Question de M. GATTOLIN André (Hauts-de-Seine - Écologiste) publiée le 10/06/2016

Question posée en séance publique le 09/06/2016

M. André Gattolin. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé du budget.

Monsieur le secrétaire d'État, avec 700 salariés en France, Google n'a payé que 5 millions d'euros d'impôt sur les sociétés en 2014. L'évasion fiscale, en particulier des multinationales, affaiblit les économies et les États. Récemment, le ministre des finances a affirmé que, en la matière, le temps des transactions était révolu et qu'il fallait désormais aller au bout des procédures judiciaires. Nous nous en félicitons.

Mais prouver la fraude n'est pas simple, même si celle-ci est massive. Alors face aux milliards d'euros à recouvrer, il convient de se doter des moyens adaptés. Le 24 mai dernier, le parquet national financier a mené une perquisition de très grande ampleur dans les locaux parisiens de Google.

Les données recueillies sont d'un volume comparable à celui des « Panama papers ». Mais faute, notamment, d'un logiciel de traitement adéquat, leur analyse pourrait prendre des mois, voire des années.

Au-delà des problèmes informatiques, le parquet national financier fait face à des difficultés de personnel.

D'abord pour lui-même : sur les trente-deux magistrats du parquet et juges d'instruction qui devaient lui être affectés, seuls quinze l'ont été.

Ensuite, pour les services d'enquête sur lesquels il s'appuie : l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales compte moins de personnel qu'à sa création en 2013. Cet office se voit pourtant confier chaque année deux fois plus d'enquêtes qu'il ne parvient à en boucler.

Monsieur le secrétaire d'État, à l'heure où se nouent les arbitrages budgétaires pour 2017, et face aux enjeux considérables de l'évasion fiscale, pouvez-vous nous dire si vous comptez prendre pleinement en considération les besoins croissants de cette jeune institution qu'est le parquet national financier ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des finances et des comptes publics, chargé du budget publiée le 10/06/2016

Réponse apportée en séance publique le 09/06/2016

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, vous évoquez une question dont nous discutons assez souvent dans cet hémicycle. Je répondrai sur les deux aspects que vous avez abordés.

Premièrement, si le parquet national financier a incontestablement apporté un certain nombre de moyens nouveaux dans la lutte contre l'optimisation fiscale agressive et la fraude, il ne faudrait pas croire que les affaires que vous avez évoquées, et sur lesquelles je ne peux évidemment apporter aucune précision supplémentaire, ont pour origine le seul parquet national financier.

Aujourd'hui, on voit émerger un certain nombre de poursuites contre de grandes entreprises connues. Si c'est le cas, c'est parce que les enquêtes ont démarré il y a déjà plusieurs mois, et même parfois plusieurs années. Je rappelle que l'affaire Google que vous citiez est issue d'une plainte de l'administration fiscale.

Ces travaux ont été rendus possibles, pour l'administration fiscale comme pour le parquet national financier, parce que le Parlement a adopté, souvent, mais pas toujours sur la proposition du Gouvernement, un certain nombre de moyens techniques supplémentaires. Vous en avez évoqué quelques-uns.

Le second aspect de votre question, que je ne veux pas éluder, porte sur les moyens humains et matériels de cette institution. Ceux-ci dépendent en réalité du ministère de la justice. Vous avez auditionné, me semble-t-il, Mme le procureur général chargée du parquet national financier. Le président de votre commission des finances et le rapporteur général se sont rendus sur place. Nous sommes en train d'arbitrer - cette semaine et la semaine prochaine - les conférences budgétaires.

D'ailleurs, ce ne sont pas spécialement les moyens humains qui sont mis en cause ; c'est plutôt la coopération entre les différents services. L'audition à laquelle a procédé votre commission a permis de démontrer l'excellente collaboration - en tout cas, ce sont les informations qui me reviennent - entre le parquet national financier et les services de Bercy. Ces affaires sont nécessairement complexes et techniques,...

M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. ... mais nul doute que des progrès énormes ont été faits parce que le Parlement a donné des moyens à nos administrations ou à la justice. D'autres sont encore en préparation à l'échelon européen et international. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour la réplique.

M. André Gattolin. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Il faut rendre à César ce qui appartient à César : l'administration fiscale coopère bien avec le parquet national financier. Mais la coopération se fait aussi avec le ministère de l'intérieur, d'autres services, la justice elle-même. Il est vrai que des postes n'ont pas été attribués parce que la priorité a été donnée à la justice et à la police pour la lutte contre le terrorisme.

Il ne faudrait cependant pas oublier que cette lutte contre la fraude massive est absolument essentielle et qu'elle augmente aussi nos moyens budgétaires. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

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