Question de M. BAS Philippe (Manche - Les Républicains) publiée le 18/11/2015

Question posée en séance publique le 17/11/2015

M. Philippe Bas. Monsieur le Premier ministre, dans l'épreuve, par-delà l'émotion, les Français montrent une fois de plus leur grandeur, leur dignité, leur force de caractère.

Hier, à Versailles, dans ce haut lieu de l'Histoire de France, la représentation nationale a exprimé l'unité de la Nation. Le Président de la République a annoncé des décisions. Beaucoup reprennent des propositions, récentes ou plus anciennes, que nous avions émises. C'était nécessaire !

Le Président de la République a également annoncé qu'il prendrait l'initiative d'une révision de la Constitution.

Notre collègue Jacqueline Gourault vous a posé une question ; vous n'avez pu y répondre de manière précise. En application de l'article 89 de la Constitution, il vous appartiendra de proposer au Président de la République une telle révision.

Que manque-t-il à notre Constitution pour être efficace dans la lutte contre le terrorisme ? Que proposez-vous de lui ajouter ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 18/11/2015

Réponse apportée en séance publique le 17/11/2015

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur Philippe Bas, comme vous, je veux saluer une nouvelle fois la dignité et la force du peuple français.

J'ai eu l'occasion de souligner tout à l'heure à l'Assemblée nationale, dans une autre ambiance, combien nous devions être attentifs - Marisol Touraine l'a rappelé - à la situation des victimes.

Nous, nous allons vite, dans nos analyses et dans l'action. C'est ce que nous proposons, sous l'autorité du Président de la République.

Mais les Français sont choqués ; ils posent des questions, expriment des inquiétudes. Il y a de la peur. Il y a également, bien entendu, de la colère. Je veux penser aux victimes, à leurs familles, à leurs proches. Les corps n'ont pas été rendus ; les obsèques n'ont pas eu lieu. Il faut accompagner ces victimes.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Répondez à la question !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le dis du fond du cœur : les Français nous regardent. M. le président du Sénat commence toujours les séances de questions au Gouvernement, en rappelant qu'elles sont télévisées. Pourrions-nous au moins, surtout dans cette séance particulière, nous respecter les uns et les autres ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne donne aucune leçon. Je m'exprime calmement. Et c'est avec ce même calme que je répondrai à M. le sénateur Philippe Bas, si ceux qui ont voulu m'interrompre me le permettent encore. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Répondez, monsieur le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je réponds, monsieur le président. Mais je le fais à ma manière, comme chef du Gouvernement ; chacun à sa place !

Une réforme constitutionnelle a été proposée par le Président de la République. Je comprends votre impatience. Nous trouverons, je n'en doute pas, le temps pour la préparer ; c'est la mission que le Président de la République m'a confiée.

J'ai déjà répondu à Mme la sénatrice Jacqueline Gourault sur la prorogation de l'état d'urgence ; je n'y reviens pas.

Nous voulons apporter une réponse juridique efficace au défi du terrorisme.

Comme M. le Président de la République l'a annoncé hier, nous souhaitons élargir les possibilités de déchéance de la nationalité. Le code civil permet cette déchéance pour une personne ayant acquis la nationalité française qui serait condamnée pour terrorisme, sauf si cela a pour effet de la rendre apatride.

La révision constitutionnelle proposée - nous aurons l'occasion d'y travailler - visera à étendre cette possibilité aux personnes nées françaises qui disposent de la double nationalité et qui ont été condamnées pour des faits de terrorisme ou pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.

Apporter une réponse juridique efficace au défi du terrorisme, c'est également créer un permis de retour pour les Français convaincus d'avoir participé à l'étranger à des activités en lien avec le terrorisme. Cela s'est fait au Royaume-Uni. D'ailleurs, des personnalités de l'opposition ont formulé de semblables propositions ; j'imagine qu'elles avaient bien dû réfléchir à la question constitutionnelle. L'obtention de ce permis de retour serait une étape obligatoire avant le retour sur le territoire national.

Telles sont les raisons ayant conduit le Président de la République à proposer la modification de la Constitution, qui constitue, comme il le soulignait, notre pacte collectif. Il s'agit de permettre aux pouvoirs publics d'agir conformément à l'État de droit contre le terrorisme de guerre.

Des propositions relatives au fichage d'un certain nombre de personnes ont également été émises. M. le ministre de l'intérieur a eu l'occasion de répondre sur ce point à l'Assemblée nationale tout à l'heure, et j'ai moi-même répondu à M. Laurent Wauquiez. Des réformes sont incontestablement nécessaires pour que de telles mesures puissent être conformes à notre droit constitutionnel.

Mettons les choses sur la table ! Vous avez émis des propositions ; nous avons engagé beaucoup de réformes. Si nous voulons avancer ensemble et nous montrer dignes de l'attitude du peuple français, refusons les invectives et les interruptions, pour rester droit debout, avec la volonté de répondre de manière efficace aux Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour la réplique.

M. Philippe Bas. Monsieur le Premier ministre, « droit debout », je veux vous dire que la Constitution est le pacte fondamental qui unit tous les Français. Il n'en est pas de plus élevé. On ne doit la réviser que pour des raisons impérieuses.

M. Alain Bertrand. Pour des raisons sérieuses et graves !

Une sénatrice du groupe socialiste et républicain. Il y en a !

M. Philippe Bas. Les explications que vous venez de nous donner exigent davantage de précisions si vous voulez convaincre la commission des lois et le Sénat tout entier. Nous sommes naturellement disponibles pour y travailler avec vous.

Je le rappelle, notre Constitution a permis de lutter contre les attentats de l'Organisation armée secrète, l'OAS, de faire face aux troubles en Nouvelle-Calédonie ou de répondre à l'épreuve des émeutes dans les banlieues. Il ne me semble pas qu'elle vous empêche aujourd'hui de mettre en œuvre l'état d'urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. L'état d'urgence, c'est douze jours. La prorogation par voie législative, c'est pour trois mois.

La loi de 1955 avait été imaginée dans d'autres circonstances. Elle a été appliquée dans d'autres conditions. Rien n'est comparable avec la situation actuelle, qu'il s'agisse des événements de Nouvelle-Calédonie ou des émeutes urbaines de 2005, qui avaient conduit le Premier ministre d'alors, M. Dominique de Villepin, à recourir à ce dispositif.

Il s'agit à présent d'imaginer comment, à l'issue de cette période de trois mois, nous pourrons continuer à bénéficier d'un certain nombre d'éléments, en les intégrant dans la Constitution, notre loi fondamentale. C'est l'engagement du Président de la République. Le mien, c'est que nous puissions y travailler ensemble.

Nous sommes au début d'un processus, monsieur Bas. Je ne peux pas vous répondre avec précision sur chaque point aujourd'hui. Mais je ne doute pas que nous avancerons ensemble, dans la sincérité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du groupe écologiste et du RDSE.)

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