Question de M. REICHARDT André (Bas-Rhin - Les Républicains) publiée le 18/02/2016

M. André Reichardt attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les difficultés rencontrées par les maires quant à la sécurisation des espaces publics dont ils ont la charge, que les communes concernées disposent ou non d'une police municipale.
La loi autorise en effet les maires à faire appel à des sociétés de surveillance privée, après accord donné par le préfet. Leur domaine d'intervention est particulièrement réglementé (article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure), puisque celles-ci n'ont le droit d'exercer leur mission qu'à l'intérieur de lieux fermés, d'espaces minutieusement balisés, ou aux abords de ceux-ci, mais en aucun cas sur la voie publique. Les agents de surveillance privée qui assisteraient à des méfaits n'ont pas le droit d'intervenir en direct, mais doivent en référer aux autorités compétentes, en l'occurrence à la gendarmerie lorsqu'il s'agit de communes rurales ne bénéficiant pas de police municipale. Or, pour les communes éloignées d'une caserne de gendarmerie, celle-ci met parfois du temps à se rendre sur les lieux…
Depuis les attentats de novembre 2015, il est demandé aux maires d'être particulièrement vigilants aux questions de sécurité sans qu'il leur ait été donné véritablement les moyens de pouvoir y faire face.
Une circulaire du ministère de l'intérieur datée du 5 janvier 2016 demande aux préfets d'élaborer des « conventions locales de coopération de sécurité » (CLCS) dans les zones exposées à la délinquance associant les maires et les services de sécurité privée autour des forces de l'ordre. Il s'agit d'une convention visant essentiellement à permettre des échanges d'informations, qui par ailleurs reconnaît, en les incluant dans le dispositif, le rôle joué par les sociétés privées de sécurité, sans toutefois solutionner les soucis de sécurisation des élus.
Aussi lui demande-t-il de lui indiquer comment les maires peuvent résoudre la quadrature du cercle entre leur obligation d'assurer la sécurité sur le territoire de leurs communes, l'absence de police municipale - pour les petites communes - et le recours limité et encadré à des sociétés de surveillance privée.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat, chargé de la biodiversité publiée le 22/06/2016

Réponse apportée en séance publique le 21/06/2016

M. André Reichardt. Madame la secrétaire d'État, j'ai souhaité attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les difficultés rencontrées par les maires quant à la sécurisation des espaces publics dont ils ont la charge, que les communes concernées disposent ou non d'une police municipale.

La loi autorise en effet les maires à faire appel à des sociétés de surveillance privée, après accord du préfet. Le domaine d'intervention de ces sociétés est particulièrement réglementé, puisqu'elles n'ont le droit d'exercer leur mission qu'à l'intérieur de lieux fermés, d'espaces minutieusement balisés ou aux abords de ceux-ci, mais en aucun cas sur la voie publique.

Les agents de surveillance privée qui assistent à des méfaits n'ont pas le droit d'intervenir directement : ils doivent en référer aux autorités compétentes, le plus souvent à la gendarmerie lorsqu'il s'agit de communes rurales. Or, notamment quand la commune est éloignée d'une caserne, il arrive que les gendarmes mettent du temps à se rendre sur les lieux.

Depuis les attentats de novembre 2015, il est demandé aux maires d'être particulièrement vigilants en matière de sécurité, mais ils n'ont pas véritablement reçu les moyens d'assurer cette mission.

Une circulaire du ministère de l'intérieur datée du 5 janvier 2016 engage bien les préfets à élaborer des conventions locales de coopération de sécurité, ou CLCS, notamment dans les zones exposées à la délinquance. Ces conventions associent les maires et les services de sécurité privée autour des forces de l'ordre, mais elles visent essentiellement à permettre des échanges d'informations, sans vraiment régler les problèmes auxquels sont confrontés les élus concernés en matière de sécurité.

Dans ces conditions, comment les maires sont-ils supposés résoudre la quadrature du cercle, pris comme ils le sont entre leur responsabilité d'assurer la sécurité sur le territoire de leur commune, l'absence de police municipale, notamment dans les petites communes qui n'ont pas les moyens d'en financer une, et les limites du recours aux services, très encadrés, des sociétés de surveillance privée.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence du ministre de l'intérieur.

Vous l'interrogez sur les moyens à la disposition d'un maire pour assurer la sécurité des personnes et des biens dans sa commune.

La sécurité est bien sûr le cœur du métier de l'État. C'est en même temps une coproduction faisant intervenir d'autres acteurs, dans une logique de partenariat qui est le gage d'une efficacité accrue.

La sécurité dans nos villes et nos villages tient d'abord à une présence visible de la police et de la gendarmerie nationales. Vous le savez, des efforts importants de recrutement ont été réalisés. Si des réorganisations territoriales sont en cours, elles peuvent aussi conduire à une plus grande réactivité et à un positionnement des effectifs adapté aux réalités de la délinquance d'aujourd'hui.

Le deuxième acteur important, ce sont bien sûr les polices municipales. La création d'un service de police municipale relève d'une initiative du conseil municipal, en application du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Le ministre de l'intérieur a pris plusieurs initiatives visant à faciliter concrètement l'exercice des missions de cette « troisième force de sécurité intérieure » : financement des gilets pare-balles, fournitures d'armes de poing issues des stocks de la police nationale, assouplissement du cadre juridique de l'accès aux fichiers, pour ne citer que ces trois exemples. Il a réuni trois fois la commission consultative des polices municipales depuis le début de l'année 2015 pour rendre compte de l'avancée de ces chantiers.

Bien sûr, dans les petites communes, la création d'une police municipale peut s'avérer coûteuse : je précise cependant que le droit en vigueur permet des solutions de mutualisation intercommunale, voire la création d'une police municipale intercommunale.

Une autre solution est le recrutement d'agents de surveillance de la voie publique, les ASVP. Ce sont des agents publics pouvant être contractuels et disposant de compétences de verbalisation pour certaines infractions. Ces agents peuvent également apporter une réponse efficace en matière de sécurité dans les petites communes.

Reste, enfin, la question des agents de sécurité privée. Le domaine d'intervention des agents de surveillance privée est, selon l'article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure, circonscrit à l'intérieur des bâtiments ou dans la limite des lieux dont ils ont la garde.

Néanmoins, le deuxième alinéa de ce même article leur permet, je le rappelle, d'exercer sur la voie publique, à titre exceptionnel et sur autorisation du représentant de l'État dans le département, des missions, même itinérantes, de surveillance contre les vols, dégradations et effractions visant les biens dont ils ont la garde.

La loi permet donc déjà à ces agents d'exercer une garde statique ou itinérante au bénéfice d'une commune dès lors qu'il s'agit de surveiller des biens pour prévenir d'éventuels actes de malveillance.

Dans ce cadre, ces agents peuvent utilement coopérer avec les forces de sécurité. En effet, la formation qu'ils suivent en vue de l'obtention de leur carte professionnelle comprend des modules stratégiques dont l'objet est de leur apprendre, par exemple, à détecter des situations conflictuelles, à mettre en œuvre des consignes ponctuelles ou permanentes, à transmettre les informations utiles dans le cadre d'actes de malveillance et à faire des comptes rendus.

Ces différents acteurs étatiques, municipaux et privés doivent bien sûr se parler et coopérer. Ainsi, chacun exerce, dans une logique de partenariat et dans le respect des compétences respectives de chacun, des missions complémentaires au service de la sécurité de nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de ce rappel de la réglementation existante. Il aura au moins l'avantage de clarifier les choses pour un certain nombre de maires qui s'interrogent légitimement. Pour autant, votre réponse ne me satisfait pas pleinement.

Si le dispositif que vous avez rappelé peut suffire - et encore ! - dans une situation normale, il n'en est naturellement pas ainsi dans la situation de crise que nous connaissons depuis les attentats de janvier et, surtout, de novembre 2015.

À certaines époques de l'année, en effet, les petites communes, comme les grandes, organisent des manifestations diverses qui sont autant de fêtes, de rassemblements susceptibles d'attirer un large public. Citons, pêle-mêle, le réveillon du jour de l'an, le 14 juillet ou encore la Fête de la musique, qui se déroulera ce soir même.

Ce soir, par exemple, partout en France, même dans les petites villes et les communes rurales, se tiendront des rassemblements exigeant une surveillance particulière.

Dans les petites communes rurales, la gendarmerie ne pourra pas être partout, alors que, dans les grandes villes, les effectifs de la police auront été spécialement renforcés. Dans les deux cas, les maires sont responsables de la sécurité, mais, alors que les uns seront bien soutenus, les autres seront bien seuls et dépourvus !

Il y a là, outre une inégalité flagrante entre les différentes strates de communes, un risque accru pour certaines catégories de population, notamment, je le répète, parce que la gendarmerie ne pourra pas être présente dans toutes les communes rurales où seront organisées ce soir des manifestations susceptibles de drainer ne serait-ce que 100 ou 200 personnes. La perpétration d'un attentat dans ces circonstances serait, naturellement, catastrophique.

Je vous invite, madame la secrétaire d'État, à vous faire l'écho de cette grave préoccupation auprès du Gouvernement.

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