Question de Mme DURRIEU Josette (Hautes-Pyrénées - SOC) publiée le 20/12/2012

Mme Josette Durrieu attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, sur les réseaux d'initiative publique (RIP).

Les opérateurs privés suivent une approche lucrative qui les amène à refuser de couvrir les zones non denses car moins rentables. Le précédent Gouvernement a donné l'occasion aux opérateurs privés de choisir les zones rentables (AMII), laissant la charge de la réalisation des réseaux sur le reste du territoire aux collectivités territoriales. Ainsi, sans les RIP, dans une ou deux générations, nos territoires non « agglomérés » se trouveront potentiellement dépeuplés. L'aménagement numérique fait partie intégrante de l'attractivité d'un territoire, à l'échelle des citoyens comme des entreprises. En contrepartie, la collectivité doit mobiliser des crédits pour la réalisation du réseau, pour la conception et pour l'ingénierie du projet. Les choix sont complexes (technologiques, modalités d'intervention, stratégiques au vu du positionnement des différents grands opérateurs). Elle doit s'associer des expertises et compétences encore peu communes.

L'État doit améliorer le dispositif actuel (subventions de l'ex-FSN, alimentation du FANT, mécanismes de péréquation nationale et aussi ajustement et amélioration de la réglementation quant aux normes et aux modalités). Elle demande ce qu'il en sera précisemment.

Les collectivités doivent adopter un SDTAN (région ou département), schéma directeur donnant la perspective et organisant la cohérence des interventions publiques, notamment en évitant les doubles investissements (mobiliser les réseaux préexistants). S'agissant du THD (le FFTH, la fibre jusqu'à la maison), les niveaux d'investissement sont tels qu'une mutualisation et des cofinancements sont requis. Puisque l'État n'a pas aidé financièrement la réalisation des premiers équipements "haut débit" et même des dorsales de desserte "très haut débit", elle demande ce qu'il fera maintenant pour l'extension vers le "très haut débit" de ces réseaux.

Les réseaux de télécommunications électroniques sont à ce jour ce qu'étaient les réseaux d'électricité, de téléphone et d'eau potable d'antan. Les usages sont déjà multiples et très attendus (le triple play : Internet, téléphone et TV sur aDSL) et vont décupler dans un avenir proche (e-learning, e-santé, e-éducation, e-commerce, réseaux sociaux, besoin de débits symétriques, domotique, réseaux routiers intelligents…). L'avènement de publicité pour le THD sur la TNT va activer une demande pressante dans les zones moins denses. Les collectivités qui ne seront pas parties à temps dans ces projets, en paieront les conséquences immédiates : la désertification du territoire, notamment. Elle demande quels sont les accompagnements nécessaires et impératifs que l'État mettra en place, et par exemple dans le domaine de l'e-santé.

Enfin, en zone de montagne, alors que l'on a l'habitude de dire qu'1 euro investi dans une remontée mécanique rapporte 7 euros à la collectivité, elle demande combien rapportera 1 mètre, 1 km de fibre, d'onde hertzienne ....?
Le retour sur investissement est affirmé mais non mesuré …. Les choix opérés (techniques et d'intervention) en dépendront. Aucun ratio n'a encore été consacré pour les RIP. Elle souhaiterait que Mme la ministre lui communique des informations sur ce point.

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Réponse du Ministère chargé des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique publiée le 06/02/2013

Réponse apportée en séance publique le 05/02/2013

Mme Josette Durrieu. Ma question porte sur le numérique, sur les réseaux d'initiative publique et sur la couverture des zones peu denses dans les territoires ruraux.

Madame la ministre, vous savez fort bien que les opérateurs privés ne couvrent pas ces zones peu denses, au motif qu'elles ne sont pas rentables. Par conséquent, les charges liées à la réalisation des réseaux d'initiative publique pèsent sur les collectivités territoriales. Il faut savoir que les espaces ruraux constituent 80 % de notre territoire national.

L'enjeu, pour nos territoires, est tellement important en termes d'attractivité que, pour maintenir les populations résidentes, pour faire venir des entreprises et conserver celles qui sont en place, de nombreuses collectivités font le choix de s'engager dans la réalisation d'un réseau d'initiative publique, mais c'est là une entreprise difficile.

À ce jour, 8 millions d'usagers utilisent quotidiennement un réseau d'initiative publique, ce qui est important. Il n'empêche que ces efforts représentent pour les collectivités un coût insupportable.

En tant que présidente du conseil général des Hautes-Pyrénées, j'ai engagé un partenariat public-privé pour le déploiement de quatre cents kilomètres de fibre optique. J'en connais le coût et je sais également que nous ne toucherons pas le moindre euro de la part de l'État.

Premièrement, madame la ministre, des aides financières sont nécessaires. Que comptez-vous faire pour modifier le fonds d'aménagement numérique des territoires, le FANT, l'ex-fonds national pour la société numérique ? Il ne reste plus rien de la péréquation nationale. C'est un point essentiel.

Deuxièmement, quand on a un réseau, on évolue vers un schéma directeur territorial d'aménagement numérique, ou SDTAN ; c'est déjà plus facile que quand on n'a rien. Mais, madame la ministre, vous savez mieux que quiconque que ce sera là encore au-dessus de nos moyens. Cette évolution fera-t-elle l'objet d'un accompagnement pour ceux qui possèdent déjà un réseau ? J'émets des doutes pour ceux qui n'ont rien.

Troisièmement, les usages du numérique sont multiples et je ne les énumérerai pas. Êtes-vous prête, madame la ministre, à soutenir les efforts nécessaires notamment dans le domaine de l'e-santé ? Nous avons des choses intéressantes à faire.

Quatrièmement, je ne sais pas si le retour sur investissement a été mesuré ; nous avons en tout cas besoin de savoir combien rapporte à l'économie locale un kilomètre de fibre.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Madame Durrieu, les réseaux d'initiative publique sont effectivement au cœur même de l'aménagement numérique des territoires, et le projet que vous avez porté dans votre département des Hautes-Pyrénées en est un formidable exemple.

Je connais l'ambition du plan Hautes-Pyrénées Numérique, dont l'objet est de proposer un débit de 2 mégabits par seconde pour tous et le fibrage des zones d'activité et des sites d'intérêt public.

Comme vous le soulignez dans votre question, en l'absence de toute véritable politique d'aménagement numérique de l'État depuis dix ans, ce sont en effet les réseaux d'initiative publique, ou RIP, portés par les collectivités territoriales, qui ont permis de limiter les effets de la fracture numérique en apportant un haut débit de qualité au plus grand nombre. Ces réseaux d'initiative publique ont permis de maintenir la compétitivité des territoires en raccordant les zones d'activité et autres sites d'intérêt public.

Le Gouvernement a conscience du savoir-faire développé dans les territoires, des compétences, des expériences et des énergies des collectivités territoriales en matière de numérique. Il entend aujourd'hui s'appuyer sur leurs initiatives pour mener à bien son projet d'une couverture intégrale du territoire en très haut débit d'ici à dix ans. Il s'agit, vous le savez, d'un engagement fort pris par François Hollande lors de la campagne pour l'élection présidentielle.

Le changement majeur par rapport à la période antérieure, c'est que le Gouvernement ne laissera plus les collectivités seules. Vous le soulignez vous-même, ces projets sont techniquement complexes, opérationnellement délicats, commercialement risqués et financièrement très lourds.

L'État stratège doit enfin assurer pleinement son rôle de soutien opérationnel et financier aux projets de réseaux d'initiative publique pour en garantir le succès, notamment - vous l'avez souligné - dans les zones peu denses ou non rentables.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a institué, voilà maintenant plus de deux mois, sur mon initiative, une mission « Très haut débit » dont le rôle est d'identifier les conditions et les moyens de parvenir à la réalisation de l'ambitieux objectif du très haut débit pour tous. Cette mission a ainsi préparé un projet de feuille de route qui précise les modalités de soutien technique, opérationnel et financier que l'État pourrait apporter aux collectivités territoriales.

Ce projet de feuille de route fait actuellement l'objet d'une assez large consultation ; plus d'une cinquantaine de collectivités, opérateurs, industriels, y ont déjà répondu. Dans ce cadre, je réunirai la semaine prochaine les principaux acteurs des déploiements du très haut débit, les représentants des collectivités territoriales, bien sûr, mais également les opérateurs et les industriels de la filière, y associant naturellement la ministre de l'égalité des territoires et du logement, Cécile Duflot.

Sans préjuger les orientations finales qui seront arrêtées lors du séminaire gouvernemental consacré au numérique, qui se tiendra à la fin du mois, et lors du séminaire gouvernemental sur les investissements d'avenir, qui aura lieu dans deux semaines, je peux vous assurer, madame la sénatrice, que la dynamique constructive qu'a instaurée le projet de feuille de route invite à l'optimisme.

Ce projet vise en particulier à lever les ambiguïtés du passé : l'objectif final du déploiement du FttH, ou fiber to the home, est univoque et impose une véritable réflexion sur l'extinction du réseau cuivre, qui, vous le savez, aura des conséquences très importantes sur la rentabilité des réseaux d'initiative publique et, d'une manière plus générale, sur le déploiement de la fibre optique.

Il entend instituer avec les opérateurs des relations de partenariats exigeants mais équilibrés qui permettront de sécuriser leurs engagements d'investissement, au-delà de la simple manifestation d'intentions. Aujourd'hui, le problème tient au fait que le cadre juridique n'est pas suffisamment incitatif pour les opérateurs et que les collectivités n'ont pas vraiment les moyens de se retourner contre les opérateurs qui ne respecteraient pas les engagements d'investissement. L'État fera en sorte de créer un cadre beaucoup plus engageant pour les opérateurs.

Le projet de feuille de route suggère également la création d'une structure nationale de pilotage qui sera en mesure de garantir une harmonisation des techniques, des architectures, des systèmes d'information au travers de guides de bonnes pratiques, de référentiels, et qui pourra soutenir et accompagner les collectivités dans leurs différents projets. Il est en effet aussi important de garantir une interopérabilité des réseaux et une harmonisation technique des projets qui seront déployés par les collectivités territoriales.

En ce qui concerne enfin le financement, le projet de feuille de route suggère d'augmenter sensiblement le soutien aux collectivités territoriales qui s'inscriront dans la stratégie nationale de développement du très haut débit, en apportant une attention particulière aux territoires les moins bien desservis, les plus reculés et où les déploiements de nouveaux réseaux sont les plus coûteux.

Vous l'aurez compris, madame la sénatrice, les choses avancent, et vite. Non seulement l'ambition du Président de la République sera respectée, mais le calendrier, sur ce chantier d'envergure, sera tenu.

Le séminaire gouvernemental permettra notamment aux ministres chargés de la santé, de l'éducation, des personnes âgées, de présenter leurs priorités en matière de développement des usages. En matière de santé et de maintien à domicile des personnes âgées, l'économie numérique peut nous permettre d'apporter un meilleur service à nos concitoyens mais également des perspectives de réduction de la dépense sociale. Il s'agit donc d'une piste extrêmement intéressante que je suivrai de très près.

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. La question du développement des réseaux d'initiative publique est bien évidemment à replacer au cœur du débat sur l'aménagement du territoire et la décentralisation.

Je le répète, et nous devons garder ce chiffre présent à l'esprit, 80 % de notre territoire est concerné et 14 millions d'habitants vivent dans cet espace dit rural et peu dense. Ce n'est pas rien !

Par ailleurs, j'ai noté votre définition de l'action de l'État stratège. L'État doit en effet être au cœur de la volonté d'aménager le territoire afin de réduire la fracture numérique qui est non pas un risque, mais une réalité. Et je crains fort que la perspective du très haut débit ne creuse encore les écarts.

Ainsi, l'ensemble du réseau numérique des Hautes-Pyrénées, avec ses quatre cents kilomètres de fibre optique et les perspectives de développement du Wimax et du satellite, absorbe aujourd'hui 29 millions d'euros, et ce chiffre atteindra 152 millions d'euros dans vingt ans avec le partenariat public-privé.

Dans le cadre du schéma directeur territorial d'aménagement numérique, que nous sommes en train d'étudier, le financement des équipements pour l'accès au très haut débit sur un espace couvrant 85 % de notre département s'élève à 145 millions d'euros. J'ai du mal à croire que nous, et vous, pourrons faire face, madame la ministre. Il ne faut donc pas trop promettre et avoir bien conscience de la réalité.

Vous avez mentionné l'élaboration d'un projet de feuille de route, et je m'en réjouis. Il est en effet souhaitable d'avoir une trajectoire sur laquelle nous positionner. Vous avez également évoqué l'instauration d'un partenariat exigeant avec les opérateurs. Vous avez raison, car si la concurrence est ouverte, elle ne doit pas devenir injuste.

Enfin, vous avez dit vouloir augmenter « sensiblement » les fonds qui seront consentis aux collectivités locales. Le mot me gêne un peu, et j'espère que nous affirmerons notre différence.

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