Question de M. BAS Philippe (Manche - UMP) publiée le 02/08/2012

M. Philippe Bas appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur les obligations réglementaires des navires de pêche professionnelle, et plus particulièrement sur la visite annuelle de sécurité.

Lors de cette visite, les inspecteurs de navigation vérifient le « franc-bord », qui comprend la hauteur pont/ligne de flottaison, la vérification de toutes les ouvertures et la hauteur des portes.

Le décret n° 2012-161 du 30 janvier 2012 modifiant le décret n° 84-810 du 30 août 1984 relatif à la sauvegarde de la vie humaine en mer, à l'habitabilité à bord des navires et à la prévention de la pollution, prévoit que les contrôles de sécurité des bateaux seront désormais réalisés par des sociétés de classification habilitées par le ministre chargé de la mer. Cette disposition, qui impose donc aux patrons-pêcheurs de faire appel à des sociétés privées au lieu et place de l'administration maritime, engendre un surcoût financier supplémentaire pour les pêcheurs et la perte d'une journée de pêche.

Les pêcheurs font un métier difficile et ils doivent être soutenus. La sécurité est une mission régalienne de l'État et il demande au Gouvernement s'il compte abroger ce décret.

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Réponse du Ministère chargé des transports, de la mer et de la pêche publiée le 30/01/2013

Réponse apportée en séance publique le 29/01/2013

M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger à nouveau sur la question de la visite annuelle de sécurité sur les bateaux de pêche. Nous en avons déjà débattu, une première fois lors d'une rencontre à votre cabinet, le 10 juillet dernier, à laquelle participait M. Jean Bizet, puis à l'occasion du débat que nous avons eu au Sénat sur la politique européenne de la pêche.

Cette visite annuelle de sécurité est indispensable et personne n'en conteste le principe. Cependant, un décret du 30 janvier 2012 a disposé qu'elle serait effectuée non plus par l'administration maritime, mais par des sociétés privées agréées par votre ministère. Or ces sociétés privées se font naturellement rémunérer et le coût de leur prestation est assez élevé : il représente, pour beaucoup d'artisans pêcheurs, le produit d'une journée de pêche !

Je forme le souhait, relayant en cela l'attente profonde des pêcheurs, qui sont confrontés, vous le savez, à de grandes difficultés économiques, que ce décret soit abrogé. Vous m'avez déjà objecté qu'il avait été pris par l'ancien gouvernement ; cela ne m'avait pas échappé, monsieur le ministre ! (Sourires.) Vous savez fort bien défaire ce que l'ancien gouvernement a fait lorsque cela vous semble nécessaire. En l'occurrence, j'estime pour ma part que tel est le cas, et j'attends de vous que vous sachiez améliorer ce que vos prédécesseurs ont pu faire.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Les obligations réglementaires des navires de pêche en matière de visites de sécurité revêtent un caractère particulièrement important. Vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, j'avais demandé à mon cabinet de vous recevoir, l'été dernier, avec votre collègue Jean Bizet et le président du Comité local des pêches maritimes, M. André Piraud, pour échanger sur ce sujet.

La réglementation a récemment évolué et, depuis octobre 2012, les visites périodiques de sécurité intègrent une évaluation du risque qui permet d'adapter, de la façon la plus pertinente possible, la durée du permis de navigation. Ce dispositif permet de concentrer les efforts de contrôle sur les navires les plus vulnérables ou sur ceux en ayant le plus besoin.

Des opérations de police en mer sont menées en parallèle afin de compléter ce dispositif de contrôle de sécurité des navires.

Enfin, des contrôles de la coque des navires, appelés communément visites de franc-bord, sont régulièrement réalisées, soit par des sociétés de classification, soit par les centres de sécurité des navires.

Je m'en suis assuré, l'ensemble de ces dispositions permet à la France de répondre à ses obligations aussi bien internationales que communautaires, tout en proposant aux administrés un niveau élevé de contrôle de la sécurité des navires.

Une mission d'évaluation de la Cour des comptes, qui a fait grand bruit, a été conduite entre octobre 2010 et avril 2012, période pendant laquelle les services du ministère étaient en train de mener un lourd travail de transposition du troisième paquet « Erika III » de mesures législatives en matière de sécurité maritime.

La France a ainsi montré qu'elle était résolue à faire face aux enjeux en termes de sauvegarde de la vie humaine en mer. Les services du ministère chargés de la sécurité maritime sont pleinement impliqués dans la réalisation des objectifs fixés dans ce domaine.

La sécurité maritime et, plus précisément, la sécurité des navires est une mission fondamentale dont l'État souhaite conserver la maîtrise, en assumant pleinement ses responsabilités d'État du pavillon. Aujourd'hui, la France est un des rares pays européens à avoir conservé cette compétence de contrôle du pavillon sans avoir recours systématiquement à la délégation aux sociétés de classification.

La persévérance des services chargés du contrôle de la sécurité des navires nous place dans le peloton de tête des pays à vocation maritime. La réalité des chiffres en témoigne : le nombre de vies humaines perdues par accident ou événement de mer est en diminution constante sur les navires professionnels battant pavillon français - vingt-quatre décès ont été enregistrés en 2009, neuf en 2011 -, le classement du pavillon français dans le mémorandum de Paris est excellent, puisqu'il se situe parmi les cinq premiers de la liste « blanche ».

Pour conclure, je souhaite insister sur la nécessité de disposer d'une administration maritime puissante. Il importe que nous respections nos engagements internationaux, ce qui n'était pas le cas avant que soit pris le décret de janvier 2012.

Nous devons en outre pouvoir concentrer l'action des services de l'État sur les navires les plus vulnérables, ceux de moins de douze mètres, par exemple, et redéployer les moyens de l'administration maritime.

Je suis sensible à votre remarque sur l'importance des missions régaliennes de l'État, monsieur le sénateur. J'attache le plus grand prix à ce qu'il n'y ait pas d'abandon dans ce domaine, comme on peut en constater dans d'autres pays, y compris pour le contrôle des sociétés de classification. Notre pays doit assumer sa légitime ambition maritime.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.

M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse. Il y a un point sur lequel nous sommes évidemment d'accord : la sécurité de nos navires, en particulier de nos bateaux de pêche, est un élément fondamental. Nous ne pouvons pas baisser la garde dans ce domaine.

Le rappel assez long que vous venez de faire sur les dispositions prises en la matière, y compris au travers de ce décret de janvier 2012, est certes utile, mais vous conviendrez qu'il ne répond pas à la question précise que je vous posais : oui ou non, allons-nous pouvoir rétablir un contrôle directement exercé par l'administration maritime, et non pas délégué à ces sociétés de classification dont les prestations sont coûteuses pour nos artisans pêcheurs ? Ceux-ci supportent des charges élevées et ont un revenu limité.

Je transmettrai bien évidemment votre réponse aux artisans pêcheurs, mais je peux vous dire à l'avance qu'elle ne règle pas le problème très précis que j'évoquais.

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