Question de M. LE SCOUARNEC Michel (Morbihan - CRC) publiée le 29/03/2012

M. Michel Le Scouarnec attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur la réforme de la politique commune des pêches, PCP.

Née officiellement en 1983, l'Europe bleue devrait connaître en 2012 sa troisième réforme après celles de 1992 et de 2002, toutes visant à trouver un équilibre durable entre ressources et captures. Cet équilibre n'a toujours pas été trouvé. Pour remédier à cet échec, la Commission européenne vient de présenter ses orientations pour la future PCP. Personne ne conteste le caractère pertinent des objectifs définis par la Commission mais les mesures envisagées pour y parvenir, suscitent, quant à elles, des inquiétudes légitimes.

En effet, sur le plan économique, le projet de quotas individuels transférables (QIT) autoriserait les propriétaires de bateaux à vendre leurs quotas, c'est-à-dire leur droit à pêcher. Cette mesure s'apparente à une financiarisation du secteur en spéculant sur la commercialisation de ces droits. Les risques seraient multiples entre la concentration de la pêcherie entre les mains de grosses sociétés ou une déstructuration des pêches locales et artisanales. Sur le plan environnemental, le projet de « zéro rejet », soit l'interdiction de tout rejet de poissons en mer pose quelques interrogations sur la gestion des ressources et notamment des espèces non commercialisables. De plus, le poisson non rejeté serait comptabilisé et déduit du quota de pêche obligeant les pêcheurs à le transformer en farine au profit de la pisciculture. Or, ce mode de production de farine de poisson est le moins sélectif et le plus nocif pour les ressources, à l'inverse des objectifs poursuivis par la PCP. Sur le plan humain, la PCP proposerait aux pêcheurs des aides à l'installation soumises à un investissement dans une autre activité professionnelle. Une telle mesure apparaît aberrante et reviendrait à signaler aux pêcheurs que leur activité n'est pas suffisante ou est considérée comme secondaire ou peu viable. Enfin, la PCP s'accompagnerait d'une diminution des aides pour le renouvellement de la flotte. Pourtant, cette dernière est vieillissante avec plus de 27 ans en moyenne en Europe et elle n'est surtout plus adaptée aux nouvelles technologies moins énergivores.

Notre pays compte 23 000 pêcheurs, (soit deux fois moins qu'il y a trente ans) dont près de la moitié relève de la pêche artisanale et la part de la France dans les prises mondiales de poisson représente 1 % des 6 % au total à l'échelle européenne. Ainsi dans le Morbihan, Lorient est le deuxième port de pêche en tonnage de poisson débarqué et le premier en valeur ajoutée. Il faut encore rappeler l'importance des emplois directs et induits sur les littoraux les plus périphériques.

C'est pourquoi, compte tenu de la prévalence de l'activité de pêcherie dans notre économie et plus particulièrement pour les départements côtiers, il lui demande de préciser les propositions de la PCP qui en l'état signerait la fin de la pêche française. Il souhaiterait également connaître les mesures qu'il compte prendre suite à ses engagements pris lors des assises de la pêche.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire publiée le 17/05/2012

L'attention du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire est appelée sur les propositions de la Commission européenne concernant la réforme de la politique commune de la pêche (PCP) et sur les conséquences de certaines mesures proposées sur la pêche française. La proposition de la Commission en l'état ne correspond pas aux positions développées par la France dans son « mémorandum » élaboré à l'issue d'un processus collégial regroupant l'ensemble des parties prenantes (ONG, professionnels, élus, scientifiques, administrations) dans le cadre des « assises de la pêche » à l'automne 2009. La France a d'ores et déjà exprimé, au sein du conseil des ministres de l'Union européenne (UE), ses profondes réserves sur plusieurs points stratégiques non acceptables, notamment l'atteinte du rendement maximal durable (RMD) pour tous les stocks de l'UE dès 2015, la mise en place obligatoire de concessions de pêche transférables, l'interdiction drastique de tous les rejets ou l'arrêt des aides à la sortie de flotte des navires. Si la France soutient la méthode de gestion fondée sur l'atteinte du rendement maximal durable (RMD), la fixation d'une date unique et obligatoire pour l'ensemble des stocks en 2015 n'est ni réaliste, ni conforme aux engagements internationaux pris par l'UE. La France privilégie une approche par pêcherie où les objectifs d'atteinte du RMD seraient fixés pour chaque stock dans le cadre des plans pluriannuels, en tenant compte de l'impact socio économique et des interactions entre espèces et conformément aux engagements de l'UE, à savoir en 2015 chaque fois que possible et au plus tard en 2020. Si l'individualisation des droits pour les stocks soumis à un régime de TAC et quotas constitue un outil de responsabilisation des pêcheurs, le caractère transférable de ces droits fait peser des risques importants de spéculation et de concentration de la ressource halieutique qui, pour la France, constitue un bien public non privatisable. La France demeure particulièrement attachée au maintien d'une gestion collective des droits de pêche. Une réduction significative et progressive des rejets est souhaitable, mais une interdiction généralisée n'est pas réaliste. Seule une approche graduelle et adaptée à chacune des pêcheries peut permettre de mettre en œuvre une politique pragmatique et réaliste de réduction des rejets. Enfin, la France est attachée au maintien d'un instrument financier fort pour accompagner le développement durable du secteur de la pêche et de l'aquaculture, sans réduction de crédits. Il est essentiel de maintenir des mesures d'aides à l'ajustement des capacités de la flotte. Le futur fonds doit également soutenir la modernisation des navires, à capacité de pêche constante, car la flotte française est vieillissante et inadaptée aux défis environnementaux et économiques. Ces points figurent parmi des priorités de négociations pour la France dans le cadre des négociations en cours sur la proposition de règlement de base de la PCP.

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