Question de M. BÉRIT-DÉBAT Claude (Dordogne - SOC) publiée le 16/04/2015

M. Claude Bérit-Débat attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les problématiques récurrentes et importantes soulevées, chaque année, par l'élaboration de la carte scolaire pour le premier degré, au sein des départements ruraux.
Alors que le Gouvernement, depuis trois ans, redresse de manière incontestable l'école de la République, en lui redonnant, peu à peu, les moyens qui doivent être les siens dans l'exercice de ses missions, paradoxalement, les territoires ruraux ont le sentiment d'être exclus de ce mouvement positif, du fait même de l'élaboration des cartes scolaires qui suppriment, ici et là, des classes, souvent parce qu'il manque à l'appel - et parfois uniquement de manière ponctuelle - une poignée d'élèves.
Ainsi, estime-t-il qu'il serait opportun de mener une réflexion visant à permettre la refonte des critères d'élaboration des cartes scolaires, pour tenir compte, notamment, de la situation concrète des départements ruraux.
En effet, aujourd'hui, ces critères sont dominés par des seuils démographiques dont la définition est d'ailleurs peu lisible et qui créent de l'incertitude au sein des municipalités quant aux investissements à réaliser en faveur de leurs activités et structures scolaires.
Aussi, face à cette situation, l'interroge-t-il sur la possibilité d'assouplir ces critères démographiques mais, également, de les pondérer substantiellement avec d'autres critères existants, afin de permettre une meilleure prise en compte de l'évolution des effectifs scolaires en zones rurales.
À ce titre, il l'interroge sur la possibilité d'une plus large prise en compte de critères de territorialité, comme la durée de transports scolaires pour les élèves, question au cœur de la dynamique d'un territoire rural. Il l'interroge, en outre, sur l'insuffisante concertation avec les municipalités, estimant notamment que cette concertation devrait être conduite en amont, sur une base pluriannuelle. Il considère que ceci permettrait de lisser les évolutions d'une carte scolaire qui, dès lors qu'elle est réalisée, comme aujourd'hui, au coup par coup, chaque année, provoque des variations en termes de nombre de classes qui s'avérent problématiques, tant financièrement que socialement, en premier lieu pour les petites communes.
Il souhaite ainsi savoir comment le Gouvernement compte améliorer les modalités d'élaboration de la carte scolaire, en milieu rural, afin que cette dernière puisse favoriser l'égalité réelle des chances sur l'ensemble du territoire.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 10/06/2015

Réponse apportée en séance publique le 09/06/2015

M. Claude Bérit-Débat. Depuis trois ans, le Gouvernement refonde l'école de la République. Il lui redonne progressivement les moyens qui doivent être les siens, qu'il s'agisse des recrutements, de la formation des maîtres, de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République ou de la réforme en cours des collèges.

Je tiens à saluer ces efforts et à féliciter le Gouvernement, en particulier Mme la ministre de l'éducation nationale : demain, partout sur notre territoire, tous les élèves pourront avoir les mêmes chances et bénéficier d'un même enseignement de qualité. Toutefois, malgré tous ces efforts, les territoires ruraux, notamment dans le département dont je suis l'élu, la Dordogne, ont le sentiment d'être exclus de ce mouvement, du fait même des critères trop stricts d'élaboration des cartes scolaires et des suppressions de postes que leur application engendre chaque année. Aussi, il me semble urgent de repenser ces critères.

Je sais que le Gouvernement lui-même avance sur cette question. Il a annoncé l'application, pour les prochaines années, de nouveaux critères comme le niveau de vie des ménages, le caractère rural des communes, la mise en place de protocoles dans les départements ruraux volontaires ou encore la prise en compte des inscriptions au mois de juin et non plus au mois d'avril. Ces mesures vont incontestablement dans le bon sens. Néanmoins, à mes yeux, certains points méritent encore d'être précisés et affinés. Par exemple, pour les regroupements, surtout pour les regroupements périscolaires, le critère géographique pourrait inclure le temps de trajet des élèves. Le critère du nombre d'enfants par classe pourrait, lui aussi, être assoupli, de sorte que plus aucune classe, en milieu rural, ne soit fermée parce qu'il lui manque un ou deux élèves.

En outre, il me semble important que la concertation avec les élus, en particulier avec les maires, soit renforcée et repensée. Il faut associer davantage ces acteurs à l'élaboration des protocoles départementaux : ils le demandent tous. Surtout, il faut déterminer la carte scolaire sur une base pluriannuelle et, ce faisant, permettre aux élus de disposer d'une meilleure lisibilité quant aux investissements à engager dans le domaine scolaire.

Chacun l'aura compris, si je soutiens l'action du Gouvernement en matière scolaire, j'attends qu'il trouve une solution efficace pour résoudre les difficultés auxquelles sont confrontés, dans ce domaine, les départements ruraux. Aussi ma question est-elle la suivante : sur la base de ces éléments, comment le Gouvernement entend-il avancer, encore davantage, sur la question de la carte scolaire et de ses effets sur les départements ruraux ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin,ministre de la culture et de la communication. Le ministère de l'éducation nationale s'est donné pour mission de mieux répartir les moyens alloués aux académies, afin que soient mieux prises en compte les différences entre les territoires. Vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, le nouveau mode de répartition intègre, en plus du critère démographique, un élément social. Au total, c'est donc une pluralité de données territoriales, sociales, pédagogiques et fonctionnelles qui sont désormais prises en compte, comme, par exemple, les déplacements des élèves, la présence d'élèves à besoins éducatifs particuliers ou encore le rattachement à un réseau d'éducation prioritaire.

Dans le cas précis du département de la Dordogne, la baisse d'effectifs de plus de 450 élèves sur les deux dernières années s'est traduite par le retrait de sept postes pour la rentrée de 2015. Toutefois, la ruralité du territoire reste pleinement accompagnée avec le ratio d'encadrement le plus élevé de l'académie - celui-ci est de l'ordre de 5,39. Il n'est reste pas moins que la Dordogne compte encore 445 écoles de taille souvent limitée, alors même que la baisse du nombre d'élèves se poursuit depuis sept ans.

La conséquence de ce double constat est la fragilité de certaines écoles. Un travail est en cours pour rationaliser la carte scolaire en Dordogne et l'inscrire, ainsi, dans une construction durable.

Dans ce cadre, deux courriers cosignés par le préfet de la Dordogne et l'inspectrice d'académie ont été adressés aux maires et aux présidents d'EPCI, en juin et en novembre 2014, afin non seulement de rappeler ce contexte, mais aussi de lancer et d'accompagner une réflexion. À cet égard, un premier comité départemental de pilotage sur le tissu scolaire s'est tenu le 21 janvier dernier. En outre, une feuille de route départementale est en cours d'élaboration avec l'Union des maires.

Vous le constatez, la perspective n'est pas un modèle unique d'organisation de l'école, quels que soient les territoires. Il s'agit bel et bien de pouvoir adapter les différents établissements à leur contexte, notamment dans les secteurs ruraux, et, ainsi, de favoriser les conditions de réussite des élèves.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui va dans le bon sens. Néanmoins, permettez-moi d'insister sur l'inquiétude qu'éprouvent les maires ruraux de mon département.

Ces élus ne s'opposent pas aux fermetures d'écoles en tant que telles, dans la mesure où elles répondent aux évolutions de la démographie scolaire. Le contexte local peut rendre de telles mesures nécessaires. Cependant, ils souhaitent disposer d'une visibilité à moyen et long terme. À cet égard, la situation la plus dramatique, c'est celle de communes qui, un an après avoir investi dans des bâtiments scolaires, après s'être donné les moyens d'améliorer l'accueil des élèves, se trouvent contraintes de fermer leur école. À mon sens, une véritable concertation doit s'engager avec les élus de terrain, par exemple au niveau des intercommunalités : ces territoires sont, à présent, assez homogènes. Je le répète, tous les élus locaux demandent à être associés.

De surcroît, il faut se garder d'appliquer des critères numériques stricts. En milieu rural, lorsqu'un regroupement est effectué, d'autres facteurs doivent être pris en compte - par exemple, le fait que certains élèves devront faire un trajet de trois quarts d'heure en car scolaire pour rejoindre leur école... Ces éléments sont importants pour décider, dans le cadre d'une concertation, quelle classe sera supprimée.

Je suis parfaitement informé de la démarche engagée dans le département de la Dordogne et des efforts accomplis par M. le préfet et par Mme l'inspectrice d'académie. Toutefois, de leur côté, les élus persistent à demander une concertation bien en amont. Ils veulent disposer d'une véritable lisibilité quant au devenir de leur école et des investissements qu'ils doivent engager. C'est un enjeu pour les finances publiques et vis-à-vis de leurs concitoyens, auxquels ils doivent rendre des comptes.

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