Question de M. LAURENT Daniel (Charente-Maritime - UMP) publiée le 05/07/2012

M. Daniel Laurent attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur diverses préoccupations rencontrées par le secteur vitivinicole et la région délimitée Cognac. Ces questions portent sur la libéralisation des droits à plantation, l'harmonisation de la fiscalité des alcools, l'exemption de la taxe foncière sur les bâtiments affectés aux activités de présentation, de dégustation et de commercialisation des vins à la propriété, tout comme les bâtiments servant à la distillation des vins en vue d'élaborer des eaux-de-vie de vin, les provisions pour hausse des prix pour les eaux-de-vie de Cognac, ainsi que sur les délais de paiement du secteur vitivinicole. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire part de ses observations et des intentions du Gouvernement en la matière.

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Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 18/07/2012

Réponse apportée en séance publique le 17/07/2012

M. Daniel Laurent. Ma question porte sur cinq problèmes récurrents rencontrés par le secteur viticole.

Le premier point que je souhaite aborder est la libéralisation des droits de plantation, sujet qui a tout particulièrement mobilisé le Sénat à l'occasion de la proposition de résolution sur le régime des droits de plantation de vigne présentée par nos collègues Gérard César et Simon Sutour en février 2011, proposition que j'ai soutenue.

Le règlement européen prévoit la suppression des droits de plantation à compter de 2015, avec une possible prorogation pour les États membres qui le souhaiteraient jusqu'en 2018.

La France a toujours rappelé son attachement à la régulation des marchés agricoles et affirmé son opposition à la suppression des droits de plantation.

Les instruments de régulation sont importants pour les filières agricoles et doivent permettre d'assurer aux agriculteurs un revenu décent et stable. C'est d'ailleurs l'objet d'un engagement franco-allemand signé en 2010, plaçant la régulation des marchés agricoles au cœur des négociations pour la future politique agricole commune.

La filière cognac souhaite pour sa part la mise en place d'un système applicable à tous les vins et géré au niveau de l'interprofession.

Mon deuxième point concerne la réflexion menée par nos partenaires européens sur l'harmonisation de la fiscalité des alcools. Il est nécessaire de mettre en place une vaste discussion entre toutes les parties prenantes, des producteurs aux acteurs de la santé publique, afin de procéder à une refonte globale de la fiscalité sur les boissons alcoolisées.

Le troisième point de mon intervention porte sur les conditions d'exonération de la taxe foncière sur le bâti dans le secteur viticole, conditions sur lesquelles m'ont alerté des viticulteurs de mon département.

Les services des impôts fonciers ont notifié aux viticulteurs contrôlés l'assujettissement à la taxe foncière des bâtiments affectés aux activités de présentation, de dégustation et de commercialisation des vins à la propriété, tout comme les bâtiments servant à la distillation des vins en vue d'élaborer des eaux-de-vie de vin, alors même que cette activité de transformation se situe dans le prolongement de l'activité de production.

Les viticulteurs contestent cette interprétation de la législation fiscale. Ils estiment que l'exemption de la taxe foncière aux bâtiments abritant les locaux de présentation, de dégustation et de commercialisation des vins à la propriété est justifiée, car elle s'inscrit dans le prolongement de l'activité de vigneron.

Monsieur le ministre, quelle réponse pouvez-vous leur apporter ?

Mon quatrième point a trait à la problématique de la constitution de provisions pour hausse des prix par les négociants de cognac. La législation en vigueur s'applique aux entreprises de cognac, qui sont exposées aux fluctuations permanentes des cours des matières premières.

Or, en pratique, la constitution des provisions pour hausses des prix sur les eaux-de-vie de cognac connaît de grandes difficultés de mise en œuvre. En effet, l'administration fiscale considère que des cognacs, même d'âges distincts, constituent un produit unique pour l'application du régime des provisions pour hausses des prix. Les professionnels de la région délimitée cognac estiment que cette règle est erronée, car il existe autant d'eaux-de-vie de cognac que de comptes d'âge et de crus.

Ainsi, en raison de l'importance du dispositif des provisions pour hausses des prix pour le produit cognac, et face à l'insécurité fiscale dans laquelle se trouvent les entreprises, les professionnels attendent de l'administration fiscale de pouvoir déterminer les modalités pratiques de calcul des provisions pour hausses des prix, par cru et par compte d'âge, à partir des dispositions posées par l'article 10 nonies de l'annexe 3 du code général des impôts.

Mon cinquième et dernier point concerne les délais de paiement du secteur vitivinicole. Les professionnels du secteur des eaux-de-vie, qui se sont engagés dans une démarche interprofessionnelle impliquant toute la filière, souhaiteraient être soumis au droit commun en matière de délais de paiement, quel que soit le produit.

La réglementation actuelle, en application des dispositions du 3° de l'article L. 443-1 du code du commerce, précise que les délais de paiement applicables aux boissons alcooliques passibles des droits de consommation doivent être inférieurs à trente jours après la fin du mois de livraison.

Dans la note d'information de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes n° 2010-18 du 26 février 2010 sur les produits alimentaires visés par l'article L. 443-1 du code du commerce, il est précisé que, pour les boissons alcooliques, « les deux délais qui suivent ne s'appliquent qu'aux boissons destinées à la consommation humaine, à l'exclusion de celles destinées à être transformées » et qu'ainsi « les entreprises qui achètent en suspension de droit sont soumises aux délais légaux ».

Pouvez-vous, monsieur le ministre, m'éclairer sur l'application des délais de paiement ? Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien apporter aux professionnels du secteur viticole sur l'ensemble de ces points.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, je vais tâcher de répondre à cette série de questions.

En premier lieu, vous avez exprimé votre inquiétude au sujet de la libéralisation des droits de plantation.

Sachez que mon collègue Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, et moi-même partageons totalement vos préoccupations.

Le Gouvernement est pourtant convaincu de la nécessité de disposer de moyens de réguler le potentiel foncier viticole, indispensables pour garantir la santé de ce secteur économique, fortement exportateur et dont la France est légitimement fière. C'est pourquoi notre pays affirme avec force et détermination depuis plus de trois ans son opposition - je le redis ici - à une telle dérégulation du secteur vitivinicole.

Dans le cadre du Groupe à haut niveau sur le vin, présidé par le commissaire européen à l'agriculture et au développement rural, la France a exprimé le souhait de maintenir une fiscalité spécifique pour les produits du secteur vitivinicole. À ce jour, aucune suite n'a été donnée à cette première réunion, et il n'existe aucun calendrier de refonte globale de la fiscalité alcoolique aujourd'hui.

Sachez toutefois, monsieur le sénateur, et je le dis à l'ensemble des sénateurs concernés par cette problématique, que le Gouvernement restera très attentif, vous pouvez le croire, à toute reprise éventuelle de ces travaux.

En deuxième lieu, le Gouvernement partage votre préoccupation quant à l'harmonisation à l'échelon européen de la fiscalité sur les boissons alcooliques, qui est une nécessité. Il s'agit, pour l'ensemble des États membres, de respecter un taux minimum. Mais je voudrais que vous ayez conscience de l'extrême difficulté de la négociation communautaire sur les taux : en l'absence d'unanimité entre les États membres, toutes les tentatives de la Commission européenne pour rehausser les taux minimums communautaires ont jusqu'à présent échoué.

Vous pouvez croire, là aussi, en la détermination du Gouvernement, en particulier du ministre de l'agriculture, pour faire évoluer les positions de nos partenaires européens sur le sujet.

En troisième lieu, je vous confirme que l'exonération de taxe foncière pour les bâtiments ruraux affectés à un usage agricole n'intègre pas les activités de commercialisation. Cela s'explique par la volonté de maintenir des conditions équitables de concurrence entre les vignerons et les autres acteurs de la commercialisation du vin.

En quatrième lieu - c'est un point très précis que vous avez soulevé -, je vous confirme que, pour la détermination de la provision pour hausse des prix, les catégories dans lesquelles les eaux-de-vie de cognac sont classées, selon leur cru et leur âge, doivent être considérées comme des produits distincts.

Enfin, vous avez bien voulu appeler mon attention sur les préoccupations des professionnels du cognac relatives aux délais de paiement des transactions sur les eaux-de-vie de cognac.

Les éléments d'information recueillis sur le niveau des ventes ne font pas apparaître de difficultés particulières des entreprises sur le plan économique. Au contraire, le site du bureau national interprofessionnel du cognac met en évidence le fait que les expéditions de cognac demeurent à un niveau élevé, avec un taux d'augmentation de 4,6 % entre juin 2011 et mai 2012. Je m'en réjouis, mais, étant donné la situation économique positive du secteur, et même si nous avions jusque-là beaucoup de points d'accord, monsieur le sénateur, j'en tire la conclusion qu'il n'apparaît pas justifié de réserver, à ce stade, une suite favorable à la demande des professionnels du secteur.

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses, qui sont positives, sauf la dernière. Le cognac, c'est vrai, connaît actuellement un niveau d'expéditions record. C'est une bonne chose pour la région. Sur ce point, je suis parfaitement d'accord avec vous. Toutefois, cela se fait malgré les difficultés rencontrées sur le terrain par les commerçants.

Les questions que je viens de soulever sont récurrentes, mais elles sont tellement importantes pour notre viticulture. Je vous remercie donc à nouveau de votre réponse concise et de votre soutien.

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