Question de M. MÉZARD Jacques (Cantal - RDSE) publiée le 19/07/2012

M. Jacques Mézard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences, sur la procédure de contestation des contraventions routières, de deux décisions du 8 mars 2012 de la Cour européenne des droits de l'homme tendant à condamner la France, sur le fondement de l'article 6 §1 de la Convention, pour l'iniquité de ladite procédure.

Il lui rappelle que conformément aux dispositions des articles 529-10 et R. 49-14 du code de procédure pénale, l'amende forfaitaire due en cas de verbalisation de certaines contraventions routières, dont le montant est minoré en cas de liquidation dans les quinze jours et majoré en cas de non-paiement, est accompagnée d'un formulaire de « requête en contestation ». Or, en cas de contestation, le requérant doit impérativement consigner le montant de l'amende. La validité formelle de la requête est alors examinée par l'officier du ministère public (OMP). En cas de rejet de celle-ci, la consignation se transforme automatiquement en paiement de l'amende.

Mais comme l'ont déjà dénoncé à de multiples reprises le Médiateur de la République hier, et le Défenseur des droits aujourd'hui, l'OMP statue souvent sur le fond pour rejeter des demandes recevables en la forme et outrepasse de la sorte ses pouvoirs. C'est cette procédure dérogatoire au droit commun, qui peut aboutir à une condamnation sans qu'un tribunal, au sens de la Convention, ait examiné le fondement de l'accusation et entendu les arguments de la personne poursuivie, qui a justifié la condamnation de la France. En conséquence, il souhaite savoir de quelle façon le Gouvernement entend remédier dans les meilleurs délais à cette question.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 20/12/2012

Les dispositions des articles 529 à 530-1 du code de procédure pénale garantissent aux auteurs de contraventions au code de la route le droit à un recours effectif devant une juridiction. Aux termes de l'article 530-1, l'officier du ministère public près le tribunal de proximité doit, lorsqu'il est saisi d'une requête en exonération ou d'une réclamation, soit renoncer à l'exercice des poursuites, soit saisir la juridiction de jugement, soit informer l'intéressé de l'irrecevabilité de sa réclamation non motivée ou non accompagnée de l'avis de contravention. Dans la pratique, il est exact que certains officiers du ministère public ont pu excéder leurs prérogatives et apprécient la pertinence des motifs de contestation invoqués par le contrevenant pour rejeter cette contestation. Le 7 mars 2006, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme à raison d'une telle erreur de droit (CEDH, 7 mars 2006, Besseau contre France). Une circulaire relative à la politique pénale en matière de contrôle automatisé de la vitesse a été adressée aux procureurs généraux et aux procureurs de la République le 7 avril 2006 (CRIM 06-8/E1-07.04.2006-n° NOR : JUS. D.06-30049 C). Plusieurs développements de cette circulaire rappellent l'étendue exacte des pouvoirs des officiers du ministère public et donnent pour instruction de se conformer strictement aux dispositions de l'article 530-1 du code de procédure pénale. En outre, à la suite des trois arrêts rendus le 8 mars 2012 par la Cour européenne des droits de l'Homme en matière de contestation d'amendes forfaitaires, la Chancellerie a rappelé aux procureurs généraux, dans une dépêche du 15 mars 2012, qu'ils doivent veiller à ce que des instructions soient adressées par les procureurs de la République pour que les officiers du ministère public avisent systématiquement le contrevenant de toute décision d'irrecevabilité relativement à une requête en exonération qu'il aurait formulée. En outre, en application des décisions rendues, il est exposé que dans le cas d'une amende forfaitaire non majorée, les officiers du ministère public ne doivent pas déclarer irrecevable une requête nécessitant une consignation, hormis le cas où il apparaît qu'il s'agit d'une demande de clémence. Si le requérant conteste au contraire avoir commis les faits, la requête ne pourra en aucun cas être déclarée irrecevable au motif d'un défaut de motivation au sens de l'article 530-1 du code de procédure pénale. Une motivation spécifique, conditionnant la recevabilité, ne s'imposera donc que dans les cas où la personne reconnaîtra la matérialité des faits. Ainsi, conformément aux décisions rendues par la Cour européenne des droits de l'homme, la personne contestant les faits aura toujours un droit d'accès au juge. Un vide juridique existe cependant quant au droit de recours effectif à l'encontre d'une décision d'irrecevabilité portant sur une amende forfaitaire non majorée. La Chancellerie a élaboré un projet de décret pour compléter l'article R. 49-18 du code de procédure pénale afin de préciser les modalités selon lesquelles l'officier du ministère public doit aviser le contrevenant de l'irrecevabilité d'une requête ou d'une réclamation en application de l'article 530-1 du ce même code, afin de prendre en compte à la fois la décision QPC du Conseil constitutionnel du 29 septembre 2010 et les condamnations de la France par la CEDH, qui impliquent la possibilité pour la personne qui conteste les faits de pouvoir faire examiner son dossier par la juridiction. Après consultations interministérielles, ce texte sera transmis prochainement au Conseil d'État.

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