Question de M. REICHARDT André (Bas-Rhin - UMP) publiée le 28/02/2014

Question posée en séance publique le 27/02/2014

Concerne le thème : La laïcité

M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur, madame les ministres, mes chers collègues, le 29 janvier dernier, le député Jean-Jacques Candelier a déposé une proposition de loi visant à étendre la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État sur l'ensemble du territoire national. L'adoption de ce texte aurait notamment pour effet d'abroger le droit local des cultes en vigueur en Alsace-Moselle.

Or celui-ci institue, pour les cultes concordataires, des statuts juridiques particuliers, porteurs de droits et d'obligations pour eux-mêmes et pour l'État.

Il garantit, dans le respect de la neutralité religieuse de l'État, une pleine liberté à tous les cultes et permet de prendre en compte leurs besoins. Il assure une complète séparation de l'État et de l'Église. Il permet des relations de confiance et de collaboration entre l'État et les cultes et pourvoit à la bonne entente entre les cultes.

Mme Françoise Laborde. C'est bien que vous en soyez convaincu…

M. André Reichardt. Le droit local des cultes a traversé toutes les épreuves de l'histoire, de 1870 à nos jours. Il n'a été supprimé que pendant l'annexion de fait des trois départements de l'Est par l'Allemagne nazie. L'ordonnance de 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental et les Constituants de 1946 et 1958 ont assuré le maintien de ce droit particulier, auquel les populations locales sont très attachées. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 21 février 2013, a d'ailleurs jugé que le droit local des cultes était conforme à la Constitution de 1958.

Nous, Alsaciens et Mosellans, considérons que l'Alsace-Moselle est tout aussi laïque que les autres départements français, même si la mise en œuvre du principe de laïcité connaît, chez nous, des modalités originales.

Mme Françoise Laborde. C'est bien dit !

M. André Reichardt. Dans la période récente, ce droit local a montré sa souplesse en contribuant à une bonne intégration de nos compatriotes de confession musulmane grâce à la possibilité, pour les collectivités territoriales, de soutenir financièrement la construction de lieux de culte et même de créer des cimetières confessionnels musulmans.

Dès lors, madame, monsieur les ministres, pouvez-vous me confirmer que votre gouvernement, comme les précédents, est fermement attaché au maintien du droit local des cultes et, de manière plus générale, aux divers aspects de la législation territoriale applicable en Alsace-Moselle ?

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Réponse du Ministère chargé de la décentralisation publiée le 28/02/2014

Réponse apportée en séance publique le 27/02/2014

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué ce droit local mosellan et alsacien et, au vu de l'inquiétude que vous avez manifestée, je voudrais vous rassurer.

Vous l'avez rappelé, le Concordat est le fruit d'une histoire tragique, celle des territoires alsaciens et mosellans. Comme l'ensemble du droit local, il marque un moment historique de notre République. Pour cette raison, il doit être ménagé et respecté.

Le Concordat reste au cœur du particularisme alsacien et mosellan et, j'y insiste, l'État n'entend pas le remettre en cause.

Cette position est d'ailleurs largement confortée par la jurisprudence constitutionnelle, qui a été évoquée tout à l'heure. Le Conseil constitutionnel a donné rang constitutionnel au principe de séparation des Églises et de l'État - cette décision est importante : ce principe n'avait jamais été affirmé avec autant de force - et a aussi reconnu la conformité à notre Constitution de l'exception historique de l'Alsace-Moselle.

Le principe et son exception territoriale sont donc désormais pleinement consacrés et stabilisés. C'était le vœu du Gouvernement, conformément aux engagements pris par le Président de la République lui-même lors de sa campagne présidentielle.

Je voudrais rappeler que le Concordat n'abolit absolument pas le principe de laïcité en Alsace et en Moselle : dans ces départements, comme sur l'ensemble du territoire de la République, l'État est neutre, indépendant de toute emprise, et le libre exercice du culte y est total.

L'organisation des cultes est différente : certains d'entre eux bénéficient d'avantages figés par l'histoire, d'autres sont moins aidés.

Les régions concordataires sont des régions de tolérance où règne un dialogue de qualité entre les représentants des grandes confessions pratiquées en France. Rien ne justifie aujourd'hui que ces équilibres soient remis en question.

J'espère vous avoir pleinement rassuré, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour la réplique.

M. André Reichardt. Je vous remercie, madame la ministre, de cette déclaration tout à fait claire.

Les représentants des religions concordataires des trois départements de l'Est ont été choqués et n'ont pas compris les raisons pour lesquelles M. le député Candelier a déposé la proposition précitée, alors même - je l'ai dit - que nos départements connaissent une laïcité apaisée, qui se fond sans difficulté dans le respect de toutes les religions. Ils ont souhaité obtenir l'assurance que cette initiative individuelle ne prospérera pas dans la procédure parlementaire et n'obtiendra pas le soutien du Gouvernement.

Pour ma part, permettrez-moi de rappeler que, par principe, toute modification de la législation locale se fait en lien étroit avec les parlementaires des départements concernés - tel a toujours été le cas - et certainement pas à l'initiative d'un parlementaire, aussi honorable soit-il, d'une autre région et, qui plus est, appartenant à un courant de pensée qui n'est pas majoritaire chez nous, loin s'en faut.

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