Question de M. REICHARDT André (Bas-Rhin - UMP) publiée le 11/04/2013

M. André Reichardt attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur le très récent crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui a été présenté comme une des mesures économiques majeures du Gouvernement. Il a pour objet le financement de l'amélioration de la compétitivité des entreprises, à travers, notamment, des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation.

Toute entreprise peut bénéficier de ce dispositif, dès lors qu'elle a un ou plusieurs salariés.

Or, il y a là un problème auquel il faut remédier : les entreprises individuelles, n'ayant aucun salarié, se retrouvent injustement exclues du nouveau dispositif.

Le secteur de l'artisanat, en particulier, s'en trouve fortement pénalisé. Nombreux sont les artisans indépendants travaillant seuls, ils ne bénéficieront donc pas du CICE. Ils ont préféré l'indépendance, l'engagement, le risque, et contribuent au moins autant que les autres acteurs économiques à la production de richesses. Leur mise à l'écart apparaît donc comme une erreur qu'il faut corriger très vite.

Selon les chiffres de l'INSEE, il existe environ 584 000 entreprises individuelles artisanales et plus de la moitié n'ont aucun salarié.

Or, toutes ces entreprises qui n'auront pas accès au dispositif rencontrent, elles aussi, d'énormes difficultés de trésorerie.

Ce secteur de l'artisanat, fondamental pour le tissu économique de notre pays, devant être soutenu, il lui demande si une extension du dispositif du CICE à ces entreprises, qui sont aussi des acteurs économiques importants, est envisagée et quelles mesures il compte prendre, à défaut, pour compenser cette inégalité de traitement.

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Réponse du Ministère chargé du budget publiée le 19/06/2013

Réponse apportée en séance publique le 18/06/2013

M. André Reichardt. Monsieur le ministre, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, a été présenté par le Gouvernement comme l'une des mesures économiques majeures. Il a pour objet de contribuer à l'amélioration de la compétitivité des entreprises, qui en ont bien besoin dans le contexte actuel de compétitivité économique féroce.

Toute entreprise peut bénéficier de ce dispositif, à la condition toutefois qu'elle verse des salaires. En effet, vous le savez bien, c'est sur la masse salariale que porte le CICE.

C'est là, bien sûr, que le bât blesse. C'est là, notamment, que se trouve le problème. En effet, les entreprises individuelles n'ayant aucun salarié se retrouvent injustement exclues du nouveau dispositif.

Le secteur de l'artisanat, en particulier, s'en trouve fortement pénalisé. Nombreux sont les artisans indépendants travaillant seuls. Dans ces conditions, ils ne bénéficient pas du CICE. Ils ont préféré l'indépendance, l'engagement, le risque, et contribuent au moins autant que les autres acteurs économiques à la production de richesses. Leur mise à l'écart est, à mon sens, une erreur qu'il convient de corriger très vite.

Selon les chiffres de l'INSEE, il existe 584 000 entreprises individuelles artisanales, et plus de la moitié n'ont aucun salarié.

Or toutes ces entreprises, qui n'ont pas accès au dispositif, rencontrent bien sûr elles aussi d'énormes difficultés de fonctionnement, de trésorerie en particulier. Un certain nombre d'entre elles sont de jeunes entreprises ayant besoin d'oxygène pour prendre leurs marques sur le marché avant - nous l'espérons tous - de se développer et créer de l'emploi.

Monsieur le ministre, je vous suppose en accord avec le postulat selon lequel nous devons soutenir le secteur de l'artisanat, qui est un volet fondamental du tissu économique de notre pays.

Dès lors, ma question est la suivante : allez-vous étendre à ces entreprises, qui sont des acteurs économiques importants au même titre que d'autres, le bénéfice de ce CICE ou de tout autre dispositif que j'appelle de mes vœux pour réduire leurs charges ?

Autrement dit et plus simplement encore, pouvez-vous m'indiquer, monsieur le ministre, quelles mesures vous comptez prendre pour compenser cette actuelle inégalité de traitement entre deux types d'entreprises, celles qui ont des salariés et celles qui n'en ont pas ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi.

Permettez-moi tout d'abord d'excuser M. le ministre de l'économie et des finances, aujourd'hui retenu par un rendez-vous avec des entreprises.

Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, mesure-phare du pacte pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, bénéficie à l'ensemble des entreprises employant des salariés, imposées à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu, d'après leur bénéfice net, quel que soit le mode d'exploitation - entreprise individuelle, c'est-à-dire indépendante, société de personnes, société de capitaux... - et quel que soit le secteur d'activité, qu'il relève de l'agriculture, de l'artisanat, du commerce, de l'industrie ou des services.

Pour 2013, le crédit d'impôt équivaut à 4 % de la masse salariale, hors salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC. À partir de 2014, ce taux sera porté à 6 %.

Par construction, s'agissant d'un crédit d'impôt assis sur la masse salariale des entreprises éligibles, les entreprises sans salarié ne peuvent pas en bénéficier. Il s'agit non d'une injustice, mais d'une caractéristique essentielle du crédit d'impôt compte tenu des objectifs que le législateur lui a assignés, c'est-à-dire la réduction du coût du travail.

Le CICE vise en effet à stimuler la compétitivité du coût des entreprises françaises en allégeant leurs charges salariales. Or, le revenu du travailleur indépendant n'est pas juridiquement un salaire. Il n'est pas, en termes comptables, un coût pour l'entreprise : il constitue au contraire le bénéfice de l'entreprise. Économiquement, le CICE est l'équivalent d'une baisse de cotisations patronales sur les salaires. Il est d'ailleurs comptabilisé comme tel au crédit d'un sous-compte dédié du compte 64 - « charges de personnel » -, suivant la recommandation de l'Autorité des normes comptables, l'ANC, dans une note du 28 février 2013.

En outre, le CICE vise à encourager l'embauche. L'article 244 quater C mentionne, en son premier alinéa, que le CICE doit permettre de financer « des efforts en matière de [...] recrutements ». Compte tenu de cet objectif, il serait paradoxal d'accorder le crédit d'impôt aux chefs d'entreprise sans salariés.

Enfin, à titre subsidiaire, le calcul du CICE suppose de connaître le temps de travail des salariés afin de déterminer si leurs rémunérations entrent ou non dans l'assiette du crédit d'impôt. Ce dernier s'applique en effet aux seules rémunérations « n'excédant pas deux fois et demie le salaire minimum de croissance calculé pour un an sur la base de la durée légale du travail augmentée, le cas échéant, du nombre d'heures complémentaires ou supplémentaires, sans prise en compte des majorations auxquelles elles donnent lieu ». Pour des travailleurs indépendants qui ne décomptent pas leur durée de travail, l'application d'une telle méthode de calcul présenterait incontestablement de sérieuses difficultés.

Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, il n'est pas envisagé de revenir sur la définition de l'assiette du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Monsieur le ministre, j'ai bien compris les raisons qui vous poussent à ne pas revenir sur les modalités de ce CICE.

Je voudrais néanmoins insister sur le fait que ces petites entreprises, catégorie dont relèvent par définition les entreprises individuelles sans salarié, sont confrontées à l'heure actuelle à d'énormes difficultés qui exigeraient une réduction de leurs charges. Précisément, dès lors que, pour un travailleur indépendant, le revenu n'est pas un salaire, il convient de faire en sorte que ce revenu puisse bénéficier d'une réduction des charges.

Vous avez bien compris que, à l'heure actuelle, les entreprises individuelles souffrent particulièrement d'une concurrence de la part des auto-entrepreneurs, malgré la réforme du régime de ces derniers lancée par le Gouvernement. Il est évident que les petites entreprises attendent elles aussi des mesures tout à fait importantes.

Je reviens, pour y insister, sur ce que j'ai dit tout à l'heure : donner un minimum d'oxygène à ces petites entreprises nouvellement créées pour qu'elles puissent trouver leurs marques sur un marché difficile leur permettrait, à n'en pas douter, de se développer, de se conforter et de créer ensuite de l'emploi.

S'il n'est pas possible d'y parvenir à travers le CICE, ce que je peux comprendre, je vous serais reconnaissant de bien vouloir examiner la possibilité de leur renvoyer l'ascenseur, d'une façon ou d'une autre, compte tenu des charges qu'elles paient dans un contexte particulièrement difficile.

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