Question de Mme GIUDICELLI Colette (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 30/07/2015

Mme Colette Giudicelli interroge M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences de l'afflux de migrants pour le conseil départemental des Alpes-Maritimes.

En effet, depuis plusieurs semaines, les Alpes-Maritimes sont confrontées à une vague exceptionnelle de migrants qui tentent de passer la frontière italienne.

Dans ce contexte tendu, le département doit faire face, parallèlement, à une augmentation significative du nombre de jeunes qui, entrés sur le territoire national, tentent d'obtenir le statut de mineur isolé étranger (MIE). L'État italien refuse, de son côté, de réadmettre ces mineurs, au motif que rien n'est prévu dans les accords de Schengen. Il est à craindre que des filières d'immigration clandestine ne se constituent pour permettre à des jeunes adultes d'être admis par la France au titre de mineurs isolés étrangers.

À ce jour, les services de la protection de l'enfance du département des Alpes-Maritimes connaissent des difficultés dans la gestion de ce public, tant en termes d'accueil que de détermination de l'âge de ces jeunes.

Le département doit faire face, en particulier, à un manque de places d'hébergement. Le foyer de l'enfance est désormais saturé et les mineurs isolés sont accueillis dans des structures hôtelières. L'internat du lycée professionnel « Paul Valéry » à Menton a même été réquisitionné pour héberger des jeunes adultes.

C'est le conseil départemental qui assure cette prise en charge des mineurs au titre de l'aide à l'enfance. En dépit de l'aide financière que l'État devrait apporter, le coût global, pour le conseil départemental, est en train d'exploser. Le budget consacré aux mineurs isolés étrangers est passé de 3,3 millions d'euros en 2011 à 6,2 millions en 2014. Il s'élève, au cours des six premiers mois de l'année 2015, à près de 3,3 millions d'euros.

Plusieurs départements sont confrontés au même phénomène. Ils ne peuvent plus, raisonnablement, assurer seuls une charge qui n'a rien à voir avec la protection de l'enfance mais devrait relever de la solidarité nationale.

Dans ce contexte, elle demande donc au Gouvernement quelles dispositions il entend adopter pour réduire le coût de cette prise en charge par les départements.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes publiée le 28/10/2015

Réponse apportée en séance publique le 27/10/2015

Mme Colette Giudicelli. Le département des Alpes-Maritimes est confronté depuis plusieurs mois à une vague exceptionnelle de migrants, qui tentent de passer la frontière italienne.

Nous devons faire face à une augmentation significative du nombre de mineurs isolés étrangers. Ainsi, du 1er janvier au 15 octobre de cette année, c'est-à-dire en un peu plus de dix mois, le flux du nombre de jeunes accueillis par le département s'est élevé à 1 534, contre 173 en 2014. Nous souffrons notamment d'un manque de places d'hébergement. Le foyer de l'enfance est saturé depuis 2013, et les mineurs isolés sont aujourd'hui accueillis au centre international de Valbonne.

Par ailleurs, le budget consacré à ces mineurs est passé de 3,3 millions d'euros en 2011 à 6,2 millions d'euros en 2014, pour atteindre cette année, toujours durant la période précitée, près de 7 millions d'euros.

Il convient de comparer ce coût avec le montant de la dotation forfaitaire de l'État, qui devrait s'élever à moins de 1 million d'euros en 2015. Nous ne pouvons plus raisonnablement assumer seuls cette charge, d'autant qu'elle n'a rien à voir avec la protection de l'enfance, mais devrait plutôt relever de la solidarité nationale.

Dans ce contexte, quelles dispositions le Gouvernement entend-il adopter pour réduire le coût global de cette prise en charge qui incombe aux départements, alors que cela ne devrait pas être le cas ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, tout enfant en danger sur le territoire national peut bénéficier du dispositif de protection de l'enfance, ainsi que vous l'avez rappelé.

La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance a expressément précisé que les enfants temporairement ou définitivement privés de la protection de leur famille relevaient de l'intervention des départements au titre de la protection de l'enfance. L'État intervient au titre de sa mission régalienne d'évaluation des situations de danger et contribue ainsi à répondre aux situations des enfants isolés étrangers.

Un protocole d'accord a été conclu le 31 mai 2013 entre l'Assemblée des départements de France et les ministères de la justice, des affaires sociales et de l'intérieur, afin d'organiser un système de solidarité entre les départements pour assurer la prise en charge de ces enfants au travers d'une répartition des accueils.

Le ministère de la justice a constitué une cellule nationale de répartition, qui recueille des données auprès de chaque département sur le nombre de mineurs isolés accueillis et propose aux tribunaux des réorientations. Ceux-ci mettent en œuvre cette réorientation si tel est l'intérêt de l'enfant.

Ce protocole prévoit également une participation financière de l'État à hauteur de 250 euros par jour et par enfant dans la limite de cinq jours de prise en charge. Le 17 octobre 2015, le Gouvernement a versé sa participation pour l'année 2015, soit 9,5 millions d'euros.

Au demeurant, les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille ne sont pas toujours en mesure de prouver leur minorité.

Dans le cadre de la procédure d'assistance éducative, l'article 1183 du code de procédure civile permet à l'autorité judiciaire d'ordonner toute mesure d'information : une enquête sociale, des examens médicaux, des expertises psychiatriques et psychologiques. Ces questions sont en débat au Parlement dans le cadre de la proposition de loi relative à la protection de l'enfant, déposée le 11 septembre 2014 par la sénatrice Michelle Meunier.

Dans les Alpes-Maritimes, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse s'est mobilisée, ainsi que les autres services de l'État et le conseil régional, pour soutenir le département face à une situation exceptionnelle.

Entre le 1er juin et le 4 septembre 2015, 453 jeunes ont demandé protection. L'évaluation effectuée conjointement par les services de la police aux frontières, le procureur de la République et le conseil départemental a permis d'établir, sans recours d'ailleurs aux tests osseux, que seuls 100 d'entre eux étaient mineurs. Le 9 septembre dernier, 32 de ces enfants étaient mis à l'abri dans un internat scolaire et 7 d'entre eux étaient accueillis dans d'autres départements.

Paradoxalement, cette situation a permis, permettez-moi de le souligner, une reprise de contact fructueuse avec le conseil départemental des Alpes-Maritimes, qui ne transmettait plus de données à la cellule nationale de répartition des mineurs isolés depuis janvier 2015. En l'espèce, nous avons progressé dans le cadre d'une solidarité effective.

Madame la sénatrice, il serait donc faux de dire que l'État ne participe pas à la prise en charge des mineurs isolés de manière régulière, comme en cas de situation exceptionnelle d'ailleurs, et ce alors qu'il s'agit d'une compétence des départements.

M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli.

Mme Colette Giudicelli. Monsieur le secrétaire d'État, je savais bien que vous n'alliez pas nous annoncer des millions et des millions d'euros pour combler les dotations que vous avez supprimées.

Que dire ? Les chiffres que vous avez énoncés sont faux. Si vous en êtes d'accord, rencontrons-nous pour en reparler.

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