Question de M. de MONTESQUIOU Aymeri (Gers - UCR) publiée le 02/08/2012

M. Aymeri de Montesquiou attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur les inquiétudes de la ville de Lectoure concernant la délocalisation de la base de produits frais Intermarché vers Montbartier dans le Tarn-et-Garonne, soit 73 km plus loin.

Employant 313 salariés, cette entreprise rentable livre plus de 140 points de vente sur six départements, distribuant 25 millions de colis chaque année. Il y a vingt ans, la ville de Lectoure a pu accueillir cette base grâce à de nombreux financements publics et les habitants n'ont pas fini de payer les annuités de l'emprunt. Il s'étonne du fait que le maire n'a pas été consulté dans la prise de décision de ce déménagement qui se traduirait par une perte économique très lourde pour sa ville et la communauté de communes de la Lomagne gersoise, sans parler de la destruction de plus de 300 emplois pour une population de 3 000 habitants.

Il lui demande de bien vouloir préciser quelles mesures le Gouvernement compte prendre, s'étant engagé à lutter contre les délocalisations et en faveur de la ruralité.

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Réponse du Ministère du redressement productif publiée le 03/10/2012

Réponse apportée en séance publique le 02/10/2012

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, je suis très heureux que vous répondiez en personne à ma question, car vous êtes très directement concerné par ce dossier.

Intermarché a décidé, sans dialogue social, de délocaliser sa base de Lectoure dans le Gers et ses 315 salariés vers Montbartier dans le Tarn-et-Garonne, alors que celle-ci est bénéficiaire.

De plus, Intermarché avait reçu lors de son implantation des subventions de l'État, de la région, du département du Gers et de la ville de Lectoure. Tout cet argent public sera-t-il donc gaspillé ?

Dans ce contexte, chacun se remémore vos engagements contre les délocalisations et en faveur de la ruralité.

Lectoure en est le symbole. Les 315 salariés concernés représentent le dixième de la population de la ville. Pouvez-vous accepter le désastre que cette délocalisation représenterait pour tout le canton, pour son économie, pour ses écoles, pour les salariés qui se sont endettés afin de bâtir et qui auront beaucoup de difficultés à retrouver un emploi ? Non, vous ne le pouvez pas, car c'est inacceptable !

Cette délocalisation, totalement injustifiée économiquement, entraînera une catastrophe sociale. Elle va à l'encontre de la justice sociale proclamée par le Gouvernement.

Intermarché donnerait le choix à ses salariés : soit ils démissionnent, soit ils font 150 kilomètres chaque jour. Pour des employés payés au SMIC, cela représenterait, selon le barème fiscal de 0,36 euro par kilomètre, plus de 10 000 euros par an : c'est irréaliste et inacceptable !

C'est inacceptable parce que les salariés seraient, de plus, embauchés dans une nouvelle structure, ce qui s'accompagnera pour eux d'une perte d'ancienneté. C'est contraire à la loi, plus précisément à l'article L. 122-12 du code du travail.

C'est inacceptable, car la région, qui a participé au financement de la zone industrielle accueillant cette nouvelle implantation, précise « qu'elle ne peut bénéficier d'aucune aide sauf accord entre la commune de départ et la commune d'implantation » ; il n'y pas d'accord !

Monsieur Montebourg, un ministre de ce gouvernement va-t-il laisser faire une délocalisation contraire à la loi et à la morale sociale, toutes deux ni de droite ni de gauche ?

Dimanche encore, vous affirmiez : « Je suis aux côtés de ceux qui ont peur de perdre leur emploi. » Allez-vous laisser passer l'opportunité, monsieur le ministre, de mettre vos actes en accord avec vos déclarations ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, du ton que vous y avez mis et de votre engagement en faveur du département du Gers, particulièrement de la belle ville de Lectoure.

Le ministère du redressement productif a été informé du projet de délocalisation de la base de produits frais Intermarché du Gers vers Montbartier dans le Tarn-et-Garonne par le maire de Lectoure, qui a été reçu par mon cabinet le 12 juin dernier.

Les dirigeants d'Intermarché, plus particulièrement le directeur de la logistique, ont également été reçus conjointement par mon cabinet et par celui du ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme le 9 juillet dernier, en présence du président du conseil général du Gers.

Il s'agissait d'obtenir d'Intermarché, qui avait effectivement été aidé dans son implantation en 1993 par les collectivités locales, des explications sur un projet qui menace près de 300 emplois directs et indirects, ce qui est beaucoup par rapport à la population de la commune.

Le groupe Intermarché a expliqué son choix par la recherche d'une implantation optimale des plates-formes logistiques dictée par la recherche d'une réduction du nombre de kilomètres parcourus pour assurer l'approvisionnement de ses magasins, dont les implantations se sont, elles-mêmes, fortement diversifiées depuis vingt ans. Telle est la position du groupe Intermarché.

En outre, Intermarché souhaite promouvoir des bases multi-activités pour optimiser ses livraisons. Le groupe souligne l'éloignement de Lectoure du principal réseau autoroutier. Intermarché, déterminé à faire aboutir son projet, a également indiqué souhaiter anticiper les conséquences de sa décision pour les salariés de Lectoure comme pour le bassin d'emploi. Son projet - toujours d'après le groupe - ne trouverait sa concrétisation qu'à échéance de trois ans.

Le ministère du redressement productif a exprimé son désaccord à l'égard d'Intermarché et a souligné l'extrême gravité pour le bassin d'emploi de Lectoure de la décision prise par le groupe. Il a rappelé l'entreprise à ses responsabilités vis-à-vis des salariés comme des collectivités locales qui l'ont accompagné dans son implantation.

Par ailleurs, nous avons rappelé que les textes en vigueur prévoyaient le remboursement des aides publiques en cas de délocalisation, même à 75 kilomètres du lieu.

Le ministère a demandé à Intermarché de reconsidérer le projet compte tenu de ses conséquences économiques et sociales pour Lectoure.

En tout état de cause, il n'est pas possible qu'Intermarché, dans le délai de trois années, se sépare de Lectoure sans encourir de sanctions. Si le groupe persistait dans son projet, nous lui demanderions des réparations pour le préjudice subi.

Monsieur le sénateur, je puis vous assurer que nous aurons l'occasion de reparler de ce projet de délocalisation, que le Gouvernement désapprouve.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, j'ai été, dans un premier temps, abasourdi par votre réponse, qui reprenait les arguments du groupe Intermarché !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Je les ai repris, mais uniquement pour exposer la position du groupe ; c'est une position que le Gouvernement réprouve !

M. Aymeri de Montesquiou. Quoi qu'il en soit, vous n'avez répondu qu'en partie à ma question.

Vous l'avez rappelé, le groupe Intermarché a reçu des fonds publics en provenance de l'État, de la région, du département et de la commune. La ville de Lectoure vient à peine de finir de rembourser ses emprunts. Et on voudrait la priver d'un élément essentiel pour elle, qui touche près du dixième de sa population ! Il est donc impératif qu'Intermarché rembourse les aides versées.

Néanmoins, il est également essentiel qu'Intermarché respecte la loi. Aujourd'hui, ce que propose le groupe est contraire au code du travail, code que vous devez faire respecter.

J'attends de vous, monsieur le ministre, que vous fassiez preuve d'une grande pugnacité sur ce dossier. La délocalisation de la base de produits frais Intermarché de Lectoure est un désastre pour tout un canton. Je pense aux écoles qui fermeront dans les villages alentour si les familles déménagent. Cette délocalisation aura des répercussions calamiteuses en chaîne.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, de mettre tout votre poids pour faire appliquer la loi, conformément à vos déclarations pendant la primaire socialiste et à vos propos en tant que ministre, afin d'éviter la catastrophe sociale et économique qui se prépare.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Monsieur de Montesquiou, il est hors de question que l'on déroge à la loi pour Intermarché. La loi sera appliquée dans toute sa rigueur et sa vertu. Si elle s'avère insuffisante, nous aurons à faire preuve de pugnacité. Vous demandez la pugnacité du Gouvernement, vous l'aurez, monsieur le sénateur !

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