Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 02/07/2015

M. Roger Karoutchi interroge M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur la situation alarmante de nos compatriotes devenus « djihadistes » dans différents pays, au Moyen-Orient mais aussi en France. Il s'inquiète du nombre de Français qui partent, toujours plus nombreux, faire le « djihad » dans des pays en proie à de violents affrontements entre les forces armées régulières et les groupes terroristes. Récemment, trois Français ont péri dans des attentats-suicides en Syrie et en Irak. Les services de renseignement français estiment que le nombre de « djihadistes » sur le territoire national est de 1 730, qu'ils soient français ou résidant en France. Il relève qu'une telle situation pose un grave problème en termes de sécurité publique, notamment au regard de leur volonté de mourir, comme l'a récemment pointé un rapport parlementaire (Assemblée nationale. Rapport d'enquête n° 2828). Il souhaite connaître les mesures qu'il entend prendre pour enrayer la hausse inquiétante du nombre de « djihadistes » français ou résidant en France.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 17/03/2016

Le nombre d'individus désireux de rejoindre la zone syro-irakienne, principalement dans les rangs de l'État islamique (EI), continue de croître. Au 27 août 2015, 1 726 individus formellement identifiés et 132 présumés morts, de nationalité française ou résidents en France, sont recensés pour leur implication dans le jihad en Syrie et en Irak. Face à l'ampleur de cette menace, la DGSI apporte une réponse à la fois judiciaire et administrative qui s'articule autour de quatre objectifs : lutter en amont contre les phénomènes de radicalisation ; optimiser le suivi de la mouvance islamiste active sur le territoire français ; réduire le nombre de départ de combattants vers les zones de jihad ; prévenir le retour sur notre territoire d'individus jugés dangereux. Cette stratégie repose également sur le développement de mécanismes de coopération nationale, communautaire et internationale destinés à améliorer les échanges opérationnels et analytiques. Premièrement : la réponse judiciaire. Dans le contexte actuel, la majorité des dossiers judiciaires traités par la DGSI ont trait aux réseaux d'acheminements de combattants à destination de la zone syro-irakienne. À cet égard, la stratégie de contre-mesures consiste à judiciariser tout individu intégré dans un groupe terroriste jihadiste en Syrie. Deuxièmement : la réponse administrative. Les mesures de police administrative visent tant les personnes, physiques ou morales, que leurs moyens d'action. La détection des volontaires a été renforcée par la mise en œuvre, depuis le mois d'avril 2014, de la plateforme d'appel permettant à des citoyens d'alerter les autorités sur des cas de radicalisation. Parallèlement, la DGSI a systématisé les entretiens administratifs avec les individus concernés, ainsi qu'avec leurs familles. Elle a procédé à des entretiens administratifs : avec des collatéraux désireux de signaler un membre de leur famille ; avec des velléitaires ; La DGSI met également en œuvre des contre-mesures administratives : inscription systématique des individus dans le Fichier des Personnes Recherchées et au Système d'Information Schengen (SIS) ; signalement en vue de la non-délivrance de passeports : lorsque de déplacement d'un individu à l'étranger est susceptible de compromettre la sécurité nationale ou la sécurité publique, celui-ci peut faire l'objet d'une interdiction administrative de délivrance de passeport, ou du retrait de son passeport lorsqu'il se trouve déjà en possession du document. La DGSI est à l'origine de 21 demandes de retrait de passeport dans le cadre de la lutte contre les départs vers les terres de jihad ; expulsion de ressortissants étrangers impliqués dans les filières syriennes : cette disposition permet d'expulser les personnes « aux comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ». Dans le cadre de la lutte contre les filières syro-irakienne, la DGSI est à l'origine de 25 demandes d'arrêtés ministériels d'éloignement ; proposition de gel préventif des avoirs : pris sur la base du code monétaire et financier, les arrêtés ministériels de gel des avoirs permettent « le gel, pour une durée de six mois, renouvelable, des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des organismes et personnes (…) qui appartiennent à des personnes physiques ou morales qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, y incitent, les facilitent ou y participent (…). » En lien avec les filières syriennes, 24 personnes physiques ou morales ont fait l'objet d'un tel arrêté entre 2012 et 2014. Trois d'entre elles ont de surcroît fait l'objet d'une mesure de gel dans le cadre de sanctions de l'ONU ; signalement de départs auprès des organismes versant des prestations sociales : la DGSI constate que les candidats français au jihad en zone syro-irakienne financent le plus souvent leur départ par une mobilisation de leurs ressources personnelles et notamment par un certain nombre de prestations sociales ; demande d'interdiction de sortie du territoire (IST) pour des velléitaires majeurs : en vertu de la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme et du décret du 14 janvier 2015 relatif à l'IST des ressortissants français projetant de participer à des activités terroristes à l'étranger, la DGSI a émis 187 propositions d'IST. Au 24 août 2015, 88 arrêtés d'interdiction de sortie du territoire ont été prononcés, dont 84 notifiés ; interdiction administrative du territoire (IAT) pour les ressortissants étrangers impliqués dans les filières syriennes : cette mesure permet de refuser à un ressortissant étranger déjà présent sur le territoire de le reconduire d'office à la frontière. Depuis l'entrée en vigueur de la loi, la DGSI a formulé 60 propositions d'IAT ; entrave des départs de mineurs vers la Syrie. De nombreux parents se montrent coopératifs et s'engagent à entreprendre les mesures nécessaires. Ils peuvent s'opposer au départ de leur enfant en émettant une demande d'interdiction de sortie du territoire (IST) ou une demande d'opposition à la sortie du territoire (OST) en cas de départ imminent. Quant aux parents non coopératifs, la DGSI leur rappelle les principales obligations leur incombant au titre de l'autorité parentale. Pour éviter que des mineurs en bas âge ne soient emmenés de force en Syrie, la DGSI les signale aux préfets qui peuvent saisir les parquets compétents, aux fins de saisine du juge des enfants. 1 542 cas ont été signalés à la CNAF et 214 à Pôle emploi.

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