Question de M. de MONTESQUIOU Aymeri (Gers - UDI-UC) publiée le 13/11/2014

M. Aymeri de Montesquiou interroge Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le problème soulevé par la cartographie récemment communiquée par l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) superposant des parcelles protégées à des parcelles déclarées constructibles dans les cartes communales validées par les services de la direction départementale des territoires (DDT).
L'INAO vient de communiquer à la direction départementale des territoires du Gers la liste des parcelles protégées dans la zone d'appellation protégée du vignoble de Saint-Mont. Or, un certain nombre de ces parcelles sont incluses dans les cartes communales élaborées il y a plusieurs années et validées par les services de la DDT en 2012. Certaines parcelles ont été vendues, certaines sont déjà construites.
Les maires des 13 communes concernées ont reçu un courrier de la DDT indiquant que les parcelles protégées par l'INAO ne sont pas constructibles, en application de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme relatif à l'atteinte à l'activité agricole.
Jusqu'à présent, l'article R. 111-14, libellé de façon à laisser à l'appréciation du maire la constructibilité des parcelles en fonction de la réalité du terrain, convenait à tous. En effet, la taille insuffisante à toute culture de la vigne ou encore la séparation des autres parcelles ne permettant pas une exploitation agricole pouvaient conduire le maire à autoriser des constructions sur certaines parcelles.
Or, l'interprétation restrictive de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme par les services de la DDT provoque l'inquiétude, voire la colère des maires -qui voient une partie de leur territoire privé de constructibilité, gelant leurs projets de développement communal - et leur l'incompréhension devant cette absence de considération à l'égard des élus, dépossédés de leur marge d'appréciation, et cette absence de bon sens. Ces conflits entre élus et administration sont susceptibles d'être portés devant le tribunal administratif.
Il lui demande de bien vouloir lui confirmer les engagements de l'État sur la constructibilité des terrains.

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Transmise au Ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité


Réponse du Ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité publiée le 21/01/2015

Réponse apportée en séance publique le 20/01/2015

M. Aymeri de Montesquiou. Les maires de treize communes viticoles du sud-ouest du département du Gers, dans la zone de Saint-Mont, sont abasourdis et exaspérés par l'incohérence de l'administration : elle remet en cause des décisions qu'elle a elle-même entérinées !

Ces communes ont établi leur carte communale au milieu des années 2000, en conformité avec la loi, après consultation de leur population et validation par la DDT, la direction départementale des territoires. Or l'INAO, l'Institut national de l'origine et de la qualité, a communiqué à la DDT, à la fin de l'année 2014, c'est-à-dire plusieurs années après la constitution des documents d'urbanisme, la cartographie des parcelles protégées dans la zone viticole de Saint-Mont. Celle-ci se superpose à un certain nombre de parcelles déclarées constructibles. Il s'avère que ces parcelles de quelques centaines de mètres carrés sont considérées comme impropres à la culture de la vigne par les syndicats de producteurs eux-mêmes, en raison de leur taille très modeste et de leur enclavement, qui a pour conséquence l'impossibilité de traiter la vigne par pulvérisation.

Désormais, ces mêmes parcelles sont déclarées inconstructibles par l'administration. Il y a là une incohérence insupportable entre les documents d'urbanisme et les délimitations de l'INAO, qui sont communiquées, je le répète, plusieurs années après que les documents d'urbanisme ont été validés. Ce dysfonctionnement courtelinesque pourrait faire sourire, mais ses conséquences sont graves : il provoquera une saisine massive de la juridiction administrative si les services de l'État refusent les demandes de permis de construire, bloquant ainsi tout développement immobilier des communes.

Les terrains dont il s'agit ont été déclarés constructibles, et l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme ne s'applique qu'à des parties non urbanisées des communes. Je souhaite donc, madame la ministre, que vous mettiez fin à ce dysfonctionnement et donniez des instructions sur la juste application de l'article R. 111-14 afin d'apaiser une situation devenue extrêmement tendue. Aujourd'hui, les élus, en particulier ceux des petites communes, se considèrent très mal traités par l'État. Il faut faire en sorte que, dans ce cas précis, ce mécontentement ne se transforme pas en exaspération.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel,ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur les problèmes posés par la cartographie communiquée récemment par l'INAO à la DDT du Gers. Cette nouvelle cartographie superpose une protection de type « appellation d'origine protégée », ou AOP, à certaines parcelles antérieurement constructibles.

Comme vous le savez, la protection du patrimoine agricole français est au cœur des préoccupations du Gouvernement. Nous attachons ainsi beaucoup d'importance aux appellations d'origines protégées et aux appellations d'origines contrôlées. Je rappelle que leur objectif est de mettre en avant et de protéger la typicité du terroir que l'on retrouve dans les produits, que cela soit l'origine géographique des ingrédients entrant dans leur composition ou le mode de production. Ces appellations sont également très importantes pour protéger les produits et leurs appellations des imitations, évitant ainsi une concurrence déloyale. Toutefois, nous devons également être très attentifs au fait que la protection des territoires concernés par ces appellations ne s'effectue pas au détriment de leur développement et de leur aménagement équilibré.

Votre question porte plus particulièrement sur le devenir de parcelles de communes dont la carte communale a ouvert des droits à construire en dehors des parties déjà urbanisées. Cette constructibilité est effectivement remise en cause par le nouvel état cartographique de l'INAO.

L'article R. 111-14 du code de l'urbanisme, qui s'applique en l'absence de plan local d'urbanisme, prévoit que les autorisations d'urbanisme peuvent être refusées en dehors des parties urbanisées des communes, notamment lorsque celles-ci pourraient compromettre les activités agricoles en raison de l'existence de terrains faisant l'objet d'une indication géographique protégée. En pratique, chaque demande de permis de construire sur des terrains classés en AOP fait l'objet d'un traitement au cas par cas par l'INAO, en lien avec la DDT et la commune concernée.

S'agissant de la situation que vous évoquez, je peux vous dire que j'ai demandé au préfet du Gers et à la DDT d'étudier actuellement le problème posé par le nouveau zonage AOP du vignoble Saint-Mont, en lien avec les associations de vignerons et l'INAO, dans le but d'adopter une démarche plus consensuelle sur ce sujet, qui pose effectivement problème à de nombreux élus. Sachez que mon ministère suit attentivement ce dossier et que je reste à votre écoute pour entendre les propositions que vous pourrez formuler pour concilier à la fois la nécessité de protéger ce terroir et d'aménager de façon équilibrée le territoire.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Madame la ministre, la situation serait beaucoup plus simple si vous reconnaissiez l'erreur commise par l'administration.

Nous sommes face à une incohérence absolue : les viticulteurs considèrent que ces parcelles sont impropres à la culture de la vigne, compte tenu de leur enclavement ; l'administration déclare certaines d'entre elles constructibles, puis l'INAO, qui appartient aussi à l'administration, estime que ce sont des territoires protégés.

L'administration peut se tromper, comme tout un chacun. Il lui suffirait de reconnaître son erreur pour désamorcer des tensions qui sont de plus en plus fortes.

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