Question de M. MADRELLE Philippe (Gironde - SOC) publiée le 02/05/2013

M. Philippe Madrelle appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les conséquences dramatiques de l'utilisation de l'amiante et des nouvelles sources de contamination notamment dans les opérations de désamiantage.

Dans le domaine des professionnels comme chez les particuliers, de telles opérations continuent d'être réalisées, souvent pour de mauvaises raisons économiques et financières, sans aucune protection et dans le mépris total des règlements par ailleurs souvent insuffisants.

La plupart des opérations de démolition, de transport et de désamiantage sont opérées par des entreprises de sous-traitance et qui ne sont pas forcément qualifiées pour effectuer ces travaux dans des conditions ne respectant ni la santé, ni l'environnement. À côté des professionnels et des particuliers, les établissements scolaires sont également concernés par de tels problèmes.

Afin que cette catastrophe de santé publique qui continue d'affecter de trop nombreuses familles par de nouvelles victimes ne se poursuive pas, il lui demande si elle ne juge pas opportun d'envisager une législation plus sévère et plus contrôlée afin de règlementer ces opérations de désamiantage à toutes leurs étapes.

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Transmise au Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social


Réponse du Ministère chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 10/07/2013

Réponse apportée en séance publique le 09/07/2013

M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a des chiffres qui s'imposent et que l'on ne peut oublier : dix personnes meurent chaque jour, en France, d'avoir respiré cette poussière blanche qu'est l'amiante. Ce fléau est responsable de 3 000 décès par an.

Depuis les années 2000, plus de 1 500 personnes sont décédées en Aquitaine des conséquences de l'amiante. Interdite depuis 1997, alors que l'effet cancérigène de la fibre était connu depuis les années trente, l'amiante, avec ses fibres mortelles, continue de représenter un danger pour tous ceux qui y sont exposés.

Les associations de défense des victimes de l'amiante, qui agissent pour stopper la progression de ce fléau, font état de plus de 200 000 tonnes d'amiante et de 24 millions de tonnes de fibrociment répartis sur notre territoire.

Vous le savez, madame la ministre, plus de 70 % des chantiers de désamiantage sont réalisés dans de très mauvaises conditions et deviennent de nouvelles sources de contamination. Le constat est alarmant : aucun risque d'exposition n'est maîtrisé !

Une étude de 2009 de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES, démontre que les fibres fines ont un effet cancérigène avéré, et que l'on ne peut pas écarter l'effet cancérigène des fibres courtes.

Cette étude préconise la prise en compte de cette nouvelle donne dans les directives préventives, et plus particulièrement l'abaissement par dix des valeurs limites d'empoussièrement en milieu professionnel. On peut regretter que cette décision ne devienne effective qu'à l'horizon 2015.

De plus, les équipements de protection individuelle qui sont actuellement utilisés ne sont pas adaptés aux dangers auxquels sont exposés les intervenants professionnels.

En outre, les inspecteurs du travail, en nombre insuffisant, ne peuvent contrôler l'application de la réglementation en vigueur, car ils sont trop rarement informés de l'ouverture des chantiers de désamiantage.

Bien qu'incomplète, la législation existe, mais elle n'est pas respectée par les entreprises agréées qualifiées pour le retrait et le confinement de l'amiante : ces entreprises enlèvent les marchés puis, par le jeu de la sous-traitance, transmettent ces chantiers à des entreprises qui, elles, ne sont généralement pas qualifiées et agissent au mépris tant de la santé de leurs employés que de la protection de l'environnement.

L'aspect professionnel des chantiers de désamiantage ne doit pas occulter le désamiantage effectué par des particuliers. Les décrets du 3 juin 2011 et l'arrêté du 21 décembre 2012 stipulent que les particuliers ont l'obligation de faire appel à des professionnels pour mener des opérations de désamiantage. Comme vous pouvez l'imaginer, cet appel se trouve limité en raison du coût prohibitif des interventions.

De nombreuses communes sont confrontées au grave problème de désamiantage des établissements scolaires. De tels chantiers réalisés dans de très mauvaises conditions génèrent des tonnes de déchets qu'il faut stocker, transporter et éliminer.

Madame la ministre, je suis certain que vous êtes consciente de la nécessité d'éviter les dépôts sauvages. L'absence ou la méconnaissance d'un réseau de déchetteries de proximité habilitées à recevoir les produits dangereux, mis à disposition avec des moyens adaptés, est un élément essentiel de cette problématique.

Même réalisé dans les conditions optimales, l'enfouissement ne peut représenter une solution durable pour l'environnement. D'après les associations, le seul moyen de neutralisation définitive sur notre territoire serait le procédé d'inertage au moyen de la torche à plasma, proposé par la société INERTAM de Morcenx, dans les Landes. En raison de ses coûts de revient, cette solution ne serait utilisée qu'à 12 % de sa capacité.

Il conviendrait d'encourager le développement en volume de l'utilisation de l'inertage, ainsi que la recherche d'autres procédés d'élimination définitive.

Nous vous faisons confiance, madame la ministre, pour que des directives soient enfin prises pour éviter la propagation de ce véritable fléau sanitaire. Seule une législation européenne claire et commune pourrait débarrasser l'Europe de ce poison.

N'oublions pas que l'on continue d'utiliser l'amiante dans de trop nombreux pays ! Seule une réglementation sévère, compréhensible permettra de la bannir et d'enrayer ce fléau.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du Gouvernement sur les conséquences dramatiques de l'utilisation de l'amiante et des nouvelles sources de contamination, notamment au cours des opérations de désamiantage. Vous avez évoqué avec une grande vérité l'ensemble des problèmes qui se posent et souhaitez, à juste titre, connaître les intentions du Gouvernement en la matière.

En premier lieu, le décret n° 2012-639 du 4 mai 2012 relatif aux risques d'exposition à l'amiante, entré en vigueur le 1er juillet 2012, constitue le fondement d'une réforme réglementaire d'ampleur, dans un souci de protection des travailleurs.

Les principales mesures proposées sont les suivantes : l'abaissement de la valeur limite d'exposition professionnelle, la VLEP, qui est actuellement de 100 fibres par litre, à 10 fibres par litre au 1er juillet 2015 ; la suppression dans le code du travail de la dualité entre les notions d'amiante friable et d'amiante non friable ; l'élévation des niveaux de prévention collective et individuelle à mettre en œuvre ; l'extension de la certification à l'ensemble des activités de retrait et d'encapsulage de matériaux contenant de l'amiante, en particulier aux activités de retrait de couverture et de bardage en amiante-ciment.

Le décret du 4 mai 2012 appelle quatre arrêtés d'application : l'arrêté du 14 août 2012 relatif aux conditions de mesurage des niveaux d'empoussièrement, au contrôle de la VLEP aux fibres d'amiante et conditions d'accréditation des organismes procédant à ces mesurages ; l'arrêté du 14 décembre 2012 qui fixe les conditions de certification des entreprises réalisant des travaux de retrait ou d'encapsulage d'amiante ; l'arrêté du 7 mars 2013 relatif aux conditions d'entretien, d'utilisation et de vérification des équipements de protection individuelle ; enfin, l'arrêté du 8 avril 2013 qui fixe les conditions d'entretien, d'utilisation et de vérification des moyens de protection collective.

Par ailleurs, le dispositif de formation des travailleurs susceptibles d'être exposés à l'amiante a été renforcé par l'arrêté du 23 février 2012.

La démarche de certification des entreprises, notamment aux entreprises de couverture, permettra d'améliorer leur maîtrise technique sur le plan de la prévention des risques professionnels et d'éviter les pollutions et l'exposition du public. Elle permettra également de s'assurer de l'effectivité de la formation des travailleurs par un organisme de formation certifié et de vérifier l'existence d'une assurance professionnelle.

Je peux vous assurer, monsieur le sénateur, de l'implication de l'ensemble des services de l'État concernés, au nombre desquels l'Inspection du travail, sur l'effectivité de cette réglementation, qui est la plus exigeante au sein de l'Union européenne. Il est vrai que nous devions également progresser au niveau de l'Europe.

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.

Sans douter de votre volonté de faire progresser la réflexion sur cette question, je me permets d'insister très fortement auprès du Gouvernement sur ce devoir d'information et de prévention du désamiantage, qui est un devoir de santé publique. Il faut en effet éviter que l'on ne fasse n'importe quoi dans ce domaine.

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