Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 15/10/2015

M. Roger Karoutchi attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les événements récents qui ont frappé des fonctionnaires de police dans divers endroits de notre pays. En à peine deux jours, quatre fonctionnaires de police ont fait l'objet d'agressions extrêmement violentes qui appellent une réponse pleine de fermeté face à des individus de plus en plus déterminés comme en témoignent les modes opératoires et les agressions subies : état « désespéré » d'un fonctionnaire suite à une blessure à la tête, fonctionnaire victime d'une collision avec une voiture conduite par un mineur à la suite d'un cambriolage, guet-apens… Il s'inquiète des directives données au sein des différents services de la police nationale et souhaite prendre connaissance de celles-ci ainsi que des mesures qui seront prises, en lien avec Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la révision nécessaire de la légitime défense applicable aux fonctionnaires de police.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 20/10/2016

Les policiers et les gendarmes assurent, avec professionnalisme et courage, le respect de la loi républicaine et la protection de nos concitoyens, dans des conditions de plus en plus difficiles, parfois au péril de leur vie. Les atteintes graves à leur intégrité physique atteignent des niveaux inacceptables. Lors de leurs interventions sur la voie publique, ils sont également fréquemment victimes d'outrages ou confrontés à des rébellions. En 2015, plus de 1 800 policiers et gendarmes ont été blessés et huit ont perdu la vie. Ces chiffres témoignent de la réalité des violences auxquelles sont exposées, au quotidien, les forces de l'ordre. Ces actes de violence, comme toutes les atteintes aux forces de l'ordre, sont inadmissibles. L'État a le devoir de protéger les agents de la force publique. Le respect dû à ceux qui incarnent le principe d'autorité et le droit est essentiel. En la matière, rien ne saurait justifier, dans un État de droit, que quiconque porte atteinte à des représentants de l'autorité publique. La protection des policiers et des gendarmes est un souci constant et prioritaire du ministre de l'intérieur. Policiers et gendarmes exercent leurs fonctions dans un cadre légal qui leur permet d'employer, mais toujours en ultime recours, la force armée. Le cadre légal applicable aux policiers et aux gendarmes est fondé sur les règles de la légitime défense (article 122-5 du code pénal) ou de l'état de nécessité (article 122-7 du code pénal). Pour le maintien de l'ordre public, le code pénal (article 431-3) et le code de la sécurité intérieure (articles L. 211-9 et D. 211-10 et suivants) permettent par ailleurs aux représentants de la force publique appelés en vue de dissiper un attroupement de faire directement usage de la force si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent. Outre les situations évoquées ci-dessus, communes aux policiers et aux gendarmes, les militaires de la gendarmerie peuvent déployer la force armée dans les cas énumérés à l'article L. 2338-3 du code de la défense (notamment pour empêcher la fuite d'une personne, après sommations faites à voix haute, et s'il n'existe pas d'autres moyens). Les jurisprudences européenne et nationale ont harmonisé le cadre d'emploi des armes, en conformité avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Quels qu'en soient les modalités et le fondement juridique, l'usage de la force est en effet soumis aux principes d'absolue nécessité et de proportionnalité exigés par la jurisprudence de la Cour de cassation comme par celle de la Cour européenne des droits de l'homme. Les débats sur ce sujet se développent toutefois et sont légitimes. À la demande du ministre de l'intérieur, un groupe de travail réunissant les inspections générales de la police et de la gendarmerie nationales et associant des parlementaires a été mis en place en 2015 pour examiner les possibles évolutions des cas d'usage des armes par les forces de l'ordre en cas d'absolue nécessité et notamment face aux tueurs de masse. La traduction de ces travaux a eu lieu dans la loi du 6 juin 2015, créant un nouveau cadre d'usage des armes par les forces de l'ordre confrontées à un périple meurtrier. Indépendamment de cette mesure, il doit être noté que, dans le contexte de l'état d'urgence, il a été décidé la mise en place temporaire d'un régime dérogatoire permettant à titre exceptionnel d'autoriser sous conditions les policiers et gendarmes à porter leur arme individuelle en dehors de leur service afin de leur permettre de faire face, à tout moment, dans le respect du droit applicable, à des individus armés. Les attaques terroristes de novembre ont confirmé l'importance de ce travail de révision des conditions d'usage de l'arme. À la suite des attentats de novembre, un renforcement massif des moyens des forces de l'ordre a également été décidé. La création de 5 000 postes supplémentaires dans la police et la gendarmerie a été annoncée par le président de la République devant le Parlement réuni en Congrès le 16 novembre 2015. Cet effort exceptionnel s'ajoute aux mesures déjà engagées depuis le début du quinquennat pour renforcer les effectifs avec la création chaque année de 500 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes, alors que 13 000 postes avaient été supprimés de 2007 à 2012 en application de la révision générale des politiques publiques. Dans le cadre du renforcement du dispositif anti-terroriste annoncé en janvier dernier par la Premier ministre, le Gouvernement avait en outre décidé la création de 1 500 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes entre 2015 et 2017. Par ailleurs, la création de 500 postes supplémentaires dans la police nationale et de 370 postes supplémentaires dans la gendarmerie nationale a été décidée en septembre pour faire face à la crise migratoire. Ce renforcement exceptionnel des moyens humains constitue un gage de sécurité accrue pour les personnels, notamment en intervention. Sur le plan matériel aussi, le Gouvernement est mobilisé pour que les forces de l'ordre disposent des moyens de remplir efficacement leurs missions, dans des conditions optimales de sécurité. Alors même que le projet de loi de finances pour 2016 prévoyait déjà une hausse des crédits de fonctionnement et d'investissement des forces de l'ordre, il a été décidé à la suite des attentats de novembre d'accroître encore cet effort, afin de donner aux membres des forces de l'ordre les moyens nécessaires à l'accomplissement de leurs missions. La seule police nationale va par exemple bénéficier en 2016 d'une augmentation de son budget initialement prévu (hors dépenses de personnel) de plus de 100 millions d'euros. Il y a lieu également de rappeler que 5,6 millions d'euros supplémentaires ont été dégagés dès 2015 dans le cadre du plan anti-terrorisme lancé en janvier pour des dépenses d'armement et de protection. Pour sa part, la gendarmerie nationale va bénéficier en 2016 d'une augmentation de 103 millions d'euros par rapport au projet de loi de finances initial en autorisations d'engagement (AE) et de 93,6 millions en crédits de paiement (CP), hors dépenses de personnel. Suite au plan de lutte anti-terrorisme, 8,5 millions d'euros supplémentaires ont été dégagés en 2015 pour des dépenses d'armement et de protection. Ces dotations budgétaires auront des conséquences directes sur le terrain en matière de renouvellement du stock d'armes, d'équipement en gilets pare-balles, de véhicules, etc. En présentant les décisions du Gouvernement le 14 octobre dernier, le Premier ministre a également annoncé des mesures qui auront un impact sur la sécurité des policiers et des gendarmes, avec la décision de réformer les modalités de sortie ponctuelle des détenus et l'annonce d'un plan national de lutte contre les armes à feu, lancé par le ministre de l'intérieur dès le mois de novembre. En 2016, le ministre de l'intérieur a mis en œuvre, le plan de renforcement des équipements des brigades anti-criminalité de la police (BAC) et des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG), fortement exposés dans la lutte contre la délinquance sur le terrain. Ce plan consiste à apporter des moyens supplémentaires à des personnels mieux formés, dans le cadre d'une doctrine d'intervention spécifique. Ce plan permet de sécuriser davantage les interventions des policiers et des gendarmes. Plus de six millions d'euros seront par exemple consacrés à l'amélioration de leurs équipements (protection individuelle et balistique renforcée, modernisation de l'armement, géolocalisation des BAC…). Tout est mis en œuvre pour assurer, sur le plan humain, matériel et juridique, la protection des membres des forces de l'ordre.

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