Question de M. ADNOT Philippe (Aube - NI) publiée le 13/06/2014

Question posée en séance publique le 12/06/2014

Concerne le thème : Les territoires ruraux et la réforme territoriale

M. Philippe Adnot. Monsieur le secrétaire d'État, je suis très intrigué : comment un président de conseil général comme vous peut-il être autant opposé à l'existence des départements, et tenir parfois à ce sujet des propos aussi violents ? Je vous rappelle, en effet, que vous avez indiqué vouloir les « vider de leur substance ». Comment peut-on présider un conseil général pendant plus de dix ans et ne pas avoir la passion de son territoire, ne pas savoir à quel point l'action départementale s'est trouvée enrichie ?

Vous affirmez que la réforme territoriale entraînerait une baisse de la dépense publique de 17 milliards d'euros. Mais vous savez pertinemment que c'est faux ! Le budget de mon département, l'Aube, représente 0,5 % du total des budgets des départements français. Votre annonce signifie que mon conseil général devrait réaliser 85 millions d'euros d'économies, or vous savez bien que c'est impossible !

J'irai plus loin : non seulement la dépense publique ne diminuera pas, mais elle augmentera ! Vous voulez transférer la compétence des routes aux régions ; il faudra pour cela constituer des états-majors régionaux, car les régions en sont dépourvues. En revanche, il ne manquera pas un seul travailleur sur les routes départementales, car nous avons totalement optimisé l'organisation des services qui sont chargés de ces routes depuis que l'État, par la décentralisation de la compétence en la matière aux départements, nous a confié la gestion des personnels dédiés. J'ajoute que les départements font preuve d'une grande maîtrise quant au nombre d'emplois, chose que – croyez-moi ! – les régions n'arriveront pas à faire.

Vous voulez également transférer la compétence des transports scolaires aux régions. C'est donc dans un lieu parfois situé à 500 kilomètres de certaines communes que l'on établira le détail de ces transports… Je vous souhaite bien du plaisir, monsieur le secrétaire d'État : les transports scolaires, c'est de la dentelle ! Il faut être capable, tous les matins, de savoir s'il y a du verglas, si les cars peuvent circuler, ce qui est impossible à l'échelon régional.

Quand une région veut construire un lycée en même temps qu'un collège est bâti – cela peut arriver –, c'est le département qui s'en charge, pour le compte de la région, car celle-ci ne dispose pas des services adéquats.

Avec cette réforme, donc, vous allez créer un nombre incalculable d'états-majors à l'échelon régional, et je vous garantis que vous serez loin d'atteindre vos objectifs en matière de dépense publique.

Mme Lebranchu a annoncé que la suppression de la clause de compétence générale permettrait aux conseils généraux de réaliser une économie de 35 %. Il faut vraiment ne rien connaître aux budgets de ces collectivités territoriales pour dire de telles sottises !

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, j'ai commencé à comparer les régimes indemnitaires des conseils départementaux et ceux des conseils régionaux. J'ai constaté que la réforme entraînerait une hausse de plus de 15 % de la masse salariale,…


M. Roger Karoutchi. Eh oui !


M. Philippe Adnot. … sans compter l'augmentation du nombre de fonctionnaires, les régions n'ayant pas été raisonnables en la matière. Les départements ont diminué le nombre de personnels techniciens, ouvriers et de service dans les collèges, quand les régions, alors même que le nombre de lycéens baissait, l'ont fait croître !

Enfin, j'ajouterai que les communes demandent même aux départements d'instaurer des agences techniques pour les aider, parce qu'elles sont aujourd'hui démunies.

En conclusion, avec cette réforme, vous préparez la ruine des finances de la France, monsieur le secrétaire d'État, et vous préparez la désertification de nos campagnes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

- page 4790


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale publiée le 13/06/2014

Réponse apportée en séance publique le 12/06/2014

M. André Vallini,secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, avant toutes choses, je tiens à vous dire que j'ai la passion de mon territoire, de mon département. J'y suis né, j'ai été maire de ma petite ville natale, et je suis conseiller général du canton de cette ville depuis vingt-deux ans. J'aime beaucoup le département de l'Isère, et je m'investis totalement dans l'exercice des mandats locaux qui m'ont été confiés par le suffrage universel.

Pour autant, je ne suis pas attaché à l'institution du conseil général en tant que tel, créé voilà plus de deux cents ans, en 1789, et devenu une collectivité locale en 1871. Les choses bougent, la société évolue, monsieur le sénateur. On peut donc être attaché à son territoire, à son canton, à son département, et vouloir, dans le même temps, que les institutions s'adaptent à la société.

Je ne reprendrai pas les éléments de réponse que j'ai formulés précédemment. J'insisterai seulement sur la nécessité d'avoir des intercommunalités plus grandes, plus efficaces en matière de proximité, et des régions plus grandes, plus efficaces en matière de compétitivité.

J'en viens à la gestion des conseils généraux. J'ai la fierté, en treize ans, de ne pas avoir augmenté, avec mon équipe départementale, les impôts de l'Isère, qui est aussi le département le moins endetté de France en euros par habitant.

Mme Catherine Procaccia. Ça change de la Corrèze !

M. André Vallini,secrétaire d'État. Il est donc aussi celui qui investit le plus en euros par habitant. Par conséquent, je peux vous parler de gestion des collectivités territoriales autant que vous le souhaitez.

Cela dit, demain, les régions seront tout à fait capables d'assumer les compétences que nous allons leur transférer, en en déléguant certaines ensuite, à des fins de proximité, aux intercommunalités.

M. Jacques Mézard. Vraiment ?

M. René-Paul Savary. Et avec quels moyens ?

M. André Vallini,secrétaire d'État. Je pense au transport scolaire ou- pourquoi pas ? - à l'entretien de certaines routes.

Ainsi, des économies d'échelle sur les marchés publics, notamment, sur les services généraux, sur les rémunérations et sur la gestion des ressources humaines sont rendues possibles.

Les intercommunalités, quant à elles, seront les relais de la proximité, afin d'exercer les compétences au mieux, au plus près des habitants et de leurs besoins.

Ne vous inquiétez pas, monsieur le sénateur, nous allons faire cela ensemble, en connaisseurs de l'action publique locale. Je suis sûr que nous pouvons dépasser les clivages partisans et mener à bien une belle et grande réforme territoriale.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour la réplique.

M. Philippe Adnot. Monsieur le secrétaire d'État, nous allons devoir demander à la Cour des comptes de chiffrer le coût de la réforme que vous voulez conduire, car énormément de mensonges ont été proférés. Je vous le garantis, cette analyse, quand elle sera achevée, démontrera l'augmentation de la dépense publique entraînée par cette réforme, non pas pour quelques années seulement, mais de façon permanente !(Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

Cela me fait sourire de penser que vous comptez confier l'accueil des mineurs étrangers isolés aux intercommunalités : elles vont être contentes de devoir s'en occuper ! Et vous voulez aussi nationaliser la gestion des services des sapeurs-pompiers : vous allez probablement être ravi de devoir augmenter la dépense publique à chaque fois que vous serez confronté à un problème les concernant...

À chaque augmentation de dépenses, ce sont les départements qui assument. Et vous voulez désormais renationaliser ? Je vous souhaite bien du plaisir pour prendre en charge la dépense publique qui en découlera !

Il y a une vraie urgence, monsieur le secrétaire d'État, mais vous vous trompez totalement quant aux intercommunalités. Les communes n'ont même pas fini de se regrouper - le processus doit se terminer en 2017 -,les intercommunalités n'ont pas encore décidé le niveau de compétences qu'elles veulent s'arroger, et vous remettez déjà l'ouvrage sur le métier ! C'est de la folie pure ! Leurs élus vous le diront au mois de septembre, lors des prochaines élections sénatoriales.(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

- page 4791

Page mise à jour le