus sur la Syrie au Conseil de sécurité. De grandes puissances, la Russie ou la Chine, menacent de faire usage de leur droit de veto. Et il n'y a même pas de majorité sur le délai de neuf mois pour trouver un accord sur une résolution. Nous continuons donc à travailler.

Ensuite, nous devons rester ouverts au dialogue. Comme je l'ai dit, et cela en a surpris certains, il faut parler avec les islamistes, ou les islamiques, qui récusent la violence et qui s'engagent dans un processus démocratique.

Par ailleurs, et c'est essentiel, si nous voulons que la transition politique réussisse dans des pays comme l'Égypte ou la Tunisie, nous devons faire un effort massif pour les aider sur le plan économique. Si la crise se déclenche, et la menace est réelle du fait des contraintes que subissent ces pays, il y a fort à parier que le processus politique sera fragilisé. C'est pourquoi nous avons invité l'Égypte et la Tunisie à assister au sommet du G 8 qui se tiendra à la fin du mois de mai, à Deauville. Il faut mobiliser les grandes puissances, mais aussi, vous l'avez rappelé, relancer l'Union pour la méditerranée.

Enfin s'agissant d'Israël et de la Palestine, je n'anticiperai pas sur les décisions que nous prendrons au mois de septembre prochain. Je peux simplement vous dire que, pour nous, le statu quo n'est pas possible. Il nous faut donc user de tous nos moyens d'action pour que le dialogue reprenne entre Israéliens et Palestiniens.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour la réplique.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre d'État, vos réponses me satisfont pleinement. Je partage votre optimisme quant à l'avenir du monde arabe. Il faut aider ces peuples sur le plan économique, avoir confiance en eux, ne serait-ce que pour que les femmes retrouvent leur dignité.

Quant à Israël, il faut admettre que ses relations avec la Palestine sont une source importante de conflit. Il faut garantir la sécurité d'Israël, mais il faut aussi demander à ce pays de respecter la loi internationale.

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