Question de Mme MÉLOT Colette (Seine-et-Marne - UMP) publiée le 19/12/2013

Mme Colette Mélot attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions carcérales qui ne cessent de se dégrader et leur impact sur les conditions de travail et la sécurité du personnel pénitentiaire.
La France compte 67 000 détenus pour 57 000 places de prison. Certaines conditions de détention indignes nourrissent les violences et le racket. La surpopulation dans les maisons d'arrêt oscille entre 134 % et 137 %. La précédente majorité avait construit 20 000 nouvelles places supplémentaires afin d'humaniser davantage les conditions de détention. Mais cela n'est pas encore suffisant. On déplore aujourd'hui une diminution du budget consacré à l'administration pénitentiaire. En effet, si le budget pour 2014 est quasiment stable en matière de crédits, cela paraît dérisoire après l'effondrement de 38,5 % en autorisations d'engagement en 2012. Le personnel pénitentiaire, soumis à de fortes tensions, est très inquiet. Leurs conditions de travail se dégradent considérablement, les surveillants pénitentiaires travaillent au quotidien en sous-effectifs, ils sont seulement 25 000 pour près de 67 000 détenus. En outre, l'interdiction des fouilles systématiques a rendu les établissements beaucoup plus vulnérables et mis les personnels en danger. Cela a accéléré les trafics de drogue et accru les pressions entre les détenus. Certains d'entre eux parviennent à introduire des couteaux en céramique, ou encore des stylos « pistolets » en plastique qui ne sont pas détectables par les détecteurs à métaux et les portiques.
Il y a quelques jours, des détenus de la prison de Montmédy se filmaient, encagoulés, avec des téléphones portables entrés illégalement dans l'enceinte carcérale. On peut également y voir d'autres détenus dansant dans les couloirs, en toute impunité, l'un d'entre eux vêtu d'une veste subtilisée à un surveillant et fumant un joint.
L'ensemble de ces méfaits révèle l'urgence à mettre un coup d'arrêt à ces dérives inacceptables, aggravées par les sous effectifs du personnel pénitentiaire.
Aussi, elle souhaiterait connaitre les propositions concrètes que la ministre entend mettre en œuvre pour améliorer les conditions de travail et la sécurité de l'ensemble du personnel pénitentiaire.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 27/11/2014

Depuis 2012 la politique pénitentiaire est conduite en cohérence avec la politique pénale, autour de trois axes : extension et rénovation du parc immobilier, réinsertion des personnes condamnées et sécurité en détention. Au cœur de ces politiques, les conditions de travail et de détention constituent une priorité afin de garantir la dignité et la sécurité des personnels de l'administration pénitentiaire et des personnes détenues. Cette priorité demeure, d'autant que malgré une légère hausse des aménagements de peine liée à la circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012, et une population carcérale qui augmente moins vite qu'auparavant, la situation de sur-occupation des établissements pénitentiaires s'avère toujours extrêmement préoccupante. À cet égard, les effets des politiques pénales menées ces dernières années qui ont vu le nombre de personnes détenues augmenter de plus de 20 000 ont été dévastateurs, du fait de l'introduction d'automatismes contraires aux principes généraux de l'individualisation de la peine - les peines planchers - qui ont généré plus de 4 000 années d'emprisonnement supplémentaires par an depuis 2007 et du fait, de façon plus générale, de la promotion de la logique de la réponse du tout carcéral, y compris pour les petits délits et ce sans discernement, sans prise en compte de la personnalité du condamné et de sa situation réelle. En premier lieu, pour améliorer les conditions de détention et de travail des personnels en établissements pénitentiaires, le ministère de la justice a engagé, dès le premier triennal budgétaire, un programme immobilier ambitieux. Entièrement financé, à l'inverse du programme issu de la loi de programmation relative à l'exécution des peines du 27 mars 2012, ce dispositif vise à la création de 6 500 places pour répondre aux besoins les plus urgents, mais aussi la fermeture de 1 082 places les plus vétustes avec ouvertures en substitution de nouveaux établissements, ainsi que de grands chantiers de rénovation tels que ceux de la maison d'arrêt des Baumettes, de La Santé ou de Fleury-Mérogis. En deuxième lieu, le 15 août 2014 a été adoptée la loi relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales. Bien que ce texte vise avant tout la mise en œuvre de solutions plus efficaces dans la prise en charge des personnes condamnées et non la réduction de la population carcérale, la réforme pénale engagée aura des effets sur cette dernière. Ainsi, ce texte supprime les dispositions prévoyant des peines minimales en cas de récidive ainsi que le caractère automatique de la révocation du sursis simple, afin de permettre aux juridictions d'apprécier en raison des circonstances, de la personnalité du prévenu et de la gravité des faits, si les sursis doivent être révoqués. Cette loi prévoit en outre la création d'une nouvelle peine de contrainte pénale, composée d'obligations exécutables en milieu ouvert, et favorise le prononcé de libération sous contrainte pour les détenus condamnés à des peines inférieures à 5 ans et qui sont en fin de peines. De surcroit, grâce à l'augmentation des effectifs des SPIP notamment qui verront d'ici à 2016 augmenter leurs personnels de 25 % avec la création de 1.000 emplois (dont 360 entrés en formation le 8 septembre 2014), à la réforme des méthodes de prises en charge des personnes en milieu ouvert et à la construction de nouveaux outils d'évaluation, un meilleur suivi des personnes placées sous main de justice permettra d'assurer une efficacité plus grande dans la prévention de la récidive. En troisième lieu, la Garde des sceaux a lancé un plan exceptionnel de sécurisation le 3 juin 2013 à hauteur de 33 millions d'euros qui prévoit notamment la mise en place de dispositifs anti-projections, le déploiement de portiques à ondes millimétriques et à masse métallique, la création de deux nouvelles équipes cynotechniques. Ce plan de sécurisation a permis d'accompagner la mise en œuvre de l'article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 interdisant la pratique des fouilles systématiques de manière à concilier le respect de la dignité de la personne détenue et les impératifs de sécurité en établissement pénitentiaire. Au-delà de l'aspect matériel, ce plan vise donc également à remettre l'humain, le professionnel au cœur du système avec des réflexions engagées autour de la question de la formation, de la place des personnels en détention dans le cadre du plan maisons centrales, et à renforcer le partenariat avec les autorités judiciaires et les forces de sécurité. Pour accompagner cette évolution et redonner de la lisibilité aux métiers pénitentiaires, la Garde des sceaux a également signé le 14 mai 2013 un protocole avec l'organisation syndicale majoritaire à hauteur de 17 millions d'euros portant à la fois sur une revalorisation du statut des surveillants, des grades du corps d'encadrement et d'application ainsi que sur une amélioration des perspectives d'avancement. Ce protocole implique également une réflexion plus globale sur l'exercice des métiers avec notamment des réflexions sur la place du surveillant entre garde et réinsertion, le renforcement de la formation des professionnels, l'amélioration du dispositif de prévention en matière de santé et de sécurité au travail, et l'amélioration de l'articulation entre organisation du travail et conditions de travail. Enfin, la Garde des sceaux a engagé ses services, en lien avec l'agence publique pour l'immobilier de la justice, dans une réflexion globale sur la conception des nouveaux établissements afin de centrer leur construction sur les personnes qui y travaillent, y vivent et y interviennent. Le conseil national de l'exécution de la peine installé par la Garde des sceaux le 29 janvier 2014, constitué notamment de membres éminents de la société civile (universitaires, chercheurs, psychiatre, architecte...) et de parlementaires (présidents des commissions des lois), s'emparera également de cette question pour venir enrichir les travaux en cours.

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