Question de M. BAS Philippe (Manche - Les Républicains) publiée le 08/07/2016

Question posée en séance publique le 07/07/2016

M. Philippe Bas. Ma question concerne la justice, et je tenais à l'adresser au Premier ministre, car, eu égard à la situation critique de nos finances publiques, lui seul dispose encore de quelques clés pour amorcer un redressement.

Pas une semaine ne se passe sans que des prévenus soient libérés, faute d'avoir pu être présentés à temps à un juge. Nos prisons sont saturées ; certaines d'entre elles sont même vétustes. Nos tribunaux souffrent d'embolie, aussi bien au civil qu'au pénal, en raison de l'aggravation de la délinquance. Les frais de justice ne sont pas payés en temps utile. Nos lois ne cessent d'alourdir les charges pesant sur les tribunaux et certaines d'entre elles sont inappliquées au point d'être devenues virtuelles. C'est le cas, par exemple, de la loi instaurant la contrainte pénale, par manque de moyens. Les postes de magistrats et de greffiers votés par le Parlement ne sont pas pourvus.

Dans ces conditions – je sais ce diagnostic partagé par le garde des sceaux –, un sursaut est indispensable. Le Gouvernement est-il décidé à amorcer ce redressement nécessaire, malgré le peu de temps qui lui reste pour agir ? (Applaudissements sur les mêmes travées.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 08/07/2016

Réponse apportée en séance publique le 07/07/2016

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Je ne peux dresser un autre constat que celui qui a été présenté par Philippe Bas. Voilà cinq mois, en prenant la responsabilité de ce poste, j'ai d'ailleurs évoqué une institution « en voie de clochardisation », et l'expression a choqué. Cela n'aurait pas dû être le cas, car ce qui était choquant, c'est la réalité !

J'ai toutefois employé les termes « en voie » pour signifier qu'il s'agissait d'un risque, que je pèse, et pour appeler l'ensemble des pouvoirs publics - notamment l'Assemblée nationale et le Sénat - comme toutes les collectivités à livrer le combat.

Le message est donc entendu, monsieur Bas, et vous le savez.

Mais, comme le Premier ministre l'a dit et comme le Président de la République l'a répété, beaucoup a déjà été fait. Notre accord s'arrêtera donc au constat, car - j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer devant cette assemblée - le Gouvernement a commencé à apporter des réponses depuis quatre ans.

En particulier, les créations de postes ont été nombreuses. L'École nationale de la magistrature comptabilise plus de postes ouverts de magistrats qu'elle n'en a jamais eus ; à l'École nationale d'administration pénitentiaire d'Agen, ce sont 868 surveillants de prison qui sont en formation ; enfin, les promotions de l'École nationale des greffes de Dijon et de l'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse atteignent des niveaux jamais constatés.

Donc, beaucoup a été fait, mais il faut effectivement poursuivre l'effort.

Il se trouve que les grandes lignes budgétaires sont désormais connues pour 2017, puisqu'elles vont être évoquées à l'occasion du débat sur l'orientation des finances publiques qui va suivre.

Le budget de la justice pour l'année prochaine est un très bon budget, et je suis particulièrement fier d'être le ministre de la justice qui enregistrera la progression la plus forte de son budget depuis 2012. Celle-ci dépassera 4,6 %, soit 300 millions d'euros supplémentaires pour un budget s'élevant, in fine, à 6,9 milliards d'euros.

Vous savez en effet comme moi, monsieur Bas, que nous partons d'un budget de 6,6 milliards d'euros, et non de 8 milliards d'euros, puisqu'il ne faut pas tenir compte des éléments du compte d'affectation spéciale « Pensions ». Une hausse de 300 millions d'euros est donc considérable au regard de la modestie du besoin.

Mais il faut continuer ! J'espère d'ailleurs que la progression se poursuivra dans les années qui suivront. Pour le ministère de la justice, elle s'établit, depuis 2012, à 14 %. Jamais aucun gouvernement n'avait fait autant !

Cela étant, il faut parler vrai et agir juste, comme le disait Michel Rocard. Nous allons agir juste, en dépensant à bon escient.

Le débat avec le Parlement, singulièrement avec le Sénat, nous permettra d'évoquer la répartition de ces milliards d'euros. De mon point de vue, c'est maintenant sur les juridictions, et non sur les créations de postes, qu'il faut faire porter l'effort. Là est le besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour la réplique.

M. Philippe Bas. Nous entendons ce nouveau discours, monsieur le ministre, mais pendant trois ans et demi, le verbe - un verbe haut - a remplacé l'action (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) et cette pratique gouvernementale a fortement entamé votre crédit, au moment où vous prenez vos fonctions. L'impasse dans laquelle Mme Christiane Taubira nous a conduits a profondément atteint le service public de la justice. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. - Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Le Gouvernement a commencé par abandonner le programme de création de 23 000 places en prison. Il a prétendu remplacer les courtes peines par des peines de contrainte pénale. Faute de moyens, celles-ci ne sont pas mises en œuvre.

Aujourd'hui, vous improvisez, à coup de « mesurettes », le divorce sans juge, ce qui entraînera, pour 4 millions d'euros d'économies pour la justice, entre 50 et 80 millions d'euros de dépenses pour les couples, le recours à deux avocats étant désormais nécessaire. Cette improvisation n'est pas acceptable ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain. - Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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