Question de M. LONGUET Gérard (Meuse - UMP) publiée le 19/06/2014

M. Gérard Longuet attire l'attention de Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique sur la problématique d'alignement du cadre d'emploi des attachés territoriaux de conservation du patrimoine et des bibliothécaires territoriaux sur celui des attachés d'administration.

Il lui rappelle qu'elle a proposé de consacrer l'année 2014 à la discussion sur une réforme d'ensemble de l'architecture statutaire et de rémunération de la fonction publique qui portera, notamment, sur les déroulements de carrière, les grilles indiciaires, le recrutement, la mobilité.

Une modification des statuts des attachés de conservation du patrimoine et des bibliothécaires territoriaux est aujourd'hui nécessaire pour établir enfin une cohérence avec les autres cadres d'emplois de catégorie « A » de la fonction publique territoriale, pour permettre une évolution de carrière et pour instaurer une parité entre les filières culturelles des fonctions publiques. Il lui demande de lui préciser quand cette révision sera mise en œuvre.

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Transmise au Ministère de la décentralisation et de la fonction publique


Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique publiée le 22/10/2014

Réponse apportée en séance publique le 21/10/2014

M. Gérard Longuet. Monsieur le président, je vous remercie d'avoir rappelé notre longévité parlementaire. Sachez cependant que je vous dois le respect, car vous avez été élu plus souvent que je ne le fus, les électeurs, dans leur sagesse, m'ayant donné la possibilité de découvrir d'autres activités que la députation, par exemple en 1981...(Sourires.)

Monsieur le ministre, je me réjouis que vous soyez présent, non parce que la réponse de Mme Lebranchu m'aurait déçu - bien au contraire, c'est une femme compétente ! -, mais parce que c'est une première et que je souhaite saluer l'arrivée d'un nouveau ministre qui apporte au Gouvernement une tonalité différente. Cela pose d'ailleurs davantage de problèmes chez vous que chez nous, monsieur le ministre, mais c'est votre affaire et je suis persuadé que vous pouvez l'assumer !

Je m'en réjouis également parce que vous êtes en charge des professions réglementées et vous souhaitez faire évoluer celles-ci au bénéfice de la productivité française. Cela tombe bien, car le sujet que j'évoquerai aujourd'hui est lié à la fonction publique, laquelle est la première profession réglementée dans notre pays, et je pense ici tout particulièrement à la fonction publique d'État, ainsi que, accessoirement, à celle des collectivités territoriales, la fonction publique hospitalière n'étant pas concernée par la question que j'entends soulever.

Je note que le Gouvernement comprend un ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Cet ensemble est extrêmement cohérent : la décentralisation implique que l'État transfère, nolens volens, des responsabilités aux collectivités locales. Les collectivités locales sont alors obligées, M. le maire de Marseille le sait bien, d'assumer des activités que l'État ne peut ou ne veut plus assumer. Dans ce jeu de la décentralisation, se pose naturellement la question du statut des agents.

On ne peut pas reprocher à nos compatriotes qui sont fonctionnaires de réfléchir à la façon dont ils sont traités selon qu'ils relèvent de la fonction publique d'État ou de la fonction publique territoriale. Ils font en effet le même métier, même si les conditions d'emploi sont différentes.

Les attachés d'administration chargés de la conservation du patrimoine ou des bibliothèques territoriales, sur qui porte ma question, sont des fonctionnaires des collectivités locales. Ils souhaitent un alignement de leur statut sur celui des attachés d'administration généraux, qu'ils ressortissent à la fonction publique territoriale ou à celle de l'État.

Monsieur le ministre, votre collègue Mme Lebranchu- mais, en vertu de l'unité gouvernementale, vous représentez ici l'ensemble du Gouvernement - avait retenu le principe selon lequel une large réflexion en vue de rapprocher les deux statuts serait menée en 2014. L'année touche à sa fin. Aussi ma question sera-t-elle d'une grande simplicité : où en est cet effort de rapprochement des deux statuts ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron,ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le sénateur, Mme Lebranchu vous prie de bien vouloir l'excuser, car elle est ce matin en déplacement dans le Loir-et-Cher.

M. le président. Avec Mme Gourault !

M. Gérard Longuet. C'est une raison suffisante !

M. Emmanuel Macron,ministre.Je vais donc vous apporter la réponse qu'elle m'a chargé de vous transmettre. C'est dire que ma science en la matière est toute récente ! (Sourires.)

J'aborderai d'abord le point particulier que vous avez soulevé, avant d'élargir le débat.

Vous évoquez la situation des agents des cadres d'emplois de catégorie A de la filière culturelle de la fonction publique territoriale, en l'occurrence les attachés de conservation et des bibliothèques, qui souhaitent un alignement de leur carrière sur celle des attachés de la filière administrative. Je rejoins votre préoccupation en la matière. Il est vrai que, pour nos concitoyens, en particulier les fonctionnaires, la complexité de l'articulation entre les différents grades et avancements des fonctions publiques devient de plus en plus insoutenable et difficile à expliquer.

À l'occasion de la dernière modification du statut des bibliothécaires territoriaux et des attachés territoriaux de conservation du patrimoine, opérée par deux décrets du 17 décembre 2009, pris à la suite du rapport sur la filière culturelle présenté au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, l'indice brut terminal de leur grade unique a été aligné sur celui du premier grade du cadre d'emplois des attachés, soit 801, contre 780 auparavant.

En revanche, l'instauration d'un grade d'avancement n'a pas été retenue. Il convient de noter que l'un des corps homologue de la fonction publique de l'État, celui des bibliothécaires, ne comprend également qu'un seul grade. À cet égard, un rapport de l'inspection générale des bibliothèques de 2009, consacré à l'évolution de ce corps, ne préconisait pas la création d'un grade d'avancement. Une telle évolution n'a donc pas été envisagée dans la fonction publique territoriale de peur de susciter un « appel d'air », si j'ose dire, et de provoquer des demandes reconventionnelles dans les autres filières non alignées sur les attachés territoriaux.

La réponse qui m'a été fournie ne concerne que les bibliothécaires. Je ne sais ce qu'il en est pour les attachés de conservation. Mais cet exemple illustre en tout cas qu'il devait exister de bonnes justifications pour ne pas créer un grade supplémentaire.

J'ai bien conscience que la démonstration que je suis en train de vous faire montre la complexité de la situation et les effets de bords symétriques entre fonctions publiques.

C'est consciente de cette complexité et de cette harmonisation nécessaire que Mme Lebranchu avait annoncé l'ouverture de discussions sur l'avenir de la fonction publique. Elle entend faire en sorte que cette réflexion soit menée ; elle portera notamment sur l'harmonisation des carrières et des grilles entre versants de la fonction publique et à l'intérieur de chaque versant. La problématique que vous avez soulevée pourrait être étudiée dans ce cadre.

Le dialogue qui a été entamé par Marylise Lebranchu sera poursuivi dans les mois à venir et a vocation à aboutir en 2015.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, je ne vous répondrai pas sur le fond du sujet, car il est d'une grande technicité. Mais revenons-en aux principes.

J'étais rapporteur du budget de la fonction publique en 1978 : cela m'avait valu quelques difficultés avec les organisations syndicales, car j'avais préconisé une fonction publique reposant sur des opérateurs et des agences ; j'avais un peu d'avance, car c'est aujourd'hui de plus en plus souvent le cas !

Monsieur le ministre, il faut rechercher le dialogue, bien sûr, mais il faut aussi accepter la souplesse. Mme Lebranchu étant en charge de la décentralisation, elle conviendra sûrement qu'il est normal que les collectivités locales aient des visions différentes en matière de culture. Certaines, pour des raisons historiques, en raison de la présence d'une métropole ou à cause de leur vocation touristique, font un effort culturel important, qui les conduit à privilégier des carrières culturelles et à s'efforcer de recruter les meilleurs, donc d'être attractives.

Les collectivités locales ont une marge de manœuvre, qui pousse naturellement les salariés de la fonction publique à rechercher un alignement vers le haut. Est-ce compatible avec l'état général des finances des collectivités locales ou de l'État ? Sans doute pas !

Je souhaite profondément que Mme Lebranchu tienne son engagement de dialogue, mais j'accepterais que, dans une politique de décentralisation, on laisse une certaine liberté aux collectivités locales. J'ai en tête l'exemple du Centre Pompidou de Metz, en Lorraine, qui est une véritable réussite. Il se trouve que les collectivités locales participent à son fonctionnement ; c'est leur libre choix, car elles n'avaient aucune obligation de le faire. Elles peuvent participer soit en subventionnant des personnels, soit en en embauchant. Il faut leur laisser une certaine liberté.

J'espère que la sincérité du dialogue permettra à chacun d'accepter le libre choix des collectivités locales, sans dévaloriser la fonction publique territoriale par rapport à la fonction publique d'État.

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