Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 24/06/2016

Question posée en séance publique le 23/06/2016

M. Roger Karoutchi. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, harassées, épuisées – vous l'avez reconnu vous-même, les syndicats policiers le disent –, nos forces de sécurité sont à bout. État d'urgence, protection des lieux sensibles, Euro 2016, fan zones, manifestations, casseurs, dégradations, interpellations : les forces de sécurité n'en peuvent plus. Et les Français non plus, ceux qui subissent les dégradations en centre-ville, mais aussi ceux qui se demandent ce qui se passe dans ce pays lorsqu'ils voient à la télévision un cortège de violences inépuisables et non contrôlées, au moins en apparence.

Très clairement, les palinodies de ces jours derniers sur l'interdiction puis l'autorisation de la manifestation, sur son caractère statique ou mouvant, sur le parcours – petit, moyen, grand ou circulaire – n'ont pas contribué à rassurer les Français.

Monsieur le ministre, je ne doute pas de votre sens aigu de l'ordre républicain, mais les Français ne peuvent plus se contenter, et les forces de sécurité non plus, de discours et de postures. (MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Rémy Pointereau applaudissent.)

Tout le monde demande aujourd'hui un véritable plan de restauration de l'ordre public, et non une nouvelle loi, dont on n'a pas besoin, afin de rassurer les Français sur l'État de droit et de remotiver les forces de sécurité. Il s'agit de conforter l'idée que l'ordre public, c'est l'ordre de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 24/06/2016

Réponse apportée en séance publique le 23/06/2016

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur Karoutchi, votre question appelle deux éléments de réponse de ma part.

La meilleure manière de faire en sorte que l'ordre public soit respecté, monsieur le sénateur, c'est d'octroyer des moyens à ceux qui en ont la charge, notamment les policiers et les gendarmes.

Vous appelez de vos vœux un plan de rétablissement de l'ordre public. Je vais le décliner rapidement devant vous : il se traduit par une augmentation de près de 9 000 des effectifs de la police nationale et de la gendarmerie nationale, quand près de quinze unités de forces mobiles et 13 000 emplois ont été supprimés au cours des dernières années. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Il se traduit également par une augmentation de 17 % des crédits hors titre II de la police et de la gendarmerie nationales, par l'équipement des brigades anti-criminalité et des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie, les PSIG. Enfin, nous faisons ce qu'il faut pour reconnaître le travail des gendarmes et des policiers. Comme vous le savez, les organisations syndicales représentant plus de 60 % des policiers ont signé un protocole de 850 millions d'euros de mesures catégorielles.

Vous avez ensuite abordé la question des manifestations et de leur autorisation. Je veux être extrêmement clair sur ce point : la volonté du Gouvernement, et cela a été la demande constante du Président de la République et du Premier ministre, est que la liberté de manifester soit respectée.

Quant aux casseurs, ils doivent être interpellés. Au total, 1 600 casseurs ont été interpellés, la plupart d'entre eux ayant été placés en garde à vue et traduits devant la justice. Les autres le seront également.

La manifestation du 14 juin ayant donné lieu à des événements extrêmement graves, le Président de la République et le Premier ministre m'ont demandé de discuter avec les organisations syndicales d'un dispositif permettant d'éviter de nouveau la survenue de tels événements. Les organisations syndicales ayant refusé les propositions que je leur ai faites, j'ai personnellement pris la responsabilité, et j'en ai rendu compte au Président de la République et au Premier ministre, de proposer l'interdiction d'une nouvelle manifestation.

Les organisations syndicales ont alors souhaité me revoir et ont accepté, après que j'ai décidé cette interdiction, des propositions que, la veille, elles avaient refusées et qui me paraissaient être de nature à permettre le bon déroulement de cette manifestation.

Nous sommes donc parvenus à concilier la nécessaire sécurité des manifestations et la liberté de manifester. Il ne faut voir là rien d'autre que la volonté de respecter les principes républicains qui ont toujours inspiré l'action du Gouvernement, c'est-à-dire l'usage proportionné de la force, l'intransigeance et la fermeté à l'égard des casseurs, le respect de la liberté de manifester et, à ces fins, la discussion avec les syndicats pour aboutir au compromis nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Didier Guillaume. C'est très clair !

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, j'entends bien vos arguments, mais reconnaissez que les allers et retours de ces derniers jours ont donné le sentiment, et ce n'est pas seulement un sentiment, que l'autorité de l'État était bafouée depuis des jours par des responsables - ou non ! - affirmant qu'ils feraient ce qu'ils voulaient, quelle que soit la décision du Gouvernement.

Pensez-vous réellement que l'on pourra continuer longtemps à entendre dire dans ce pays que l'État n'a plus aucune autorité, qu'il ne fait preuve d'aucune fermeté et qu'il ne parvient pas à rétablir l'ordre républicain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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