Question de M. PLACÉ Jean-Vincent (Essonne - ECOLO) publiée le 01/03/2013

Question posée en séance publique le 28/02/2013

Concerne le thème : La compétitivité

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si nous organisons aujourd'hui un débat sur la compétitivité, c'est évidemment parce que celle-ci soulève des difficultés. La concurrence internationale, le dumping social et environnemental et la hausse des prix des matières premières sont des réalités incontestables. Faut-il pour autant réduire les salaires, renoncer aux acquis sociaux des Français et renier parfois les enjeux environnementaux ? Comme Dominique Watrin, j'estime que non. Je refuse ce dogme qui consiste à s'aligner vers le bas, au profit d'une économie déshumanisée et déconnectée du réel.

Je m'y oppose d'autant plus que d'autres voies sont possibles pour relancer l'activité économique tout en respectant les objectifs du développement soutenable ; c'est d'ailleurs l'intérêt de notre débat que d'examiner ces autres voies. Si nous voulons réellement sortir des schémas du passé, innover et même nous réinventer, c'est tout à fait possible. Je vous propose par exemple de réfléchir au développement de l'économie circulaire.

L'objectif de l'économie circulaire est, comme vous le savez, madame la ministre, d'optimiser les flux d'énergie et de matières pour utiliser efficacement le minimum de ressources et réduire la production de déchets. Le Conseil économique social et environnemental, le CESE, définit l'économie circulaire comme un concept qui englobe la réduction de déchets en amont par l'éco-conception des produits, le réemploi, enfin le recyclage, mais aussi l'économie de fonctionnalité, qui consiste à remplacer la vente de produits par la vente de services ou la location.

D'après l'ONU, 60 % des services rendus aux hommes par la nature sont en déclin. Notre modèle économique actuel, linéaire et productiviste, est clairement incompatible avec les caractéristiques de notre planète et l'urgence écologique.

Les entreprises elles-mêmes, particulièrement les plus innovantes dans notre pays, auraient intérêt à développer ces formes d'économie verte pour être à nouveau compétitives, plutôt que de courir après des compétitivités du passé ; on voit d'ailleurs le peu de résultats qu'obtiennent, malgré leurs discours de matamore, ceux qui poursuivent dans cette voie… Les entreprises dégageraient ainsi des gains importants sur le coût des matières premières et l'approvisionnement des matériaux. Renault, Ecopal, Michelin, Xerox et d'autres encore commencent à relever ce défi.

Par ailleurs, ces nouvelles formes d'économie créent des emplois non délocalisables dans le recyclage, la maintenance, la recherche et développement, l'après-vente ou encore le service des achats. L'Allemagne, la Chine et le Japon, dont on vante régulièrement la compétitivité, l'ont bien compris et se sont engagés dans cette voie d'avenir. Un Institut de l'économie circulaire a été fondé récemment par le député écologiste François-Michel Lambert.

Ma question est donc très simple : le Gouvernement souhaite-t-il développer l'économie circulaire et l'économie de fonctionnalité dans notre pays ? Quelle sera à cet égard l'action gouvernementale dans les mois à venir ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

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Réponse du Ministère chargé des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique publiée le 01/03/2013

Réponse apportée en séance publique le 28/02/2013

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, oui, le Gouvernement - notamment le ministère du redressement productif, que je représente aujourd'hui dans cet hémicycle - est très attaché au développement du concept d'économie circulaire. En effet, comme vous l'avez souligné, la raréfaction des matières premières non renouvelables nous invite à repenser nos modèles économiques, afin de les rendre plus rentables et plus vertueux.

De quelle manière allons-nous procéder ? De premières indications ont été données par la feuille de route pour la transition écologique, qui envisage la mobilisation de plusieurs leviers fiscaux. On peut citer par exemple l'augmentation des taxes sur l'incinération et le stockage pour favoriser la valorisation des déchets ; le ministère du redressement productif soutiendra bien entendu cette mesure.

Il faut savoir que, avec seulement deux sites de traitement en France, notre capacité de traitement des déchets d'ameublement est insuffisante pour répondre à l'obligation réglementaire de recycler à partir de 2015 quelque 45 % des deux millions de tonnes mises sur le marché chaque année. La France est également en deçà de ses objectifs en matière de véhicules hors d'usage.

Le ministère du redressement productif veut développer nos capacités de valorisation de ces sous-produits. Pour ce faire, il est nécessaire - en tant que ministre déléguée chargée de l'innovation, je suis bien placée pour le savoir - que des moyens importants soient consacrés à la recherche et développement. Le programme d'investissements d'avenir prévoit notamment 250 millions d'euros en 2013 pour développer l'économie circulaire.

Le deuxième point important est la sécurisation des débouchés. Celle-ci est fondamentale pour assurer aux acteurs une visibilité suffisante sur leurs investissements et réduire leur dépendance aux fluctuations des prix des matières premières. Ce dispositif s'organisera évidemment en partenariat avec les acteurs concernés au sein des filières et entre filières, les déchets des uns pouvant devenir les matières premières des autres.

Ces principes doivent être formalisés dans le contrat de filière qu'ont demandé conjointement Arnaud Montebourg et Delphine Batho à l'issue du dernier comité de filière stratégique des éco-industries, le 27 novembre dernier.

Nous voulons donc consolider les filières existantes, mais aussi innover et déployer de nouveaux modèles d'organisation. Plusieurs actions du ministère du redressement productif sont lancées pour favoriser l'économie circulaire.

Je vous en cite quelques-unes : le lancement d'un pacte « économie circulaire » avec les professionnels du recyclage, lequel suppose des engagements réciproques gagnant-gagnant ; l'introduction dans la commande publique de critères favorisant l'utilisation de matières recyclées ; la lutte contre les filières illégales ; la structuration et le développement de filières de démantèlement des matériels de transport, quels qu'ils soient, pour recréer de l'industrie et de l'emploi en France ; enfin, une réflexion pour réduire le rythme de renouvellement des biens d'équipement, notamment les terminaux mobiles.

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour la réplique. Mon cher collègue, je ne vous laisse que trente secondes, car vous avez déjà largement dépassé votre temps de parole.

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, vous savez être à la fois sévère et juste, et je soutiens votre action à cet égard. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Raffarin. Trente secondes, cela suffit bien pour tourner en rond !

M. Jean-Vincent Placé. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse très complète, qui montre que le Gouvernement est très sensible à cette question, ce dont je ne doutais pas d'ailleurs. Je ne peux que l'inciter à poursuivre dans les voies que vous avez indiquées, c'est-à-dire à sensibiliser les consommateurs et à promouvoir davantage les projets d'éco-conception.

Vous l'avez dit très honnêtement, l'Europe est bien plus en avance que la France sur le sujet. Soutenir la recherche et développement, regrouper les acteurs du recyclage pour en faire une filière compétitive, réaliser des études prospectives pour identifier les potentiels industriels et les solutions innovantes sont autant d'enjeux majeurs pour notre économie.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis satisfait d'avoir pu discuter de ces questions dans cet hémicycle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

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